Un nouveau témoignage d’une maman que certains soignants n’ont pas voulu croire lorsqu’elle avait cependant les signes d’une pré-éclampsie dès ses 6 mois de grossesse mais qui n’a pas lâché parce qu’elle savait que quelque chose n’allait pas. Merci Anne-Béatrice pour votre partage qui montre l’importance d’écouter notre corps pendant la grossesse. Nous vous souhaitons plein de bonheur avec votre petit.
« Je suis tombée enceinte alors même que le projet d’enfant n’était pas réellement décidé. Une belle surprise à 39 ans ! À peine 10 jours après avoir fait le test, j’ai commencé à avoir des nausées. Elles ont été particulièrement fortes, à en perdre 8kgs. Je suis passée à peu d’un séjour en hôpital. Les nausées ont fini par s’atténuer vers le 4ème mois. J’ai alors pu commencer à profiter de ma grossesse. J’ai eu la chance d’être entourée de médecins compréhensifs qui m’ont arrêtée durant toute ma grossesse. Après les premiers mois difficiles, je n’étais pas suffisamment en forme pour reprendre un travail qui alliait à la fois des longs trajets en voiture et un contexte délicat, puisque je travaillais auprès de personnes malades et mourantes.
Les mois 4, 5 et 6 se sont plutôt bien passés, les tests de dépistage de la trisomie 21 ont donné des résultats encourageants. À partir du 6ème mois, en plein été, j’ai commencé à avoir les pieds gonflés.
Lors de la visite chez le gynécologue pour le 7ème mois, j’avais pris près de 10kg. Le gynécologue n’était pas très satisfait et m’a demandé de prendre contact avec une nutritionniste. De nature gourmande, j’ai évidemment culpabilisé et estimé qu’il me fallait faire plus attention à ce que je mangeais. 15 jours plus tard, je me suis réveillée en ayant un peu mal à la tête. Il faisait toujours chaud, j’ai pensé que cela était en lien. J’ai emprunté le tensiomètre de ma mère. Ma tension était à 14/9. J’ai fait appel à ma tante, sage-femme pour qu’elle m’aide à évaluer la situation, fallait-il que je m’inquiète ou pas ? Elle m’a conseillé de prendre du repos et d’attendre le soir pour reprendre ma tension. Ce que j’ai fait. Le soir, elle était toujours à 14/9. Sous ses conseils je me suis rendue aux urgences maternité. J’ai été reçue et j’ai eu l’impression d’être une hypochondriaque. Effectivement, ma tension était un peu redescendue, à 13/8. Après un examen de routine, une vérification de l’état de mon col, j’ai été renvoyée chez moi.
L’attente a duré six jours, tous les matins à jeun et on attend que les résultats d’analyse d’urine et de sang reviennent, parfois dans l’après-midi parce qu’il a fallu refaire la prise de sang en cours de matinée, le labo ayant perdu les prélèvements.
Le 5ème jour, le médecin de garde décide de me déclencher. Les contractions commencent mais le lendemain, pas d’ouverture du col. Le médecin de garde (à chaque jour qui passe un nouveau médecin de garde) demande à me voir et à ce que je l’attende le temps qu’il finisse en salle d’opération. La sage-femme, (mon héros), la seule qui était parvenue à poser la perfusion (la 3ème à essayer) me dit qu’il est hors de question que j’attende le médecin debout dans le hall, qu’il viendra à moi et elle me renvoie dans ma chambre. Lorsqu’il arrive enfin, il m’informe que mon taux de protéines est trop élevé et le déclenchement n’ayant pas donné grand-chose, il me conseille la césarienne. J’accepte. J’accepte facilement parce que j’avais déjà entendu parler de la maladie (il y a eu 2 cas dans ma famille) et que j’avais conscience des risques.
La césarienne a lieu dans l’heure qui a suivi. Je dois dire que si dans l’ensemble le personnel était correct à mon égard, quelques professionnels sont sortis du lot : la sage-femme, Carole qui m’a envoyée dans ma chambre et avait cette assurance très rassurante pour moi ; l’anesthésiste et son infirmier en particulier, elle qui m’a caressé les cheveux pendant toute la procédure et lui qui m’a raconté des blagues et voulait nommer mon fils à ma place.
Lorsque mon bébé a pleuré et qu’on me l’a présentée, j’étais perdue. Je n’étais pas prête ! J’étais maladroite, je lui ai fait un petit bisou sur le front et la sage-femme l’a emmené pour les premiers soins.
Eliott es né le 12 mars, à 34 semaines. Il était en pleine forme avec ses 2,2kgs.
Les 2 semaines qui ont suivi en néonat ont été les plus dures.
Je n’ai pas pu être avec mon fils pendant les premières 48h00. Dans les heures qui ont suivi l’accouchement j’étais encore sur le coup de l’anesthésie. Ma belle-famille était présente dans ma chambre quand on m’a amené mon fils. Je ne l’ai pas « rencontré », c’est arrivé plus tard, lorsque j’ai pu être seule avec lui. Au bout de 2 jours, j’ai été transférée auprès de lui. Je ne savais rien. Je n’avais pas eu le temps de faire les séances de préparation à l’accouchement.
La montée de lait ne s’est pas faite comme je l’aurais voulu, du fait de ma tension élevée, elle est montée à 18 après l’accouchement, et de la césarienne. Eliott ne savait pas téter. Il avait une sonde naso-gastrique pour l’alimenter.
J’ai dû jongler entre les prises d’anti-douleur toutes les six heures, les réveils toutes les quatre heures pour nourrir le petit, le changer et me mettre au tire-lait pour en sortir à peine 5ml. J’étais exténuée, perdue. Une infirmière m’a dit à un moment qu’il fallait que je décide si j’étais réellement motivée à allaiter mon enfant et si c’était le cas que je fasse l’effort de faire le tire-lait toutes les 3 à 4h. Je crois qu’elle n’a jamais su à quel point elle m’a blessée par ces paroles et encore plus en me racontant à quel point elle avait plein de lait quand elle a accouché.
J’avais hâte de rentrer chez moi et enfin m’approprier ma maternité, mon fils.
Aujourd’hui, Eliott a près de 20 mois, il est en pleine forme. J’envisage parfois une autre grossesse à 41 ans et je sais que ce n’est pas sans risque. J’espère que les soignants que je rencontrerai sur mon chemin sauront être bienveillants et ne me donneront pas l’impression d’une hypochondriaque, gourmande et paresseuse. J’espère qu’ils sauront m’entendre quand je leur dirai que j’ai peur, que je suis perdue, qu’ils comprendront que lorsque je fais des blagues, que je prends systématiquement le bon côté des choses, que j’essaie de leur rendre la tâche facile en étant une patiente sans plainte, agréable, calme c’est ma façon de gérer ma peur, mes inquiétudes, mes angoisses.
Merci à votre association, grâce aux témoignages j’ai compris un jour que la pré-éclampsie avait volé ma fin de grossesse et mes débuts en tant que maman. Il m’a fallu du temps pour réaliser que ce qui m’a permis de tenir pendant cette période c’était de rationnaliser parce que venant du milieu du soin, je comprenais le langage, les codes, mais une fois mon bébé sorti de mon ventre, je n’étais plus qu’une maman vulnérable qui n’était pas préparée à l’arrivée de son enfant avec six semaines d’avance.
Les témoignages m’ont permis de déculpabiliser et d’avancer en conscience. Merci à vous et continuez ce beau travail que vous faites. »