Pré-éclampsie précoce et sévère : HELLP syndrome et deuil périnatal (Lolita)

Voici le témoignage de Lolita qui a malheureusement vécu en novembre dernier la perte de sa fille suite à une pré-éclampsie précoce et sévère avec HELLP syndrome qui s’est aggravée très rapidement. Elle mentionne aussi les différences de prise en charge entre les maternités malheureusement et la méconnaissance sur cette pathologie de grossesse. Nous envoyons toutes nos douces pensées du plus profond de nos cœurs à Lolita et son mari.

Nous faisons tout notre possible pour que la prise en charge des patientes et la formation soient améliorées grâce à notre comité scientifique qui nous implique dans plusieurs conférences, journées de formations et autres évènements professionnels. Nous ne lâchons rien et ce, grâce à votre soutien !

« Je souhaite témoigner sur ce que j’ai vécu en novembre 2021.

J’ai eu une complication sévère de la pré-éclampsie : un HELLP syndrome, qui est survenu à mon 6ème mois de grossesse. Pourtant, tout avait si bien commencé, chaque mois mes analyses étaient bonnes, rien ne me laissait douter qu’il puisse en être autrement.

Depuis que nous avions appris l’heureuse nouvelle, ma grossesse s’est déroulée « normalement », avec les nausées du premier trimestre, une fatigue et toutes sortes de petits tracas qui nous rappellent qu’une vie grandit en nous. J’ai, dès le début de ma grossesse, signalé à tous, médecins ou sage-femme, que ma maman avait subi pour moi une toxémie gravidique (ancienne dénomination de la pré-éclampsie) mais rien d’alarmant selon eux. C’est à l’échographie de fin du 2ème trimestre que tout a basculé en véritable cauchemar.

Lors de ce RDV, le vendredi 29 octobre 2021, la sage-femme nous annonce la tant attendue nouvelle : nous allions avoir une fille.

Elle procède ensuite à plusieurs mesures et elle nous paraît de plus en plus inquiète et finit par nous dire qu’elle constate un retard de croissance. Notre bébé ne pèse que 338g.

Elle nous prend RDV avec un référent gynécologue à l’hôpital pour un examen plus poussé dans une semaine. Elle se montre ensuite rassurante car cela arrive que des bébés soient plus petits qu’ils ne devraient mais que la croissance suit bien son chemin jusqu’à la naissance. Après tout, j’essaye de m’en convaincre aussi car je suis moi-même née prématurée à 7 mois pour 1.5kg ! Je garde donc espoir pour notre petite Astrée et j’attends le dit-RDV avec impatience afin d’être rassurée complètement.

Le soir-même, je suis réveillée à cause de douleurs très vives en haut du ventre, dans la zone épigastrique. Nous décidons d’aller aux urgences de l’hôpital le plus proche de notre domicile, soit 30 minutes en voiture. J’ai passé le trajet pliée en deux, je pleurais, tellement j’avais mal et j’avais peur pour notre bébé.

Sur place, j’ai été prise en charge rapidement. Plusieurs sages-femmes essayent de savoir ce qu’il s’est passé pendant ma journée et très rapidement, je comprends qu’elles ne me prennent pas au sérieux. Elles me disent que tout est normal, le bébé va bien et que ces douleurs sont des maux classiques de la grossesse.

Doliprane® et Spasfon® en main, je suis invitée à rentrer chez moi. Je tente d’insister un peu en leur expliquant que je n’avais jamais eu ce genre de douleurs et que je sens que quelque chose ne va pas. Je me souviendrai toujours que l’une d’entre elles m’a dit que c’était dans ma tête et que je devais me reposer.

J’en suis repartie complètement chamboulée et pire, j’avais honte de les avoir dérangés « pour rien ».

Sauf que la douleur est revenue la nuit d’après, ainsi que toutes les autres nuits de la semaine suivante.

La journée, je n’avais rien, mais la nuit, j’étais frappée brutalement par cette douleur aiguë qui m’empêchait de respirer et qui durait de plus en plus longtemps au fil des jours.

Ma sage-femme a essayé plusieurs médicaments, pensant plutôt à des brûlures d’estomac mais rien ne marchait.

Le dimanche 7 novembre, la douleur a repris en pleine après-midi, après avoir passé une nuit quasi blanche, et s’est amplifiée jusqu’au soir. J’ai pris un bain chaud pour essayer de me détendre. Dans ma tête, il était hors de question que je retourne aux urgences vu l’accueil que j’avais reçu précédemment.

Vers 21h00, ne supportant plus la douleur, nous avons convenu d’aller dans un autre hôpital, celui que nous avions choisi pour l’accouchement, mais situé à 40-45min via l’autoroute.

Je me souviens que le trajet a été une vraie torture et je craignais déjà de ne pas en revenir vivante. Sur place, on m’examine : tension élevée, protéinurie dans les urines, mauvais bilan sanguin, douleur dans le dos au niveau des reins, vomissements. Deux gynécologues viennent procéder à une échographie, mais sans me dire quoi que ce soit, j’ai tout de suite compris. Ils se regardaient et pointaient du doigt l’écran du monitoring et rapidement, le diagnostic de pré-éclampsie a été posé. On m’explique que le HELLP syndrome dont je souffre est lié à la condition de ma grossesse, que notre pronostic vital est engagé et que la seule option pour tenter de me sauver est d’extraire le bébé. Malheureusement, à ce stade de croissance, sa survie une fois sortie de mon ventre ne serait pas possible. Il fallait agir vite. Je devrais être transférée d’urgence dans un hôpital de type 3. Ils ne mâchent pas leurs mots, ils me disent en toute transparence que la situation est grave. Ils me permettent enfin de voir mon conjoint qui patientait depuis plusieurs heures à l’entrée de l’hôpital sans avoir aucune idée de ce qu’il se passait.

Puis, s’est produit ce que les docteurs redoutaient : une crise d’éclampsie sévère. Je commence à convulser, je sens mon corps se contracter, je crie de douleur et de peur, j’appelle à l’aide. Je tombe dans le coma.

Lorsque j’ai la chance de me réveiller le lendemain, une équipe m’informe que je suis au service réanimation, que j’ai survécu.

On m’explique alors ce que l’éclampsie a engendré, soit une transfusion sanguine et une césarienne, qu’à partir de ce jour, je serai sous perfusions diverses, que j’aurai des prises de sang régulières, que mes reins doivent se rétablir, que mon hypertension doit être maitrisée… Bref, que mon corps avait subi beaucoup de maux et qu’il fallait maintenant que je sois forte.

Après plusieurs jours, j’ai été transférée au service maternité, dans une chambre seule, à côtés d’autres mamans et de leurs bébés. Le plus difficile a été d’entendre leurs pleurs la nuit et de me dire que ce n’était pas ceux de ma fille, car elle n’était plus là.

S’en suit un réel combat contre soi-même pour accepter et aller de l’avant. Seul mon conjoint avait le droit de visite à cause du contexte sanitaire. Le séjour d’une semaine m’a paru interminable.

Les sages-femmes ont toutes été compétentes et d’une gentillesse extrême, cela m’a beaucoup aidée.

Aujourd’hui, je suis à la maison et bien entourée par mes proches et mon compagnon qui, lui aussi, a vécu un calvaire.

Je suivrai plusieurs mois un traitement pour l’hypertension.

À ce jour, je n’ai plus aucun souci de reins, de protéinurie, mes bleus et hématomes ont entièrement disparu.

La cicatrisation de la césarienne nécessitera un peu plus de temps. Seul notre traumatisme reste et nous ne pourrons jamais oublier la brutalité de cette perte.

Je ne peux m’empêcher de penser à ma prochaine grossesse et à la peur d’une récidive, car oui, il y a des risques.

Je ne veux plus perdre de bébé. Je ne veux plus que cela recommence. Cela me terrifie de pouvoir risquer ma vie.

Pourtant, j’ai envie d’y croire. Croire que la vie est plus importante que tout et que nous aussi, nous avons le droit de devenir parents.

Je regrette que l’on ne m’ait pas prise au sérieux une semaine plus tôt, même si cela ne changeait rien à la perte de mon bébé, nous aurions peut-être eu moins de complications. Je regrette qu’en changeant d’hôpital, il puisse y avoir autant de différence de traitement des patients.

J’ai 30 ans, c’est ma première grossesse désirée et nous avons réussi à concevoir rapidement sans problèmes quand d’autres se battent tous les jours pour donner la vie.

Alors cela paraît normal, anodin pour certains de dire : « vous êtes jeunes, il y en aura d’autres », « tout arrive pour une bonne raison, la nature est bien faite »,…

Rien de tout cela n’est constructif et ne m’aidera à faire mon deuil et parfois certains propos sont blessants sans le vouloir.

Ce qui a été très difficile pour moi, c’est aussi toute la gestion de « l’après ». Je sais que nous sommes obligés de passer par là mais toutes ces questions qui nous ont été posées après quelques jours ont été difficiles à gérer : »vous voulez prendre votre congé maternité ? », « est-ce que vous voulez la voir avant qu’elle parte à l’autopsie ? », « vous avez décidé si vous vouliez la reconnaître officiellement ? », « quel type d’enterrement ? »…

Je regrette que cette pathologie de la grossesse soit si peu connue ou reconnue aujourd’hui car NON, cela n’arrive pas qu’aux autres.

Nous attendons encore beaucoup de réponses mais je vous raconte notre histoire afin d’apporter du soutien aux mamans et papas qui sont concernés et de contribuer à ce que cette maladie ne reste pas dans le silence. Je sais aussi, que c’est une étape dans ma guérison et mon deuil d’oser en parler à un plus large public et de mettre des mots sur mes maux. »

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