Ally nous raconte son expérience poignante et émouvante de sa pré-éclampsie tardive à 32SA avec un accouchement qui s’est précipité, par césarienne à vif…et nous fait part du sentiment de culpabilité qu’elle a ressenti, comme la plupart d’entre nous… Nous souhaitons à Ally de pouvoir surmonter ce traumatisme et lui envoyons plein de douces pensées.
« C’était mercredi 22 novembre 2017. Après une fausse couche à 3 mois et demi de grossesse en mars 2017, je retombe enceinte en avril. Surprise, des jumeaux, mais grossesse à risque car ils avaient trois jours de différence.
Je perds le jumeau de ma fille fin juin et je me retrouve avec un hématome plus gros que bébé.
On me dit que rien ne sert aujourd’hui de rester alitée car si l’autre bébé doit partir, il partira…
Et puis nous rentrons à la maison…dévastés, anéantis, nous ne comprenons pas pourquoi le sort s’acharne sur nous comme cela.
Je ne les écoute pas, je mets toutes les chances de mon côté pour ce bébé, je choisis donc un alitement strict de moi-même. Je suis surveillée une à deux fois par semaine au CHU de Rouen.
Fin août : l’hématome éclate. Je fais des très grosses hémorragies. Nous partons au CHU. Ils me disent que bébé va bien mais que j’ai un très gros décollement du placenta. Mon Dieu, ce cauchemar est interminable, pas un jour de repos ! On rentre à la maison et re-alitée.
Septembre : ma deuxième échographie. L’hématome se résorbe, on ne voit plus rien ! Mais on va vite me faire redescendre de mon petit nuage…j’ai un placenta prævia…d’où mes contractions et mes saignements qui n’arrêtent pas !
Au stade où je suis, ils vont donc commencer à m’expliquer… Ce sera un accouchement déclenché par césarienne, et forcément on me parle de la prématurité (je ne connais pas du tout). Je garde mon calme, même si au fond de moi, j’ai mal, j’ai envie d’hurler ! Je continue à garder espoir, j’ai gagné ce combat même si rien est fini.
Début novembre, je trouve que je suis gonflée, j’ai des sensations de malaises, mais je ne mets pas cela sur la grossesse, j’ai toujours eu une petite tension (8/9 rarement 10) donc pour moi : « No stress ».
Mercredi 22 novembre : depuis plusieurs jours (semaines), je respire mal, je m’endors avec une alarme dans ma tête. J’entends : » Va à l’hôpital ou tu vas mourir ». Je ronfle jour et nuit, vertiges, fourmillements, réflexes super vifs (je casse beaucoup de choses sans le vouloir). D’ailleurs j’en rigole, mais pas pour longtemps… Puis la barre épigastrique vient subitement. Par deux fois, j’ai dû sortir de ma douche très vite, je me suis mise en PLS par terre. J’avais la sensation de ne plus pouvoir respirer ! Je vois beaucoup de tâches noires et j’ai des maux de tête sans interruption !
Au début, ces symptômes n’étaient pas présents en même temps, mais c’est petit à petit, avec les jours qui passaient et cette alarme dans ma tête qui ne me lâchait pas, que j’ai commencé à me poser des questions car je connaissais la pré-éclampsie et, heureusement. J’avais eu la chance que mon médecin m’en parle par pur hasard quelques mois avant.
Je file donc sur le net pour vérifier, pour être sûre ! Hmmm…effectivement cela y ressemble drôlement beaucoup mais je reste calme, très calme quand même…
Je prends donc ma fille de 5 ans – mon conjoint est au travail et il est livreur à l’époque -, j’appelle une amie pour qu’elle garde ma fille. Je lui dis que je dois aller aux urgences, que cela ne va pas… Première chose qu’elle me dit en arrivant : « Tu as une sale mine c’est flippant… ». Je lui explique quand même ce qui m’arrive… Mon corps tremblait beaucoup… J’étais désorientée, j’entendais très peu quand on me parlait. L’impression d’être là sans être là… Elle me demande si j’ai appelé mon conjoint, et je lui dis non, que je ne veux pas le stresser. Je ne suis sûre de rien encore (même si mon intuition le savait fortement).
Elle me propose d’appeler les pompiers pour qu’ils viennent me chercher, ce que je refuse. Mais je finis par accepter que son conjoint m’amène au CHU. Je sens que plus les heures passent et plus mon état se détériore.
Arrivée aux urgences, je passe devant tout le monde, tout en m’excusant. J’ouvre la porte et j’annonce que cela ne va pas et que je fais une pré-éclampsie ! On me demande si j’ai fait des examens qui l’ont diagnostiquée et je réponds : « Non, mes examens étaient bons, mais je le sais, je le sens. Vous allez me prendre pour une folle mais j’ai une alarme dans ma tête qui me dit que je vais mourir, et j’ai tous les symptômes ! » L’infirmière me dit de la suivre pour aller faire des analyses de sang et prendre ma tension… « Madame, votre tension est à 17/5, on va vous hospitaliser. On attend les autres résultats. »
Les résultats arrivent. Ils ne sont pas bons, très mauvais même : ma protéinurie est beaucoup trop élevée (je ne me souviens plus à combien j’étais). On m’assoit sur une chaise roulante.
Dans l’ascenseur, la femme me pose énormément de questions… Elle me demande si j’ai des antécédents (non), me dit que ma pré-éclampsie est très tardive et accélérée (je ne comprends pas), que l’on va tout m’expliquer et, que le médecin et l’anesthésiste viendront me voir ensuite. Je ne comprends pas… Je vais accoucher maintenant…mais je dois accoucher fin janvier…je suis à 32SA… Elle m’explique que j’aurai des piqûres pour maturer les poumons de bébé. Je m’inquiète, je demande à prévenir mon conjoint comme il n’est pas au courant vu que je ne voulais pas l’inquiéter pour rien…
Deux heures plus tard, mon conjoint arrive… Je pleure toutes les larmes de mon corps, toutes celles que j’ai refusées de verser tout au long de ma grossesse pour ne pas m’angoisser plus.
Le 24 novembre : cela fait quelques jours que je suis hospitalisée. Je compte les jours…car chaque jour est une victoire, même si les nouvelles ne sont pas bonnes. Ma vie est en danger mais bébé va bien. Alors tout va bien malgré tout, je ne pense pas au pire. Pourtant, cette foutue maladie, touche mon système nerveux, j’ai des œdèmes partout. Cela commence à devenir un désastre malgré le traitement pour me maintenir à peu près stable. Ils m’ont bien dit que cela allait arriver très vite et qu’au moindre signe anormal, je dois sonner !
Il est 12h00, heure du repas. Je leur dis que je n’ai pas faim et que je prendrai mon repas plus tard si cela ne les dérange pas (ils sont tous aux petits soins). Ils me disent même d’aller fumer une cigarette pour me détendre si je voulais, mais que je sois prudente…
Entre temps, la cousine de mon chéri me rend visite. Je préviens et je descends… Nous avons parlé au moins deux heures. Je remonte avec le sourire, cela fait du bien… Je leur demande mon plateau repas. Je commence à manger et d’un coup, fourmillements partout jusque dans ma tête. Je sens le malaise venir, j’appelle, je sonne et…plus rien. Voile noir… Ils arrivent en courant, j’entendais tout. Ils se présentent, je dirais qu’ils sont huit ou neuf dans la chambre… Il m’emmènent et m’expliquent tout en chemin. Je ne vois toujours rien, c’est très stressant d’ailleurs…
J’arrive en salle d’accouchement. On me dit que c’est aujourd’hui et qu’on n’attendra pas une journée de plus. Alors on me prépare, me perfuse, me sonde… On me dit : « C’est votre vie maintenant qui compte. » Forcément je m’écroule en pleurs encore… Alors ils essaieront de me changer les idées avec des blagues et cela marche. Mais ensuite mon cœur s’emballe, cela recommence comme dans ma chambre. Je leurs dis que je vais partir, que cela ne va pas…ce à quoi ils répondent : « Non madame, c’est le stress détendez-vous. » L’anesthésiste arrive. Les machines résonnent très fort et là je le sens, je pars…
– « Monsieur, je vais mourir, hein ? «
– « Non madame, ça va aller » (avec les yeux brillants, tout en me rassurant avec des petits sourires me disant de rester éveillée…)
Je ne vais pas bien du tout, j’ai très chaud et je n’arrive plus à respirer… Il met un gant sur mon visage et une collègue se joint à lui (une femme tellement douce). Rachianesthésie posée, mais mon état se dégrade. Je les entends dirent : « On passe de 30min à 10min ».
– « Qu’est-ce qui se passe ? C’est mon bébé ? «
– « Non madame, c’est vous. On n’a pas le temps de laisser la rachianesthésie agir, ils vont ouvrir maintenant. On va compter jusqu’à 3 et ça va aller ».
Ils ouvrent à vif…je ressens tout, la douleur est insupportable (sensation qu’on m’arrache le cœur et tout à l’intérieur). Je pleure, je leur crie dessus !
– « Vous n’allez pas mourir madame, nous sommes là. Vous êtes forte et courageuse, tenez bon. Bébé arrive et tout cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir ».
Bébé est là, mais je les entends encore parler et se précipiter dans tous les sens, ils courent. Et trou noir…
Deux heures que ma fille est née, je suis dans une chambre stérile. Ils sont tous là autour de moi. Je les écoute parler. Ils n’arrivent pas à calmer l’hémorragie. Ma tension est à 27… Un médecin dit : « Faites entrer son conjoint car là… » Mon conjoint arrive. Mon regard…c’est le néant… Je les entends dire que je vais devoir repasser au bloc, qu’il n’y a plus de solution… Je les supplie, je ne veux pas…j’ai encore trop mal, je suis à bout de souffle…
Ils tentent une dernière fois un cachet par intraveineuse et ils appellent une collègue à eux. Elle me dit : « Madame, tenez-vous prête, je vais appuyer très fort sur votre ventre pour sortir les gros caillots de sang, c’est pour vous que je vais faire ça ». Je pleure encore, j’ai trop mal, je n’arrive même pas à crier. Je suis super exténuée, je veux juste dormir mais je n’avais pas le droit.
L’hémorragie s’arrête. Je reste sous très haute surveillance, j’ai un médecin pour moi. Ils proposent même à mon conjoint de passer la nuit près de moi car ils ne savent pas trop comment cela peut évoluer, mon diagnostic vital était toujours très engagé.
Deux jours plus tard, je rejoins une chambre en unité kangourou. Mon état était meilleur mais je reste branchée de partout. Je commence à faire des crises d’angoisses sans interruption. Cela me fatigue, je suis au bout du rouleau, je ne sais pas ce que je fais ici… Je n’ai toujours pas vu ma fille, après 48h !!! Je veux voir mon bébé, mais interdiction car tension trop élevée ! Je les ai menacés de me débrancher. Je voulais voir mon bébé tout de suite, je ne veux pas attendre une minute de plus ! Ils appellent donc les médecins, psychiatre, psychologue de néonatologie qui me parlent, me calment. J’étais sous calmants…
Nous y sommes allés finalement. Je suis dévastée, j’ai échoué. Ma fille est là face à moi, je la regarde, on me propose de faire du peau à peau. Je refuse avec un non de la tête. D’un coup, ma fille tourne sa tête vers moi, je lui dis : « Bienvenue ma vie ♥️ ». Ses petits yeux s’ouvrent et j’ai un petit sourire.
Les infirmières très émues pour moi me disent : « C’est un signe…elle a été courageuse et vous aussi. » Je réponds avec un sourire. Je n’avais pas envie de parler et j’étais vraiment à bout. Je leur demande si je peux redescendre dans ma chambre comme cela ne va pas trop et j’aimerais me reposer un peu… Elles acceptent et me disent que je reviens quand je veux, à l’heure que je veux. J’aurai juste à sonner et on viendra me chercher. Je dis au revoir à ma fille et je vais dans ma chambre.
Je retourne la voir deux heures après. J’ai passé des heures avec elle et j’ai fini par leur demander si je pouvais faire du peau à peau… La sensation que j’ai ressentie était tellement puissante que je me suis sentie revivre, un second souffle !
Je suis restée 15 jours hospitalisée. Ma fille est rentrée à la maison, le dimanche 17 décembre 2017. »