Pré-éclampsie sévère et importance d’écouter son corps (Gladys)

Aujourd’hui le témoignage de Gladys insiste à nouveau sur le fait d’écouter les signes de son corps pendant la grossesse. Heureusement elle bénéficiait d’un suivi rapproché avec une sage-femme, n’ayant pas de maternité à proximité de son domicile, ce qui a aussi compliqué les choses lors de sa prise en charge en urgence avec l’aggravation de la pré-éclampsie par un HELLP syndrome. Nous souhaitons tout plein de bonheur à la petite famille et un bon rétablissement à Gladys.

« Bonjour à tous ! Je suis l’heureuse maman d’une petite Lilas née le 20 avril 2019 par césarienne en urgence sous anesthésie générale, causée par une pré-éclampsie sévère avec HELLP syndrome à 37SA. Je souhaite apporter mon témoignage à votre communauté. Si je peux aider à informer le plus de personnes possibles grâce à notre histoire, je serai soulagée. 

Ma grossesse fut extrêmement compliquée … J’ai été très malade. Je vomissais jusqu’à 10 fois par jour et je n’arrivais plus à m’alimenter, ni boire parfois. À mes inquiétudes, on m’a dit que j’avais de la réserve avec mes 5kg en trop donc il fallait attendre que ça passe. J’avais souvent des migraines, et il m’est arrivé de faire une fois un malaise avec des mouches devant les yeux. Il a fallu attendre le 5ème mois de grossesse pour me laisser un peu de répit. J’habite dans un désert médical, la maternité la plus proche est à une heure de route. Dès le départ, on nous a dit que ce serait un bébé petit poids mais à la T3, le poids estimé a chuté au 4ème percentile, le gynécologue nous a alors orientés à Dijon (2h30 de route) pour une écho plus approfondie. J’étais terriblement angoissée. Lors de l’échographie, on nous écarte très vite le problème petit poids. Ma puce entre temps avait bien pris, toujours petit poids mais rien d’alarmant, mais on nous dirige de suite vers une cardiologue. On nous annonce que notre fille a une asymétrie ventriculaire du cœur. Cette annonce fut d’une extrême violence, malgré toute la bienveillance du personnel soignant.  La cardiologue nous explique, mais je ne fais que de pleurer, j’ai envie de hurler. Je regarde mon compagnon qui a les larmes aux yeux. On nous parle d’opération à sa naissance, avec une surveillance pendant deux semaines, d’une autre opération à Paris à cœur ouvert quelques mois plus tard, si la première option ne fonctionne pas et bien évidemment un accouchement prévu à Dijon.

À partir de ce moment, j’ai vécu un enfer car d’autres soucis se sont ajoutés. Je pense pour me protéger, j’ai fait une sorte de déni de cette fin de grossesse. Ce fut une période très dure avec mon conjoint. Je frôlais parfois les crises d’hystérie. Cette annonce était le 21 mars. Un mois après je serai maman avec un mois d’avance. Mes désagréments de grossesse continuaient de plus belle. Il m’arrivait de ne plus sentir mes pieds, être totalement congelée, beaucoup de fourmillements, et ne plus pouvoir poser le pied par terre pendant des heures. Les vomissements avaient repris. Mais rien n’alarmait les médecins, mes bilans étaient plutôt bons et j’avais l’impression de déranger pour rien. On m’avait dit que le dernier trimestre serait sûrement comme le premier donc je me suis résignée.. 

Je n’étais vraiment pas bien, une larve, fatiguée, pleine de douleur. On mettait cela sur l’angoisse de ma grossesse à risque. J’avais une tâche au coin de la bouche et mes plaques de rosacée s’intensifiaient. Ma sage-femme qui me suivait depuis quelques semaines, me disait que c’était de l’eczéma de stress puis ensuite un herpès… Mes cours de préparation à la naissance commencèrent enfin, il faut savoir que tout a été fait depuis peu car un CPP a ouvert pour prendre le relai de la maternité fermée. J’entends pour la première fois parler de la pré-éclampsie, avec cette sage-femme dans ses cours (chose que les deux gynécologues qui m’ont suivie auparavant n’ont jamais évoquée), mais je suis ailleurs, obnubilée par mon infection urinaire, la fatigue de se rendre à Dijon et le cœur de mon bébé … Je prends note quand même de la protéinurie, de la tension, et me dis que chaque fois mes taux sont bons. Mais je fais en sorte de voir plus régulièrement ma sage-femme car ma puce se manifeste de moins en moins, ce qui permet de checker son cœur à chaque rdv. Mes vomissements continuent de plus belle. J’ai bien senti au bout de quelques jours,  la fameuse barre mais j’ai cru que c’était le poids du bébé…

Mais la dernière semaine, toutes les nuits,  j’avais des crises de douleur terrible en bas du dos,  je souffrais atrocement ; mais j’ai cru que c’était la fameuse fin de grossesse horrible qu’on m’avait prédite, ou les trajets en voiture qui me faisaient mal au dos. Je me sens si stupide de ne pas être allée à l’hôpital…mais j’avais mon rdv avec la sage-femme. Et moins de 5 jours ensuite, il y avait mon rdv à Dijon de toute façon, et je me doutais qu’ils allaient me garder jusqu’à la fin… Cependant les crises ne se calmaient pas. Le mercredi, à mon rdv, ma sage-femme m’a bien écoutée et je pense qu’elle s’est doutée de quelque chose sans m’alarmer. Elle m’a prescrit des examens que je n’ai pu faire que le lendemain. Le vendredi soir, elle m’a téléphoné comme quoi ma protéinurie avait beaucoup augmenté en peu de temps et qu’il fallait absolument que je fasse les autres examens qu’elle m’avait prescrits. Je n’avais même pas eu la force de répondre. J’avais des migraines et des mouches aux yeux, puis toujours cette douleur horrible au dos (qui maintenant je sais était le HELLP syndrome). Le samedi matin, nous allons faire ces examens. Je ne vais pas bien encore, je remarque que mes urines sont assez foncées et trouve ça étrange. On me fait la prise de sang et les autres examens. Lorsque nous rentrons à la maison, je constate que l’hôpital a essayé de me joindre. J’écoute le message en larmes et comprends. Je la rappelle, il faut que, de toute urgence, je me rende à l’hôpital le plus vite possible. Elle me demande si je sens toujours le bébé… Je pleure, je tremble.

Direction l’hôpital… L’heure de route la plus longue de ma vie. Je suis assez lucide de ce qui va se passer et le dise à mon compagnon. Ils vont me faire une césarienne comme ma cousine qui m’a informée depuis peu qu’elle avait fait une pré-éclampsie, sans rentrer dans les détails.  Arrivés à l’hôpital, nous sommes tout de suite bien pris en charge.  Mes bilans sanguins sont catastrophiques, ma protéinurie a explosé, j’ai une baisse de plaquettes, j’ai de la tension etc. Ma tâche sur le visage interpelle le gynécologue.  Ils vont se mettre en relation avec Dijon pour avoir les directives et parlent de m’héliporter pour une césarienne. Je suis terrifiée à l’idée d’être seule. On me demande de faire pipi dans un récipient mais je n’y arrive pas… Le peu qui sort est terriblement foncé, je comprends enfin que c’est du sang… Au bout d’un moment, le personnel revient. Ils ne peuvent pas m’héliporter. C’était le week-end de Pâques, et il y a eu un énorme orage, impossible de prendre l’hélico et il faut faire la césarienne au plus vite. Elle aura donc lieu à Nevers, sous les directives de la cardiologue et du pédiatre qui vont arriver de Dijon pour faire les premiers soins nécessaires si besoin pour ma fille, car oui il y a toujours son cœur. Ma fille sera ensuite transférée par ambulance à Dijon.  Nous sommes sous le choc de la nouvelle.

Arrivée au bloc en fin de soirée, je suis prise de panique. Je commence à pleurer, il dresse le voile bleu, je hurle, je sens quelque chose, c’est horrible. Elles font leur maximum pour me calmer, elle me parle de leur voix douce et je me sens enfin partir. Je n’ai aucun souvenir de mon réveil. Aucun. Énorme trou noir. Je suis seule, je ne me focalise même pas sur mon ventre. En fait, j’ai oublié qu’il y avait eu une naissance. Mon bébé. Ma propre fille, j’ai oublié. J’ai juste un flash d’un bébé qui hurle. On me parle d’un bébé mais je ne fais pas le lien. Je suis sous morphine et autre chose dont je ne me souviens plus… On me dit que je souffrais énormément. Mon compagnon me parle de notre enfant mais je suis ailleurs, je ne réponds pas ce qui le perturbe beaucoup. Je comprends qu’il va partir à Dijon. Je ne pose pas plus de questions. Ma famille vient me voir, je me rappelle de leur venue mais je suis terriblement fatiguée au point où je n’arrive même pas à tenir ma tête. Mes parents ne sont pas rassurés mais me laisse me reposer. J’ai appris par la suite qu’ils ont insisté pour alerter que je n’étais pas bien, que ce n’était pas normal. L’aide-soignante les rassure, je suis tirée d’affaire vu que le bébé n’est plus dans mon ventre, et le placenta aussi. 

On m’explique alors ce que j’ai fait : une pré-éclampsie avec une thrombopénie. Ma journée se poursuit toujours en réa, je suis encore chamboulée de ce qui vient de se passer, la réa est difficile. On commence à revenir dans ma chambre pour me signaler que mes plaquettes continuent de dégringoler et qu’ils envisagent de me faire une transfusion qui ne fonctionne toujours pas. Le médecin chef vient me passer une écho, il soupçonne quelque chose. Le verdict tombe, mon foie est touché, il y a un problème et il faut que je passe un scanner. 

On m’explique alors que je fais un syndrome assez rare de la pré-éclampsie, le HELLP syndrome, que je présente un hématome au foie, et qu’il faut m’héliportée à Dijon sans tarder. Si l’état de mon foie s’aggrave, obligation de m’ouvrir à nouveau. J’ai un peu effacé de ma mémoire, l’opération qui me pendait au nez…l’explication du déplacement de mes organes suffisent à me terrifier… J’ai appris plus tard que le médecin ne comprenait pas pourquoi je n’avais pas fait de convulsion au stade où j’étais. Le bon côté des choses, c’est que je vais rejoindre ma fille et son père dans le même CHU.

Arrivée en pleine nuit par hélicoptère, je suis encore complètement déboussolée, psychologiquement, ça va très mal. On m’a catapultée avec uniquement ma blouse, mon portable et mon portefeuille dans cet hôpital. Sans chaussure, sans valise de maternité, sans lunettes rien nada.. Les crises d’angoisses étaient de plus en plus fréquentes, je ne supportais plus la réa, les perfusions, transfusions, prise de tension, piqûre de glycémie etc etc. Je n’en pouvais plus. Si j’arrivais à dormir juste 15 minutes, c’était un record. Je suis à bout, mes bras couverts de bleus et je m’en veux, pour moi tout est de ma faute, je suis venue trop tard.

Heureusement il y a des anges dans ces hôpitaux que je n’oublierai jamais, qui m’ont aidée, soignée et parlé de leurs histoires pour me donner de l’espoir… Je ne les remercierai jamais assez.  Mon état commence enfin à se stabiliser, l’opération ne semble pas nécessaire !!  Je peux enfin rencontrer mon bébé à son 3ème jour de vie. Ils ont eu la bonté de me la descendre en réa pour que je puisse enfin faire sa rencontre, notre premier moment à 3 pendant quelques minutes. Je commence vraiment à comprendre à partir de ce moment que je suis maman, je regarde en boucle les vidéos que mon compagnon prend d’elle. J’apprends aussi surtout qu’elle va très bien, il semble n’y avoir aucun problème cardiaque, qui fut confirmé dans la semaine d’hospitalisation par une deuxième échographie : soit son asymétrie s’est rétablie seule, soit une erreur de diagnostic. Ma fille est magnifique, minuscule, une petite crevette née à 2kg290, et je peux vous certifier que c’est une warrior !  J’ai pu quitter la réa au 4ème jour pour la rejoindre. Je ne vous cache pas que le lien ne s’est pas fait de suite. Ce fut dur, très dur, mon compagnon était père depuis 4 jours et moi j’arrivais tout juste, encore affaiblie, et la mémoire défaillante. Je tiens à souligner qu’il a été impressionnant du début à la fin et a géré comme un fou. Grâce à sa persévérance, du jour au lendemain je n’ai plus voulu lâcher ma fille et nous avons pu rentrer chez nous au bout d’une semaine.

Les mois suivants ont été compliqués, la césarienne m’a longtemps fait souffrir mais j’allais mieux. J’ai surtout compris la chance que nous avions eue. J’aurai pu perdre mon ange, j’ai encore les larmes aux yeux lorsque je vous écris. Je suis tellement triste pour tous les parents qui ont perdu leurs bébés, et celles qui ne survivent pas à cette maladie. Je reste traumatisée de cette histoire, et il me reste des séquelles à vie. Un an après, mes bilans sanguins sont mieux, j’ai un déficit en protéine S et je dois être suivie par un hémostasien, mais je me dis que cela aurait pu être pire. Mon foie est rétabli, c’est le principal ! Psychologiquement il a fallu du temps, j’ai mis quasi un an à voir les photos de ma fille à sa naissance sans fondre en larmes, et je remercie énormément les sage-femmes qui ont pris ces photos. Je reste cependant toujours en alerte au moindre tracas de santé pour ma fille, toujours peur qu’il lui arrive quelque chose. Lilas est à mes côtés et elle va merveilleusement bien, c’est une petite fille d’une santé tout à fait normale qui fait le bonheur de toute notre famille. Elle est mon soleil, mon oxygène ! 

Nous n’envisageons pas d’autres enfants, j’ai trop peur même si ça m’attriste…

Merci de m’avoir lue et prenez bien soin de vous et vos familles ! Merci à cette association d’exister. »

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