« J’ai 29 ans, mon conjoint et moi attendions notre premier enfant, un enfant désiré, le fruit de notre amour. Très rapidement, je suis tombée enceinte, sans difficultés. On s’est dit que nous étions si chanceux de n’avoir eu aucunes difficultés à procréer, nous étions heureux que notre couple soit fertile, nous avions hâte de vivre la grande aventure de la parentalité.
Les trois premiers mois se passent bien, au début tout les voyants sont au vert durant mes échographies, mais au fur et à mesure, passé 4 mois, mon état général se dégrade. Au début, je souffre de RGO, d’acidité gastrique et d’une hypersalivation (hypersialorrhée gravidique), je suis isolée je n’ose plus sortir car je salive en permanence, j’ai des remontées acides et des nausées, il n’y a aucuns remèdes fiables, aucuns médicaments autorisés dans mon cas qui pourraient atténuer ce mal. Cependant l’hypersalivation s’arrête au début du 3ème trimestre mais j’ai d’énormes douleurs ligamentaires. J’ai du mal à tirer du positif de cette grossesse où j’ai tant souffert dans l’indifférence générale et la minimisation de ma souffrance, mis à part le soutien de mon conjoint et d’une merveilleuse Doula que j’ai contactée.
Au troisième trimestre, mes analyses de protéinurie commencent à être moins bonnes. Ma belle-mère travaillant dans le milieu médical, me dit qu’elle trouve mon taux un peu élevé, et j’interroge ma sage-femme à ce sujet, qui me dit que c’est limite mais « acceptable ». Ma tension est bonne, stable entre 12/5 et 13/6. Les semaines passent et mon état général se dégrade toujours autant, je tousse énormément, j’ai le souffle court, je bois beaucoup d’eau sans quoi j’ai constamment la nausée. Quand j’interroge ma sage-femme sur cette toux et ces difficultés respiratoires, elle met cela sur le compte de l’acidité qui remonte etc… Mais au fond de moi je sens bien que mon état est critique, j’ai déjà vu des femmes enceintes dans mon entourage, je n’en ai jamais vu aucune avoir une toux aussi importante. Je disais souvent à mon conjoint que j’avais l’impression d’avoir la mucovicidose à tousser autant. Ne laissez personne minimiser vos symptômes sous prétexte que la grossesse « c’est comme ça ». Si vous sentez au fond de vous que quelque chose ne va pas, écoutez-vous, et allez aux urgences !
Au fur et à mesure des échographies, malgré les bonnes nouvelles sur le développement de mon fils in utero, je me sens déçue par l’imagerie, je ne vois jamais rien, j’ai du mal à investir cette grossesse qui me fait souffrir physiquement et ses images si abstraites. Je décide alors de faire une échographie en 3D chez un gynécologue équipé à cet effet. J’en profite pour lui montrer mes dernières analyses d’urines et obtenir un second avis. Ce gynécologue que je ne connais pas tient à m’alerter car il trouve mon taux de protéines assez élevé, il me parle de la pré-éclampsie et du risque que cela représente pour la maman, pour ses reins et son foie, voir pour sa vie et pour le bébé, du risque de prématurité que cela peut entraîner. Il me propose de continuer mon suivi grossesse dans son cabinet. Son discours alarmant est tellement loin du discours de ma sage-femme que je ne veux pas vraiment y croire. Il me prescrit un suivi hebdomadaire avec la sage-femme et des analyses de protéinurie régulières que j’effectue sous la supervision de ma sage-femme.
Le taux reste élevé mais toujours acceptable selon elle. Ma sage-femme m’a téléphoné une après-midi entre deux résultats de protéinurie toujours aussi élevés, pour m’énoncer quelques symptômes de pré-éclampsie devant me faire aller directement aux urgences : mouches devant les yeux, barre épigastrique, œdèmes etc…
24h plus tard, après une journée à tousser énormément et à avoir très mal à la tête au moment du coucher, j’aperçois une tache noire dans mon champ de vision. Mon conjoint me dit que je dois être fatiguée, tente de me rassurer mais je panique énormément, je fait une crise d’angoisse alors il décide de m’emmener aux urgences pour me rassurer et s’assurer que tout va bien.
Sauf qu’arrivés aux urgences, impossible pour qui que ce soit de prendre ma tension, le bracelet serre énormément mon bras et affiche « erreur », les infirmiers s’acharnent et ne comprennent pas ce qui se passe. Ils essaient toutes les machines du service qui me broient le bras sans arrêt, les étudiants s’agitent autour de moi, les étudiants infirmiers profitent pour s’exercer à faire des piqûres d’anticoagulants, certains profitent de mon cas pour se former alors que je suis enceinte de 7 mois et que j’ai des maux de tête violents, des mouches devant les yeux et que je suis très angoissée. Le service s’acharne jusqu’à obtenir manuellement une première tension à 24… Les choses s’enchaînent très vite, on m’annonce que je fais une pré-éclampsie sévère et que je vais subir une césarienne sous 24h. Je passerai les détails de la césarienne car ce n’est pas forcément de ça que je souhaite parler, mais ce fut tellement aux antipodes de l’accouchement naturel et respecté dont j’aurais rêvé, un acte chirurgical froid dont j’ai énormément du mal à me remettre.
Mon fils naît le 28 novembre à 13h40 avec 1,700kg et une détresse respiratoire modérée. L’obstétricienne qui le sortira de mon ventre, le montrera brièvement en direction de mon conjoint et s’en ira avec lui à toute vitesse, et je ne le verrai que le soir. Je me rappelle avoir eu la sensation d’un vol, qu’on me l’arrachait, que la pré-éclampsie m’avait tout pris, tout volé et qu’elle me volait mes premiers instants avec mon bébé même s’il me reviendrait. Mon conjoint aura le premier peau à peau, sans moi qui attendrai éveillée mais les jambes encore endormies en salle de réveil.
Après 22 jours à aller voir mon fils au service de néonatalogie dans un état lamentable, avec une tension encore haute, des maux de tête, étant confuse et épuisée mais sursollicitée en permanence pour que je crée vite du lien avec mon fils… En colère car me rendre au service de néonatalogie pour voir mon fils m’obligeait en plus de tout, à passer tous les jours devant la maison des naissances physiologiques et remuant ainsi le couteau dans la plaie… Les 7 premiers jours qui ont suivi ma césarienne, j’étais encore hospitalisée et j’ai été plongée dans une angoisse terrible, les internes et infirmiers ne cessaient de me rapeller que ma tension ne baissait pas, beaucoup de mesures et de MAPA tensionnelles, on me rabâchait le risque d’éclampsie post accouchement et ce que cela pouvait engendrer. Une interne m’a même dit un soir à 23h30, froidement, que cela pouvait aller jusqu’au coma et jusqu’au décès…Tout cela n’arrivera finalement pas pour moi. Cette interne m’a annoncé des choses extrêmement violentes, en ayant aucun mot d’encouragement ou d’espoir, juste un Atarax car j’étais « un peu énervée », s’imaginant faire passer la pillule.
J’ai été seule dans ma chambre, en pleine chute d’hormones avec l’idée que j’allais peut être mourrir seule ce soir, car j’avais voulu donner la vie. Je regardais parfois la fenêtre et je me disais que cela irait plus vite d’en finir, en finir avec toute cette peur et cette angoisse, ainsi qu’avec mes douleurs physiques et psychiques. Mais j’aime mon conjoint d’un amour si puissant. Je ne voulais pas partir, quitter ce monde si jeune et loin de lui. Je devais rester. Je devais tenir. L’aventure de notre vie à deux et maintenant à 3 ne pouvait pas s’arrêter, pas maintenant, pas comme ça. Heureusement que j’ai pu l’appeler ce soir-là… J’en ai voulu à mon corps, à la terre entière, à moi-même de ne pas m’être suffisamment écoutée, et j’en veux toujours au personnel médical de m’avoir laissé seule et de ne jamais s’être intéressé à mon état psychologique en post césarienne d’urgence.
Aujourd’hui je suis une thérapie comportementale avec une hypnothérapeute pour me libérer de toute cette angoisse de mort qui m’a empêchée, le premier mois de vie de mon fils, de me projeter dans un futur heureux avec ma famille. Je pensais sans arrêt à la mort. Je remonte peu à peu la pente… Quand j’ai découvert Grossesse Santé, j’ai vu énormément de témoignages de femmes ayant fait des pré-éclampsies, des éclampsies, des HELLP syndromes. Beaucoup d’entre elles ont témoigné de l’immense impact qu’avait eu la présence enveloppante et rassurante du corps médical, et aujourd’hui je me dis que psychologiquement j’aurais peut-être pu m’en sortir un peu mieux, si pendant ses 7 jours, je n’avais pas été abandonnée.
Aujourd’hui mon fils a 3 mois et fait 4,300kg, il se porte bien et je suis si fière de ce petit guerrier, de ce mini super héros sans cape, aussi de son père et moi qui nous sommes tant battus à ses côtés. Aujourd’hui je ne m’entoure que de médecins formés sur le sujet. Mon généraliste ainsi que mon nouvel obstétricien le sont et, avec eux à mes côtés, je lutte contre ses symptômes de pré-éclampsie qui persistent légèrement comme les maux de tête et l’hypertension, mais mon corps se remet doucement et mes reins aussi. »