Pré-éclampsie sans antécédents ni facteurs de risque et manque de considération (Camille)

Camille a vécu une pré-éclampsie à 36SA pour sa deuxième grossesse. Il n’y avait ni antécédents ni facteurs de risque et pourtant… Ce témoignage met aussi à nouveau l’accent sur le manque de considératon de la part de certains professionnels de santé… Camille a eu la chance d’être bien conseillée par une amie gynécologue qui lui a recommandé de se rendre aux urgences et par l’anesthésiste de la maternité qui a su alerter à temps. Elle gardera des séquelles pendant quelques mois (oedèmes de la rétine et du nerf optique). Il y a de nombreux facteurs de risque pour la pré-éclampsie mais elle peut aussi survenir sans raison particulière. La recherche et la prévention sur cette pathologie de grossesse peu connue sont donc primordiales ! Nous souhaitons le meilleur à Camille et sa petite famille.

« Je m’appelle Camille, j’ai 30 ans au moment des faits. C’est ma deuxième grossesse, deux ans et demi après la première, qui s’était passée sans souci particulier. Je suis plus zen, et j’ai le sentiment qu’elle se passe vite et bien.

À 36SA, je me réveille en me sentant patraque. J’y vois un peu flou, je mets cela sur le compte de la fatigue. Cela fait quelques jours que mes jambes sont très gonflées. Je ne m’inquiète pas, à la fin de ma première grossesse j’avais eu aussi cela, je me dis que cela arrive juste plus tôt pour cette grossesse-là. On m’avait dit deux semaines plus tôt que mon bébé était un peu petit – on nous avait dit la même chose pour notre aînée et ce bébé suivait à peu près la même courbe – je ne m’inquiétais pas (nous gardions la surprise du sexe et je pensais attendre une deuxième petite fille).

Au bout d’une heure, y voyant toujours flou, je décide d’aller regarder mes yeux dans une glace. Et là le choc : je ne me reconnais pas ! Mon visage est complètement gonflé. Je me rends compte que mes mains le sont aussi. Évidemment c’est un dimanche matin et je n’ai pas de tensiomètre. Je contacte une amie gynécologue pour lui demander si je peux attendre mon RDV de contrôle prévu deux jours plus tard à la maternité, parce qu’en dehors de cela je me sens plutôt bien. Elle me dit d’aller tout de suite aux urgences, qu’il ne faut pas passer à côté d’une pré-éclampsie.

Mon mari m’y emmène avec ma fille aînée. Ils n’ont pas le droit de rentrer, protocole Covid oblige. On prend ma pression artérielle : 16/10. On me demande de faire pipi dans un gobelet pour vérifier le taux de protéines dans mes urines. Je me rends compte que je n’ai pas encore uriné depuis la nuit, alors qu’avec la grossesse je ne tiens pas plus de trois heures sans aller aux toilettes habituellement. Je ne remplis qu’un fond de gobelet, mon urine est marron foncé… Je sais que ce n’est pas bon du tout. Le diagnostic de pré-éclampsie tombe.

L’équipe médicale veut me faire tenir jusqu’à 37SA, voire 39SA si possible. Je suis hospitalisée, sous perfusion continue d’anti-hypertenseurs, et sans manger parce que cela peut partir en césarienne à tout moment. Je me suis mise à avoir des maux de tête violents et à vomir partout. J’ai dû insister pour avoir de quoi soulager mes maux de tête et mes vomissements. Ma tension s’est stabilisée entre 14/10 et 15/11.

Après 36 heures dans cet état, l’anesthésiste qui prend sa garde de nuit me fait un examen complet et me dit : « Mais madame, vous n’allez pas bien du tout. Je vais discuter avec l’équipe de gynécologie, mais je pense que votre bébé doit naître et avant demain midi. » La sage-femme de nuit me déclenchera un peu plus tard, en permettant à mon mari de me rejoindre, et l’anesthésiste passera la nuit à mon chevet.

Le lendemain matin, à 8h00, la sage-femme me dit que je ne suis dilatée qu’à 2cm. Ma tension est toujours à 15/10, et je commence à trembler dès qu’on me parle et que je sors de ma torpeur. L’anesthésiste me dit que je suis en stade pré-convulsif. La gynécologue de jour passe me voir peu après, en l’absence de l’anesthésiste, et me demande, l’air nonchalant : « Bon, madame, deuxième accouchement, petit bébé, la voie basse ça se tente, vous la sentez comment ?  » Je lui dis que je ne me sens pas bien du tout, qu’à mon premier accouchement j’ai mis 18 heures à passer de 2cm à 10cm de dilatation avec un travail spontané, et que je ne me vois pas tenir aussi longtemps dans cet état. Elle soupire, et me dit l’air exaspéré : « Très bien, césarienne alors. Mais j’en ai déjà quatre prévues ce matin, vous passerez la dernière, peut-être même en début d’après-midi. Et arrêtez de trembler comme ça, calmez-vous, il ne faut pas stresser. » Sur ce, elle s’en va avec le reste de l’équipe. Il ne reste que la sage-femme qui m’a examinée plus tôt qui me donne une boisson pour vider mon estomac en prévision de l’anesthésie.

À peine cinq minutes plus tard, une dizaine de personnes rentre dans la salle et on m’annonce que la césarienne ne peut pas attendre et qu’on m’emmène tout de suite au bloc. « Mon » anesthésiste avait intercepté la gynécologue, devant mon mari, lui montrant mon bilan sanguin le plus récent, et elle avait reconnu qu’effectivement je ne pouvais pas attendre.

Moins d’un quart d’heure plus tard, mon fils est né : 2,215kg pour 47cm, à 36SA, en pleine forme. Je suis restée hospitalisée dix jours en suite de couche, avec ma tension qui faisait le yoyo et mes plaquettes dans les chaussettes. Je passerai sur les suites de couche, avec l’oubli de mes traitements par l’équipe médicale, me faisant monter à plus de 20 de tension, l’absence d’aide malgré la césarienne pour m’occuper de mon bébé (le papa a dû retourner travailler très vite), l’interdiction des visites, du coup je ne voyais pas ma fille… Heureusement que mon bébé allait bien et était facile, et que mon allaitement a démarré sans aucun problème.

L’anesthésiste est venu m’expliquer que j’ai commencé à faire un HELLP syndrome, que ma pré-éclampsie était très sévère et que je devrai consulter plus tard un néphrologue pour tenter de comprendre ce qui s’était passé.

J’ai mis deux mois à retrouver une vision normale, sous contrôle ophtalmologique (mes troubles étaient causés par un œdème de la rétine et du nerf optique des deux yeux).

Aujourd’hui, un an plus tard, je vais parfaitement bien, mon bébé aussi, et je ne garde aucune séquelle de tout cela. Mais je sais que je dois quand même une fière chandelle à l’anesthésiste qui a fait bouger les choses pour moi et j’en veux toujours à la gynécologue qui m’a fait passer pour une flemmarde qui demandait une césarienne de confort alors qu’elle était vraiment nécessaire. »

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