Pré-éclampsie précoce et sévère, manque total de prévention et d’informations (Mélisande)

Mélisande nous confie son témoignage de sa 1ère grossesse écourtée à 28+6SA du fait d’une pré-éclampsie sévère et précoce compliquée par un HELLP syndrome. Elle appuie sur le fait qu’elle ait manqué d’informations sur la pré-éclampsie pendant sa grossesse et lors de sa prise en charge en urgence à la maternité. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour mieux informer les mamans mais aussi le personnel médical sur cette complication de grossesse. Heureusement sa 2ème grossesse a pu être mieux suivie avec un traitement et sans récidive. Tous nos vœux de bonheur à la petite famille.

« Je m’appelle Mélisande et je vous fait part du témoignage de ma première grossesse et la naissance de mon fils Orphée. 
C’était une grossesse très attendue et très bien vécue : pas de nausées, pas trop de prise de poids. J’étais aux anges.

Le 12 février 2018, la neige tombait à flot par chez nous et j’étais à 28SA+6.  Mais cela faisait deux nuits que je ne dormais pas car j’avais de grosses douleurs au ventre (j’apprends plus tard que c’était des douleurs épigastriques) qui ne passaient pas… puis une migraine horrible. Je venais d’aller à mon premier cours de préparation à l’accouchement sur les signes qui doivent nous alerter pour aller consulter en urgence. On ne m’avait pas parler des signes de pré-éclampsie… Ce même jour, j’ai mon suivi mensuel avec le gynécologue à 9h00. J’en profite pour lui parler de ma douleur au ventre. « Des maux fréquents chez une femme enceinte », me dit-il et il me prescrit des médicaments puis petite échographie de contrôle et prise de tension : 15/9. Il me la reprend à plusieurs reprises. Toujours pareil. Il me dit qu’il n’y a pas beaucoup de liquide amniotique, que j’ai sûrement dû perdre du liquide. Quand je lui affirme que je n’ai rien perdu, il me dit que je n’ai pas du m’en rendre compte, qu’ils vont faire un test. Puis il me dit :  « Bon, vous allez en salle de naissance ». Je ne comprends rien et il ne m’explique pas, juste qu’il faut surveiller la tension. Je dois me débrouiller pour me rendre à cette salle qui est dans un autre bâtiment de la clinique… Une fois là-bas, on me prend la tension et m’installe pour un monitoring. 14h00, pas de repas, les infirmières relèvent juste la tension et le monitoring de temps en temps. Le temps est long… A 14h30 le gynécologue repasse en disant qu’il va refaire une échographie en fin de journée et réclame un repas pour moi. Le test montre qu’il n’y a pas de liquide amniotique et on me fait prélever mon urine sur 24h pour vérifier les protéines. J’ai aussi droit à un médicament pour lequel on ne m’explique rien (j’apprends plus tard que c’est du Loxen® pour faire baisser la tension). J’avertis mon mari qui est en déplacement à 150km d’ici. Il arrive plus tôt que prévu vers 17h30. Toujours rien, pas de gynécologue et aucune information. La sage-femme me dit qu’il n y a pas de liquide amniotique sur le test et que les protéines sont ok.  J’apprendrai plus tard sur le compte rendu d’accouchement qu’à 15h30 les protéines étaient positives et à plus de 0.30g/L…

Ma tension ne descend pas. Le gynécologue me reçoit vers 21h00… Un de ses collègues nous rejoint dans le bureau et l’accueille en disant : « C’est le dossier dont je t’ai parlé ce midi ». Déjà cela ne met pas dans l’ambiance. Il fait l’échographie en ne disant rien. Puis nous dit :  « L’avenir est sombre, Madame »…, que mon dossier sera étudié le vendredi pour savoir quoi faire sans préciser s’ils envisagent une IMG [interruption médical de grossesse] ou accouchement. On ne nous dit rien de plus et je retourne en chambre.

La douleur au ventre reprend. Je prends une douche en n’ayant rien pour me sécher… Je prends l’essuie-mains des toilettes. La sage-femme revient, je lui en parle mais elle ne fait rien. Je suis toujours sous monitoring et la tension prise toutes les 15 minutes.
Vers 23h00, le gynécologue revient : « Changement de plan, on vous transfère dans un hôpital de niveau 3 ».

Transfert en ambulance et je ne comprends rien de ce qui se passe, j’envoie des messages à mes amies, à ma famille, comme si j’étais dans un autre monde…
Arrivée là-bas, changement soudain d’ambiance. Il y a beaucoup de monde autour de moi. Le sage-femme fait une échographie rapide pendant que l’anesthésiste me pose des questions et, que tout un tas de gens s’affairent autour de nous.
Le sage-femme me dit clairement que la situation est très préoccupante. Il va chercher le gynécologue de garde pour avoir son avis. Il part et les femmes autour de moi me rasent le pubis. Là je comprends un peu plus. Le médecin arrive, regarde et, sur un ton grave, nous dit : « Votre bébé ne va pas bien du tout », et que moi non plus. Le seul moyen d’arrêter tout cela est de faire une césarienne.

Là on bouge mon brancard. J’ai à peine le temps d’embrasser mon mari que nous sommes au bloc. Mon corps réagit très fortement à cette angoisse, tout mon corps tremble. D’un coup, mon esprit reprend le contrôle et je demande à la femme derrière moi d’arrêter tout et d’enfin m’expliquer. Elle tente de me calmer, m’explique que mon bébé est en détresse cardiaque et que sa santé est en danger. Là ils installent le drap devant mes yeux et je sens qu’ils m’étalent de la Bétadine® partout sur le ventre. Je ne cesse de répéter jusqu’à ce que l’anesthésie fasse effet que je ne veux rien sentir.

Mon fils naît à 2h37, ce 13 février à 29SA. En plus de cette pré-éclampsie, il a un gros retard de croissance non détecté par le gynécologue… Il pèse 725g et mesure 33cm. Il respire seul à sa naissance mais est vite intubé. Je le verrai après la salle de réveil sans prendre conscience que c’est mon enfant. Je sens des bulles dans mon ventre dues à la césarienne et je pense que c’est lui…
Il restera en réanimation néonatale trois mois, intubé puis sous assistance respiratoire jusqu’à une semaine avant sa sortie, sonde gastrique idem une semaine avant sa sortie . Il sera transfusé de sang et de plaquettes plusieurs fois, a une broncho-dysplasie et est encore sous Flixotide® en période hivernale. Il aura une pyélonéphrite, un suivi de six ans pour sa prématurité avec contrôle de la vue tous les ans ainsi que des piqûres de Synagis® pendant les deux premiers hivers pour éviter la bronchiolite.
J’ai fait un HELLP syndrome et, on me dira au bout de trois jours, après des questions de ma part suite à des prises de sang régulières, que j’ai fait une pré-éclampsie sévère et précoce….

Aujourd’hui mon fils Orphée a 2 ans ! J’ai encore un très mauvais souvenir de cette nuit, de cette grossesse inachevée, de cette cicatrice, de cette difficulté à reconnaître que c’était mon fils et ce silence du personnel médical…de cette incompétence ! J’ai eu une 2ème grossesse avec encore un RCIU mais pas de pré-éclampsie grâce à un traitement mis en place au début de ma grossesse ! Je reconnais que cette maladie est ignorée du personnel…et, ce silence et cette désinformation face à nous lors de cet accouchement est inimaginable… »

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