Tiffany partage son expérience de la pré-éclampsie avec HELLP syndrome et des grandes difficultés qu’elle a eues à être prise au sérieux malgré les nombreux professionnels de santé qu’elle a vus pendant sa grossesse lorsqu’elle sentait que quelque chose n’allait pas. C’est effarant à quel point, pendant la grossesse, on peut ne pas être écoutée et à cause de cela risquer notre vie et celle de bébé ! Heureusement que ses proches ont su réagir et comme Tiffany le dit, n’hésitez pas à insister jusqu’à ce que quelqu’un vous prenne au sérieux, car si vous sentez que quelque chose ne va pas, c’est bien pour une raison !
« Bonjour, je m’appelle Tiffany et je vais vous raconter NOTRE histoire.
Un bonheur quand j’ai appris ma grossesse et pourtant, un mois plus tard, je découvrais le calvaire de l’hyperémèse gravidique. J’ai énormément vomi, j’ai été en arrêt de travail très vite, puis finalement je vivais avec cela avec des périodes de mieux pendant un/deux jours et des crises à ne rien pouvoir avaler… jusqu’à ce dimanche, le 22 juillet 2018.
En milieu d’après-midi, je suis prise de fortes douleurs en-dessous des côtes. J’appelle le 15 car je ne sais pas si cela peut être des contractions. Le 15 me dirige vers le médecin de garde, RAS, et qui me prescrit une boîte de Doliprane®. Je reste comme cela, j’ai très mal, la douleur m’empêche de dormir. Le lendemain matin, après une nuit catastrophique à vomir et pleurer de douleur, je n’ai plus mal, je peux enfin m’endormir. Les douleurs passent.
Enfin, jusqu’au mercredi 25 juillet 2018, où je me rends aux urgences : bilan sanguin, bilan gynécologique : RAS. L’urgentiste me prescrit des médicaments pour l’estomac et je rentre chez moi avec mes douleurs horribles, pas le temps d’arriver à la maison, je vomis encore et encore. Le vendredi 27 juillet 2018, pas d’amélioration, je me roule par terre (au sens propre du terme). A bout je retourne aux urgences. Même histoire. Ils me gardent en hospitalisation et une phrase me fait bondir : « Madame, on ne peut rien faire pour vous ». Alors je décide de sortir et de rentrer chez moi pour faire mon « cinéma ». L’infirmière me dit de revenir si je ne me sens à nouveau pas bien. Dans ma tête, pas question, je ne reviendrai pas. Les jours passent, mon état se dégrade sérieusement, je n’avale quasiment plus rien, les vomissements sont à nouveau très importants, les douleurs quasi permanentes. Je me souviens avoir dit à mon père : « Je ne tiendrais pas encore trois mois, heureusement que j’ai mon fils dans mon ventre sinon je me tirerais une balle ». Des mots violents peut-être mais pas autant que ce que je vis à ce moment-là. Que faire ?
Je reste avec mes douleurs, je trouve un peu de courage pour aller faire ma prise de sang mensuelle et refuse le test du diabète. Le vendredi 03 août 2018 (je n’ai appris que plus tard que cette douleur portait le nom de BARRE ÉPIGASTRIQUE), à bout de ne plus fermer l’œil, continuant de vomir et ne pouvant avaler qu’un demi-yaourt et deux pâtes par jour, je décide de voir mon médecin traitant. Je suis avec ma mère. En pleurs, je le supplie de faire quelque chose. Son discours a été très violent, pas trop prise au sérieux non plus. Elle m’explique que la grossesse n’est pas toujours facile, c’est comme cela, il me reste trois mois, je dois supporter… Bref, elle m’ausculte et s’interroge quand même car la tension est haute mais, pas mieux : elle estime que l’hôpital m’a déjà auscultée. Elle me prescrit un puissant cachet contre le vomissement, que la pharmacienne refusera de me vendre, et elle me conseille d’aller prendre ma tension en pharmacie le lendemain. Dans la voiture, je dis à ma maman : « Je crois que je fais une pré-éclampsie ».
Samedi 04 août 2018, je pars donc à la pharmacie de mon village. Ma première tension est haute, la deuxième prise est dans la moyenne. Ma mère décide de récupérer mon bilan sanguin au laboratoire et elle trouve que les résultats ne sont pas bons. Elle décide de me conduire à nouveau chez un autre médecin, qui en voyant mon teint, me redirige vers l’hôpital d’une grande ville.
15h30, j’arrive avec ma mère à l’hôpital. Une infirmière me reçoit et on se fait littéralement mettre à la porte car nous ne sommes pas du département. À bout, je craque car personne ne veut me soigner. Sur le trajet du retour, mon frère nous appelle et nous impose de nous arrêter et d’appeler les pompiers tout de suite.
Les pompiers arrivent. Je suis conduite dans un nouvel hôpital de la ville et je reste des heures avec le tensiomètre qui grimpe en flèche. On vient me faire une échographie et me dire qu’on va me monter en chambre, que tout va bien. Ma mère rentre alors chez elle. J’appelle mon copain pour lui dire de ne pas s’inquiéter et d’aller dormir tranquille. Il doit être 22h30/23h00.
Quelques minutes passent, on s’active autour de moi, finalement cela a l’air grave. Piqûre pour la maturation des poumons. On me demande si je préfère aller sur l’hôpital de Lyon ou sur celui de St Étienne. Je ne comprends pas. On m’explique brièvement. J’explique que non, je ne veux pas, je garde mon bébé dans mon ventre… Le SAMU arrive pour mon transfert, il est quasiment minuit et je fais une pré-éclampsie avec HELLP syndrome. J’étais donc en train de mourir.
J’arrive, plutôt sereine car je pensais qu’on allait me surveiller en chambre, mais je vais directement au bloc. Le personnel est prêt. Je suis seule et j’ai peur. Césarienne en urgence. Je suis très agitée, je crie de douleur. Mon bébé est là, je n’ai plus de forces, hémorragie de la délivrance…puis plus rien. Quand j’ouvre à nouveau les yeux, il est 6h30 du matin. Je suis dans une chambre assez particulière. Un infirmier est là. Je lui fais signe de venir et il m’explique que je suis en réanimation… Je n’ose même pas demander des nouvelles de bébé (je ne pouvais prononcer le prénom de mon enfant).
Mon fils Leny est arrivé le dimanche 05 août 2018 à 1h23, 36cm et 955g à 27SA + 5. Mon corps a tenu autant que possible. La culpabilité est la première chose que j’ai ressenti, pourquoi je n’ai pas réussi à protéger mon enfant ? Pourquoi moi ? Aujourd’hui je ne sais toujours pas pourquoi, la culpabilité est encore là. Presque deux ans après, j’essaie de me reconstruire. La grossesse, la pré-éclampsie, la prématurité… Un parcours qui laisse des traces.
Mon fils va bientôt avoir 22 mois et il va bien. Cela aide à avancer, mais je reste très en colère de cette mauvaise prise en charge, de ne pas avoir été comprise.
À toutes les futures mamans, écoutez-vous et ne lâchez pas ! Personnellement ne me sentant pas comprise, j’ai baissé les bras. Si ma maman n’avait pas insisté ce samedi-là pour me conduire à nouveau chez le médecin, je n’ai pas peur de l’écrire, je serai morte dans la nuit. »