Pré-éclampsie : manque de prévention et d’informations (Marie-Agnès)

Marie-Agnès partage aujourd’hui le témoignage émouvant de sa grossesse qui a pu être menée jusqu’à 31SA grâce à un suivi rapproché par la sage-femme et le personnel de la maternité. Elle non plus n’avait pas vraiment entendu parler de cette pathologie de grossesse qu’est la pré-éclampsie, même lorsque les signes étaient bien là. C’est seulement à la visite post-natale qu’on lui expliquera ce qui s’est passé. Heureusement bébé et maman vont bien et, nous leur souhaitons tout le bonheur possible !

« Je tiens à faire ce témoignage afin de raconter l’histoire de mon accouchement, cette nuit qui a bouleversé ma vie comme tant de femmes dans le monde. Sauf que ce moment censé être magique, ne l’a pas été. Beaucoup de femmes connaissent des accouchements bien trop tôt, dans la précipitation et sans savoir réellement pourquoi …

Début novembre lors de mon RDV du 7ème mois avec ma sage-femme, alors que tout se passait bien, elle me prend la tension. Tout à coup, son visage change. Elle reprend la tension une, deux, trois, quatre, cinq fois … Elle me demande de ne plus parler. Son expression n’est plus la même. Elle annonce à mon compagnon et moi que ma tension est très élevée, ce qui n’est pas bon signe. Elle n’est pas alarmiste mais sérieuse. Elle appelle la maternité pour un contrôle supplémentaire. Je ne sais plus trop ce qui s’est passé ensuite, comment nous nous sommes quittés. 

À la maternité, je fais un test urinaire car mes analyses de laboratoire ne nous sont pas parvenues. J’ai des protéines dans les urines. Au monitoring, le cœur de bébé va bien. Quelques contractions très légères, bébé ne souffre pas, mon col est fermé. Nous discutons beaucoup avec une sage-femme, nous lui parlons de cette grossesse et du stress qu’elle a engendré. Une fausse couche très précoce juste avant de retomber enceinte, une échographie du 2ème trimestre lors de laquelle on découvre que mon fils à des pieds bots. Cette dernière nouvelle, je ne m’en suis jamais vraiment remise, même si on sait que cela guérira et qu’il n’en gardera aucunes séquelles, je suis dans le déni complet de ce diagnostic.
Bref je quitte la maternité avec un moral en dessous de zéro. Je suis en arrêt de travail jusqu’à l’accouchement et je repars avec une ordonnance pour des monitoring trois fois par semaine à domicile et, de l’homéopathie pour gérer stress, colère et angoisses.

Deux jours plus tard, après une batterie d’analyses en laboratoire, ma sage-femme vient me faire le monitoring à domicile. Ma tension est toujours très labile, le cœur de bébé semble un peu moins tolérer les contractions mais rien d’inquiétant. D’un commun accord avec mon gynécologue, je dois aller à l’hôpital pour des injections de corticoïdes dans le but d’aider bébé à respirer à sa naissance. Le verdict est tombé : j’accoucherai plus tôt que prévu de mon bébé. On me parle d’un accouchement en décembre alors que le terme était pour le 19 janvier. Arrivés à la maternité, la personne qui nous accueille semble étonnée de notre présence. On insiste sur la raison de notre venue. Elle nous installe dans une salle pour un examen. J’ai toujours des protéines dans les urines, il semblerait que mon foie commence à être touché. Mais de quoi ? Comme l’avant-veille, on me pose le monitoring, et hop une première piqûre dans les fesses. La sage-femme nous parle d’un accouchement prématuré (je suis à 30SA+6). Tenir jusqu’à 34 semaines serait une bonne chose. Comment ça, 34 semaines ? Non mais c’est beaucoup trop tôt. On n’est pas prêts.

La gynécologue de garde arrive, pour une échographie de contrôle et là, c’est le drame. En plus du cœur de bébé qui ne supporte plus très bien les contractions, il n’y a presque plus de liquide, la communication avec le placenta est mauvaise et le verdict tombe : gros retard de croissance intra utérin. Elle nous montre la courbe et quelle angoisse de voir cette croix rouge bien en-dessous des courbes de croissance moyennes. On me garde à l’hôpital. Elle nous annonce un accouchement d’ici une semaine maximum. Et là, c’est trop pour moi, je me mets à pleurer, hurler. Non, ce bébé ne naîtra pas dans une semaine, il en est hors de question. Nous ne sommes pas prêts, sa chambre n’est pas finie (futile ?), ce n’est pas le moment, sa place est dans mon ventre et pas en dehors et ce, encore pour quelques temps. Elle prend le temps d’écouter mes craintes et mes angoisses. Elle nous informe qu’elle doit voir avec la néonatalogie (la quoi ?) si je peux accoucher ici ou dans une maternité de type 3. Nous allons prendre l’air quelques minutes et nous remontons. Elle a eu le CHU le plus proche au téléphone ainsi que la pédiatre de garde. J’accoucherai ici dans la semaine. Par acquis de conscience, elle me pose un nouveau monitoring. À force, nous savons quel chiffre correspond à quoi. Le cœur de bébé chute de plus en plus souvent, de plus en plus bas, de plus en plus longtemps … La porte s’ouvre, la gynécologue revient nous voir. A son regard, je comprends que les choses ne vont pas bien : « C’est pour ce soir ». Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête, mais ni une ni deux, je saute de mon fauteuil, je commence à retirer mes bijoux, mes chaussures, je me déshabille. Elle me demande ce que je fais. Je lui réponds : « C’est pour ce soir, on y va, c’est parti, il faut que je me prépare à mettre ce bébé au monde ». La sage-femme me fait m’asseoir, elle va m’aider. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête, mais dès que j’ai su que c’était le moment, j’ai retrouvé de la force, du courage, ce qui me manquait quelques minutes plus tôt. Il m’était inimaginable d’accoucher dans la semaine à venir mais c’était pour maintenant, je n’allais pas fuir ou avoir peur.

Les choses s’enchaînent, mes souvenirs sont plutôt confus. Tout à coup, tout le monde s’accélère : une césarienne en urgence au milieu de la nuit. Je ne me souviens pas ce que je ressens, je crois que la folie de ces dernières heures m’empêche de penser ou de réaliser. On rencontre la pédiatre qui va s’occuper de notre bébé. Elle nous explique ce qui va se passer. Je ne sais pas pourquoi mais je lui fait immédiatement confiance. Les choses s’enchaînent, je me retrouve sur cette table d’opération, mon compagnon à mes côtés. Nous sommes loin de l’euphorie que nous avions imaginée, je suis morte d’inquiétude mais heureuse à la fois à l’idée de rencontrer mon bébé ce soir. La gynécologue et la pédiatre nous ont prévenus : tout peut très bien se passer pour notre bébé mais les choses peuvent aussi être compliquées…avec la prématurité difficile de savoir à l’avance…


Minuit passé, la césarienne débute, je suis officiellement à 31SA. 00h16 Gabin est là, il passe à côté de moi, le visage tourné vers nous. Je vois son petit, petit visage et, ses grands yeux qui regardent dans ma direction. J’entends un cri, je pleure. Papa le suit direct, il a pour ordre de ne pas le lâcher.
Pendant qu’on s’occupe de moi, une sage-femme vient me donner régulièrement des nouvelles : mon bébé pèse 1,015kg, c’est un warrior qui respire tout seul, tout se passe très bien. À la sortie du bloc, je passe à côté de lui. Étant donné qu’il va bien, la pédiatre propose de me le présenter. Les souvenirs sont flous mais d’une intensité incroyable, je suis dans ma bulle. Elle met Gabin a côté de mon visage. Mon tout petit amour, il est juste à côté de moi. Je lui caresse la joue. Instantanément ses courbes, à la base anarchiques, se stabilisent. Il plonge ses grands yeux gris dans les miens. Autour de moi, j’entends : « Oh mais c’est incroyable, il reconnaît sa maman ». Je pleure en le regardant et je répète en pleurant : « Je suis sa maman, il me connaît, il me connaît ».


Durant la nuit, les visites se suivent dans ma chambre, je ne comprends pas tout. À 6h30, l’équipe de nuit m’informe que la relève viendra me voir à 9h00 et qu’ensuite je pourrais aller aux côtés de mon bébé qui va bien. Les heures sont longues, j’ai l’impression que je vais devenir folle. À 11h00, les équipes arrivent, (enfin) le gynécologue me réexplique ce qui s’est passé et pourquoi sa collègue de garde cette nuit a pris la bonne décision pour moi et mon bébé. La sage-femme et les auxiliaires m’aident à me lever. Je serre les dents, la douleur est présente mais je dois aller voir mon fils, rien ne m’en empêchera. Ni une ni deux je m’installe sur ce fauteuil roulant, direction la néonatalogie. Il faut se présenter à la porte, je ne peux prononcer un mot, mon compagnon dit timidement : « Ce sont les parents de Gabin ». Alors c’est donc vrai ce qui s’est passé cette nuit ? Nous sommes devenus les parents de ce tout petit bébé ? On rentre, je découvre cet endroit dans lequel – je ne le sais pas encore – mais je vais passer de longues heures, journées, semaines, je vais vivre des joies immenses et des moments tellement difficiles qui me marqueront à tout jamais… Arrivée à hauteur du bureau, j’aperçois les soins intensifs et sur la porte, un dessin avec écrit le prénom de mon fils. C’est mon bébé que j’aperçois au milieu de toutes ces machines. Je ne peux pas retenir mes larmes plus longtemps, je craque. Tout le monde vient me voir, se présente. On enfile des blouses et je vais enfin revoir mon bébé, après 11h si proche de lui mais si loin à la fois… Il est tout petit mais se débrouille très bien. Je le regarde, l’admire, le touche, je m’autorise même à déposer un bisou timide sur sa main… Notre premier peau à peau aura lieu le soir-même. S’en suivront deux mois de néonatalogie avec une complication sévère. Gabin a été transféré en urgence vitale au CHU le plus proche. La cause ? Une entérocolite, une inflammation des intestins particulièrement crainte par les équipes médicales qui touchent principalement les bébés prématurés de tout petit poids… Au bout de plusieurs semaines de combat acharné, Gabin se sort de tout ça, sans séquelle et nous rentrons enfin à la maison, la veille de ses deux mois. Un vrai guerrier.

De mon côté, les choses ont mis du temps à rentrer dans l’ordre, une tension toujours très élevée au fil des jours, je suis restée 10 jours hospitalisée. Le seul moment où ma tension était correcte c’était le soir, après avoir fait du peau à peau avec mon bébé. À ma sortie de l’hôpital, je reste sous traitement, un holter de contrôle un bon mois plus tard et l’hypertension n’est plus qu’un mauvais souvenir.

La seule chose que je regrette est que personne ne m’ait parlé de pré-éclampsie, même durant mon hospitalisation. J’avais entendu parler de cette pathologie de grossesse sans trop savoir ce que c’était…puis une après-midi en rejoignant ma chambre d’hôpital, je jette un œil sur mon dossier devant ma chambre. Il est écrit en gros et rouge les mots : PRÉ-ÉCLAMPSIE et RCIU… Je n’ai pas pris le temps d’en parler à une professionnelle sur le coup, j’étais bien trop préoccupée par l’état de santé de mon bébé. J’ai pu réaborder le sujet avec la gynécologue qui m’a césarisée le jour de mon entretien post-natal.

Voici le récit de mon accouchement précipité une nuit d’automne à cause de cette pathologie. Remettre des mots dessus m’a fait du bien. En me relisant, je me demande si tout cela a bien pu m’arriver, bien pu nous arriver…mais l’essentiel est là, nous allons tous très bien et tout cela fait partie de nous. »

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