Pré-éclampsie et grossesses d’après (Audrey)

Audrey a fait une pré-éclampsie sévère à 32 SA en décembre 2009, à sa 1ère grossesse. Elle partage ici son expérience compliquée et pleine d’épreuves, mais surtout son message d’espoir !! Elle a pu accoucher par voie basse par la suite, et est l’heureuse maman de 3 enfants. Nous la remercions pour son témoignage et souhaitons plein de bonheur à cette jolie famille !

« Je m’appelle Audrey, j’ai 36 ans, mariée et 3 enfants. Je suis tombée enceinte la 1ère fois en 2007, 1 an après mon mariage, 1er gros choc et déception… On me diagnostique une môle hydatiforme* complète (grossesse molaire)… On me parle de curetage, de suivi pendant 1 an, de chimio. Le monde s’écroule mais le pire reste cette parole de gynécologue : « Ne vous plaignez pas, vous arrivez à tomber enceinte ! » 2ème coup de massue, un suivi « merdique ». Nous sommes donc partis pour 1 an d’examen, de prise de sang hebdomadaire pendant 52 longues semaines avec la peur que le taux d’hormones stagne… Le tout sans trop en parler autour de nous, juste au peu de personnes à qui nous avions annoncé la grossesse… Nous avons laissé passer deux ans après le curetage avant de retenter…

Mai 2009, je retombe enceinte. Avant de se réjouir, nous attendons bien évidemment tous les examens du début… Ce coup-ci c’est bon ! Bébé prévu pour février 2010, nous sommes ravis mais stressés que quelque chose ne cloche… J’ai été malade pendant 4,5/5 mois (mais vraiment malade, matin midi et soir !). Je travaillais toujours, je me suis arrêtée en septembre ou octobre, la route me fatiguait énormément. Nous attendions une petite fille ! Tout allait bien jusque début décembre où j’avais pris beaucoup de poids et je faisais beaucoup de rétention d’eau…jusqu’à une soirée à la maison où nous avions du monde, je commençais à m’inquiéter de la grosseur de mes jambes et orteils (c’était déjà les œdèmes mais je ne le savais pas…). L’inquiétude est passée mais j’étais toujours stressée et tendue… Autour de moi, on me disait que c’était normal avec le poids, j’étais comme les mamies sans différence entre leurs jambes et leurs chevilles… Mon prochain rdv gynécologue était assez loin, mais j’avais commencé les cours de préparation à l’accouchement donc je voyais régulièrement des sage-femmes… C’est d’ailleurs l’une d’entre elle qui nous a sauvé la vie !

J’avais un cours de préparation à l’accouchement le 23 décembre, la sage-femme voulant annuler cette séance étant donné que les autres participantes avaient annulé leur participation…je me suis quand même décidée à y aller, je me suis dit au moins elle me rassurera… À peine arrivée, elle m’a trouvé mauvaise mine, épuisée et évidement gonflée par les œdèmes… Panique à bord. Elle me dit de filer à la maternité juste à côté pour un contrôle… J’angoisse, j’appelle mon mari je lui dis que non je vais aller finir les courses pour notre dernier Noël à deux. Il me convaincra que ça ira vite et que c’est mieux. Sage décision. Parfois la vie tient à peu de choses… J’arrive aux urgences, on me fait patienter, il y a une femme enceinte plus avancée devant moi, je cède ma place. Pendant ce temps je ressens tous les symptômes que je connais maintenant mais pas à l’époque. Je mets ça sur la fatigue et le stress d’être à l’hôpital… Vient mon tour… La sage-femme me fait faire les examens traditionnels (pipi, tension…) et j’attends. Là je vois sur son visage que rien n’est bon, que c’est la catastrophe. Elle m’explique, mais je suis déjà en larmes, que les examens nous indiquent que quelque chose ne va pas, qu’ils vont me garder et faire tout de suite une échographie pour vérifier que le bébé va bien, je cite : « voir si son cœur ne s’est pas arrêté ». Je n’arrive même pas à parler à mon mari au téléphone, la sage-femme lui explique de venir de son travail directement en prenant quelques affaires et surtout mon dossier médical. J’explique comme je le peux mes antécédents (sans aucun lien) et une amie me téléphone pour venir aux nouvelles. À nouveau, torrent de larmes. Je n’arrive pas à expliquer, je dis juste que j’ai trop de tension (18/10) et qu’ils me gardent et, je raccroche. Je préviens ma famille proche. Le docteur arrive et fait une échographie. Le temps ne m’a jamais paru aussi long jusqu’à ce que j’entende le cœur de mon bébé battre ! Gros soulagement mais début de l’hospitalisation.

Le médecin et les sage-femmes m’expliquent brièvement la pré-éclampsie (pas de terme médical mais concrètement que mon corps ne supporte plus la grossesse) et que je ne ressortirai pas de la maternité sans mon bébé. Blocage psychologique total, je suis à 7 mois de grossesse, il est beaucoup, beaucoup trop tôt. J’ai tellement peur, pour mon bébé, ma petite crevette et aussi pour moi. Mon mari arrive, on lui explique la situation, et que l’accouchement sera imminent… Il est angoissé mais essaye de ne pas le montrer. Moi je ne fais que pleurer en tentant de rassurer ma famille par sms. Je me souviens d’une copine qui était passée me voir en chambre, elle a failli ne pas me reconnaître tellement j’étais gonflée par les œdèmes… Nous sommes le 23 décembre au soir et le médecin me dit que pour l’instant je suis stable mais malgré le traitement ma tension ne descend pas. On surveille régulièrement la crevette aussi pour ne pas qu’elle soit en détresse. On m’explique qu’on va essayer de la garder au chaud (à l’intérieur) le plus longtemps possible… La nuit passe. Je ne dors presque pas mais je suis un peu rassurée d’être entourée et si surveillée…mon mari aussi. Il rentre dormir mais doit être de retour demain matin 1ère heure.
Le lendemain, le 24 décembre donc, les médecins me font tout un tas d’examens, je vois une gynécologue de garde qui vient me demander combien de kilos j’ai pris depuis le début, 25 je lui dis…  « Ah ben il ne faut pas s’étonner ». Soutien nickel…à ce moment-là besoin d’entendre tout sauf ça. Mon mari lui a fait comprendre que l’on voulait être seuls dans la chambre. Non mais ! 😉
10h00, les médecins rentrent en urgence dans ma chambre, les résultats sont catastrophiques il faut descendre au bloc pour une césarienne. Choc total. À ce moment, je ne contrôle plus rien, envolées les paroles de la veille et la volonté de ne pas faire sortir ma crevette trop tôt… Mon mari descend au bloc, on le prévient qu’il pourra m’accompagner mais il se peut qu’il doive sortir en cours de route si la césarienne se passait mal. Il a choisi d’attendre dehors et j’ai acquiescé son choix.
Nous avions déjà choisi le prénom, et chose bizarre, mon mari, tout en étant stressé, montrait une certaine impatience que notre fille soit bientôt avec nous. Moi je répétais que c’était trop tôt, que j’avais peur.
Je suis partie au bloc, ce fût rapide et rempli d’angoisse, je l’ai à peine vue et notre fille est partie en néonat. Mon mari l’a accompagnée. Je suis restée 2h en salle de réveil sous surveillance absolue. Une sage-femme est venue me donner une photo de ma fille pour que je la vois. J’étais sous le choc et impatiente de savoir si tout allait bien pour elle. Je ne sais pas si une personne n’ayant pas vécu un accouchement en urgence, où la situation est critique pour le bébé et pour la maman, puisse un jour comprendre et ressentir ce que l’on ressent à ce moment…culpabilité, angoisse. On est face à l’inconnu. Les sage-femmes sont des amours et me réconfortent du mieux qu’elles peuvent…mais je veux voir mon bébé ! Je remonte en chambre, on m’explique que pour moi c’est loin d’être fini, je vais avoir « la chance » de rester au moins 2 semaines, le temps que mon état se stabilise. On me prévient aussi que je risque le coma si mon corps ne se « normalise » pas après l’accouchement.

Je remonte en chambre, ma fille est en néonat, les médecins ont l’air confiant, elle pèse 2,170kg pour 45,5cm à 32 semaines, c’est plutôt un bon bébé. Mon mari me rejoint, on pleure ensemble, on espère que ça va aller, et il me montre les photos de ma fille, qui est en couveuse de l’autre côté du couloir… La douleur est insupportable. Je suis toujours sous le choc, mon mari est heureux, pas comme on peut l’être après une naissance « normale », mais il est content. La petite a plein de cheveux et elle est toute mimi. Sur le coup, je me dis qu’il ne comprend pas la réalité, que tout peut s’arrêter pour elle comme pour moi encore à tout moment…et je pleure, je pleure, je pleure… Je préviens les gens de la naissance mais pour éviter qu’ils ne viennent, je préviens qu’elle est en néonat et que je ne suis pas en état. Certains comprendront, d’autres pas, mais je m’en fiche, je veux absolument être avec elle… Je demande à aller la voir, mais à l’époque pour la césarienne on ne devait pas se lever avant plusieurs heures…donc je reste clouée dans ce lit, perfusée de tous les côtés avec traitement pour la tension, antidouleur et tensiomètre. Je ne peux même pas me reposer, sous surveillance rapprochée on vient me voir toutes les heures.

On me propose de me mettre en fauteuil pour aller en néonat voir ma fille derrière une vitre… Et je craque, totalement, nerveusement, physiquement, le contre-coup sûrement… On me dit que normalement, on ne doit pas la débrancher ni la sortir mais qu’exceptionnellement on va me la mettre sur moi… C’est tellement violent, j’ai l’impression de m’être pris un bus en pleine face ! Mon mari demande à prendre une photo de nous 3… Je tiens ma petite Cloé, je ne veux plus la lâcher, elle est si petite, tout ça par ma faute… S’ensuit une hospitalisation pour nous deux longue de 3 semaines, avec une seule sortie autorisée pour moi (2h que j’ai passées à dormir à la maison vu mon état de fatigue avancé !). Les jours sont rythmés de contrôles en tout genre (pour ajuster le traitement de la tension), d’angoisses, de joie, de fatigue, de jalousie aussi pour le personnel médical qui s’occupe de ma fille,…

Cloé a quitté la néonat pour me rejoindre en chambre 15 jours après sa naissance. Nos premiers pas de maman et de papa étaient un peu timides étant donné les circonstances (un bébé prématuré ne se tient pas comme un bébé né à terme), on fait des examens toujours et encore pour Cloé aussi pour mesurer son retard de croissance et les conséquences sur sa future croissance (si j’avais su maintenant, j’aurais beaucoup moins culpabilisé !). L’hôpital devient notre 2ème maison et j’ai la chance d’aller mieux – sauf ma tension toujours trop élevée – et surtout de rester avec ma fille. On quitte l’hôpital au bout de trois semaines, avec une hospitalisation à domicile, visite sage-femme quotidienne. Cela nous rassure et est nécessaire pour mon suivi post accouchement.

J’allaite quand même malgré mon accouchement traumatisant et je tire mon lait, sûrement la volonté de vouloir donner le meilleur à ma fille et tenter de déculpabiliser… Le poids de ma fille et sa respiration sont vus sous toutes les coutures par les sage-femmes qui viennent à la maison mais les premiers jours seuls sont tellement angoissants… Déjà sans problème particulier, je trouve que d’accueillir un nouveau-né n’est déjà pas facile en soi, mais un prématuré après un tel traumatisme…

Bref, nous surmontons ça et avançons tous les trois, ma fille grandit auprès de moi c’est tout ce qui m’importe à ce moment. Mon mari n’a jamais parlé de tout ça ouvertement. Moi, certaines amies m’ont aidée à dépasser ce traumatisme, qui est toujours bien présent, 10 ans après. Et la peur de mourir soudainement ne m’a plus jamais quittée depuis cet événement. Nous avons minimisé ce qui s’était passé auprès de nos proches, probablement pour ne pas les inquiéter et pour éviter les questions, les remarques,… Avec le recul je me dis que non, nous n’aurions pas du sous-estimer ce qui m’était arrivé. Cela nous aurait évité des remarques désobligeantes, ou même déplacées (quand on vient me voir 2 jours après l’accouchement et qu’on me parle de quelqu’un en me disant : « la pauvre, elle est fatiguée », quand on vient comparer son accouchement : « ah non mais moi aussi j’ai juste vu mon bébé 2 minutes en accouchant avant de l’avoir en chambre »…et j’en passe. Je pourrais écrire un roman là-dessus…).

J’ai eu beaucoup de mal à accepter ce qui nous étais arrivé, j’ai mis beaucoup de temps, des jours, mois, années… J’ai cherché pourquoi, pourquoi moi, je me suis changée les idées, je m’occupais de ma fille, j’ai travaillé pour m’occuper l’esprit. Et un jour, l’envie d’un 2ème se fait sentir…mais comment faire, comment ne pas refaire pareil ? Je me suis renseignée sur les récidives et on s’est lancés, non sans appréhension…

L’envie d’une famille nombreuse me rattrape et de donner à ma fille de 3 ans un frère ou une sœur aussi, et je tombe enceinte assez rapidement. Malheureusement, joie de courte durée, je perds le bébé à 3 semaines pile pour Noël, décidément ! Encore un traumatisme, encore se relever. Dur, mais il le faut, la vie continue. À l’époque j’étais stressée, je courrais partout, nouveau poste au travail, motivant mais conflits avec des collègues et des amis, rythme de travail épuisant. À partir de ce moment, je décide que plus rien ne doit m’empêcher d’avoir des enfants et d’être en bonne santé et je lève le pied. Un boulot c’est que un boulot après tout !

Huit mois plus tard, enceinte pour de bon, traitement sous Aspegic® pour fluidifier le sang et éviter que mes problèmes ne recommencent. En arrêt aussi directement, je ne veux plus prendre aucun risque ni pour moi ni pour mon bébé. La grossesse se passe relativement bien, mais tellement angoissante lorsque l’on a vécu un épisode aussi traumatisant. Au moindre signe je m’alarme, mais j’essaye de rester zen…pas facile ! Ma fille est ravie, elle aura un petit frère ! On m’annonce un « bon bébé » et un possible accouchement voie basse. Je suis contente, moi qui n’aie absolument pas l’impression d’avoir accouché mais qu’on m’a opérée pour ma 1ère, je vais enfin y avoir le droit !
Clément est né par voie basse deux jours après le terme (comme quoi…) mais accouchement provoqué très compliqué, à 20 minutes de la césarienne d’urgence… Il est en pleine forme, moi un peu moins mais par rapport à ce que j’ai connu, c’est le paradis, j’ai mon bébé avec moi ! Nous sommes ravis et quelques mois après sa naissance on pense déjà à avoir un 3ème !

Clément a 9 mois quand je retombe enceinte. On a beau se dire que la dernière fois tout s’était relativement bien passé, c’est à chaque fois différent ! Ce qui me fait tilt, c’est quand la gynécologue qui me suit me demande le nombre de grossesses et mes antécédents… « Heu, 5ème » (prenez de quoi noter 😉).  Toujours malade les 3/4 premiers mois mais pas autant que pour Cloé, toujours sous Aspegic® et contrôles très réguliers et hospitalisation à domicile, comme la grossesse précédente. Le personnel médical ne veut prendre aucun risque.

Je tombe sur un gynécologue qui me dit que l’accouchement voie basse est compromis aux vues des dégâts du précédent par voie basse. Je me résoudrai donc à revivre une césarienne, à terme ce coup-ci. Et cela change énormément la donne. Même si je suis séparée de mon bébé le temps passé en salle de réveil (qui dure moins de deux heures ce coup-ci, c’est du rapide !). Baptiste est donc né par césarienne, qui s’est passée en peu sous tension : la ventouse pour le faire descendre a lâché deux fois, je passe les détails de guerre sanglante…et il ne respirait pas tout de suite en sortant. Encore un petit moment de panique, pour la route juste pour ne pas oublier que tout peut aller très vite…

Nos trois enfants se portent à merveille. Cloé, l’aînée (et prématurée) n’a aucun retard de croissance…1m60 à 10 ans ! Avec le recul je me dis que culpabiliser autant n’a servi à rien. Le plus important est la santé, qu’il faut savoir s’écouter, personne ne peut mieux savoir que nous, et que les remarques ou réflexions des gens ne valent rien, vous seule savez ce que vous avez traversé pour en arriver là ! Il n’y a rien dont je suis le plus fière que d’avoir réussi à fonder ma famille nombreuse et d’avoir surmonté mes traumatismes. J’ai été vraiment bien entourée, c’est super important surtout après un traumatisme… Courage à vous toutes, l’espoir n’est jamais perdu…j’en suis la preuve… vivante ! Et je m’estime tellement chanceuse ! »

*se développe en cours de grossesse et résulte d’une anomalie de la fécondation avec développement anormal de l’embryon

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