Pré-éclampsie avec HELLP syndrome post-accouchement : manque d’explications et de soutien (Audrey)

Audrey partage ici son expérience traumatisante de la pré-éclampsie compliquée d’un HELLP syndrom post-accouchement qui aurait pu être évité, le personnel médical n’étant pas habitué à gérer des grossesses à risque… Elle se confie aussi sur le manque d’explications de la part du personnel médical lors de son hospitalisation lorsqu’elle a dû être séparée de sa fille, mais également sur la maladresse de son entourage à son égard. Alors comme Audrey le dit si bien à l’attention des proches : « ne jugez pas les femmes qui ont mal vécu leur accouchement, écoutez-les, soutenez-les surtout si vous n’avez pas vécu un tel cauchemar ». Plein de bonheur à Audrey et sa petite famille !

« Bonjour, je m’appelle Audrey, j’ai bientôt 31 ans. J’ai fait une pré-éclampsie lors mon dernier mois de grossesse en 2018, du moins c’est à ce moment-là qu’elle m’a officiellement été diagnostiquée car j’avais presque tous les symptômes bien avant.

Six semaines avant le terme, je me plaignais de maux de ventre et je vomissais (on en parle peu mais la pré-éclampsie peut faire vomir). Alors mon gynécologue médecin généraliste a pensé à une gastro-entérite. Je sentais que quelque chose n’allait pas mais je n’étais pas médecin.

Quinze jours après, visite de contrôle à la maternité, j’avais pris 4kg en deux semaines, mes analyses d’urine et de sang n’étaient pas bonnes. On me fait alors tous les examens classiques pendant une semaine. RAS – à part un jour où un médecin m’a dit : « On va vous faire une échographie pour voir si le bébé ne manque pas d’oxygène »…rassurant…- donc je rentrais chez moi.

Une nuit, je me sens mal, TRÈS mal…mauvais pressentiment. Je décide de partir à la maternité à 03h30 du matin : hypertension, le seul symptôme qui me manquait. On décide alors de me déclencher à 13h30, contractions super rapides mais ce n’était rien comparé à la barre épigastrique. Je demande la péridurale au bout de 12h. Malgré tout je continue à avoir mal à cause de la barre épigastrique et je vomis. Les sages-femmes tentent de me rassurer en disant : « La douleur, c’est normal, c’est le bébé qui appuie » – mais non, c’est la pré-éclampsie -, « les vomissements, c’est normal, c’est la péridurale » – mais non, c’est la pré-éclampsie. On me dit que je dois accoucher dans les 48h, finalement non, dans les 24h sinon césarienne d’urgence car mon corps « ne le supporterait pas ». Finalement, j’accoucherai par voie basse 24h après le début du déclenchement. Quel soulagement. C’était sans compter les complications.

C’était une maternité de type 2 et la plupart du personnel m’avait avoué ne pas avoir vu de pré-éclampsie. Ils savaient ce que c’était en théorie mais ils n’ont pas su gérer la situation et ont eu peur. Après avoir accouché, j’avais vomi dans la chambre, mon conjoint avait appelé une sage-femme qui m’avait jeté à la figure une gamelle en carton en me disant : « La prochaine fois c’est là-dedans ».. J’ai dû insister pendant 5 heures pour avoir un anti-douleur à cause de la barre épigastrique, on a fini par me perfuser et la sage-femme de nuit (qui remplaçait la précédente) était un amour. Elle était venue me voir toutes les heures jusqu’à ce que je m’endorme pour voir comment ça allait, mais je ne l’ai vue que ce soir-là… J’avais tellement mal que j’ai cru que j’allais mourir juste après avoir accouché, j’avais toujours les mouches devant les yeux et un moment, j’avais un trou noir – une vraie angoisse – mon corps me lâchait complètement. J’étais en pleurs tellement j’avais mal et les soignants étaient très longs à venir jusqu’à ce que la sage-femme de nuit prenne le relai. Quand je me sentais mieux, il y avait quatre médecins mais quand j’en avais le plus besoin, il y n’avait personne.

Le lendemain, 12h30, je sens que quelque chose ne va pas mais je vais bien, je suis dans l’euphorie de la naissance. J’allaite ma fille quand une puéricultrice me la prend des bras sans m’adresser la parole, je ne comprends pas. On m’explique que je ne vais pas bien, que mon état de santé a empiré. Je cherche à comprendre pendant que je vois la puériculture emmener ma fille en dehors de la chambre sans que je ne comprenne ce qui se passe. Le médecin m’explique que je vais devoir être hospitalisée mais pas dans la maternité car elle n’est pas équipée. Je ne comprends pas. Je demande quand je vais être hospitalisée, on me répond « maintenant » (pendant qu’on me met la perfusion et la sonde urinaire, l’ambulance était déjà là mais personne n’a jugé utile de me prévenir).

Je n’ai même pas pu dire au revoir à ma fille. Je demande pendant combien de temps, on me répond « minimum 24h, maximum on ne sait pas » pendant que l’on m’installe dans l’ambulance, je m’effondre. J’apprends alors qu’on m’envoie dans un service de réanimation dans un hôpital à quelques kilomètres. J’y resterai 24h avant de pouvoir retrouver ma fille. J’apprends que j’ai fait un HELLP syndrom post-accouchement mais je ne me sentais pas malade. Je culpabilisais d’abandonner ma fille, j’étais persuadée qu’ils faisaient erreur sur le diagnostic.

Finalement je serai restée une semaine à la maternité sans compter les autres complications (taux d’hémoglobine anormalement bas, les médecins ont hésité à me transfuser mais je le vivais « bien » encore une fois). J’ai dû par la suite faire plusieurs examens pour vérifier l’état de mon foie, de mes reins et faire un bilan hépatique régulier. Je m’attendais à beaucoup de choses et d’imprévus pour un accouchement mais pas à des complications pour la mère, pour moi. Plus tard, la gynécologue m’avouera qu’ils auraient dû me déclencher plus tôt et j’aurai évité un HELLP syndrom avec hospitalisation. La gynécologue qui m’a accouchée a fait de son mieux, ce que je regrette c’est la façon dont on m’a annoncé les choses lors du transfert. Tout a été très rapide, trop rapide. J’avais une confiance absolue dans le corps médical mais aujourd’hui, je n’arrive pas à oublier cette mauvaise expérience qui m’oblige à rester vigilante lorsque je sais que l’on ne nous dit pas tout, quand bien même cela peut être de la maladresse de la part des médecins. J’ai mis plusieurs mois avant de pouvoir parler de mon accouchement sans pleurer, sans repenser aux 24h loin de la fille. Et ce qui est aussi dur à encaisser est le regard des autres face à la situation : lorsque j’ai raconté mon histoire, j’ai eu droit à « tu as eu de la chance, bébé allait bien  » ou encore « ton pauvre conjoint qui a dû jongler entre l’hôpital et la maternité, entre sa femme et sa fille » comme si mon vécu n’était rien pour eux. Ces commentaires désobligeants, surtout pour celles qui n’ont pas eu d’enfant, ont été tout aussi dur à vivre. Comme si nous n’avions pas le droit d’extérioriser cet accouchement traumatisant, une séparation à la naissance, une incompréhension de la situation…

Alors à travers ce témoignage, j’aimerais aussi pouvoir faire changer le regard des gens : ne jugez pas les femmes qui ont mal vécu leur accouchement, écoutez-les, soutenez-les surtout si vous n’avez pas vécu un tel cauchemar. Aujourd’hui nous allons bien mais nous n’oublierons jamais. Merci d’avoir pris la peine de me lire jusqu’au bout. »

Partagez cet article !

Laisser un commentaire