Voici le triste témoignage de Vanessa qui a vécu une pré-éclampsie précoce et sévère à 26SA et qui a malheureusement perdu sa petite fille du fait de complications liées à son extrême prématurité.
« Enceinte pour la 1ère fois après un parcours de PMA en solo depuis 2 ans et demi, avec deux fausses couches et deux échecs d’implantation, je suis passée d’une grossesse idyllique au cauchemar en l’espace de deux semaines.
Je venais de passer l’échographie du 5ème mois, le 9 mai, où tout allait bien, j’apprenais que j’allais avoir une fille. Je commençais vraiment à me projeter. C’était le bonheur. Quelques jours plus tard, j’ai commencé à avoir un peu d’oedèmes avec 1kg de plus en 3 jours mais bon j’étais sous corticoïdes à faible dose pour une crise de rhumatisme. J’ai vu mon médecin le 14 mai qui m’a fait arrêter le traitement : en contrôlant ma tension, j’avais 14/9. Elle me fait faire une prise de sang et un contrôle de pression artérielle sur deux jours. Je la revois le 16 mai et ma tension est toujours élévée. Elle contacte mon gynécologue qui me fait débuter un traitement anti-hypertenseur et me fixe un rdv une semaine plus tard. Les oedèmes ont augmenté entre le 19 et le 22 mai et la tension restait élévée. Cela a empiré le 22 mai.
Le 22 mai, mon gynécologue me fait hospitaliser pendant 48h pour une surveillance mais mon état s’est dégradé dans la nuit et j’ai été transférée le 23 au CHU pour une prise en charge d’une pré-éclampsie sévère et précoce, à 24SA+5 et pour, ce que j’ai appris quelques jours plus tard, un sauvetage maternel. J’apprenais ce jour-là que cela avait eu aussi des répercussions sur ma fille, avec un retard de croissance, de mauvais échanges entre elle et moi, pas assez de liquide amniotique… J’étais sous le choc !! On m’explique aussi que j’avais des facteurs de risque de faire une pré-éclampsie (âge, 1ère grossesse, double don, facteur V Leiden et maladie auto immune) mais que personne ne pouvait prédire que j’allais en faire une et qu’elle serait si brutale dans sa sévérité et sa précocité. Je n’ai jamais été prévenue de tous ces facteurs et encore moins été suivie en grossesse à haut risque !!!
Les médecins ont réussi à stabiliser mon état. Je continuais à avoir des oedèmes, la protéinurie augmentait encore et j’étais en restriction hydrique. Mon bébé avait un bon rythme cardiaque et bougeait toujours bien. Chaque jour pris était un jour gagné comme on se le disait avec les gynécologues et les sages-femmes. Mon état de santé s’est détioré le 31 mai et j’ai failli accoucher mais ils ont réussi à nouveau à le stabiliser. Nous étions « stables dans la médiocrité » m’a t-on dit. J’avais pris 18kg en 12 jours !!
Mais le soir du 1er juin, ma tension a été incontrôlable avec problèmes aux reins et au foie et, mon bébé avait un ralentissement du rythme cardiaque. J’ai eu une césarienne en urgence à 26SA et Mila est née, pesant 590g et elle respirait toute seule. J’ai eu la chance de la voir un bref instant quand j’étais encore en césarienne. J’étais heureuse et inquiète en même temps car je connaissais les risques d’une très grande prématurité. Mon état a été préoccupant et continuais à se dégrader après l’accouchement car j’avais encore une majoration des oedèmes, une protéinurie élévée… J’ai fait l’effet « rebond » de la pré-éclampsie. J’étais tellement mal en point que cela a été difficile pour moi d’aller voir ma fille en réanimation néonatale comme je l’aurai souhaité . Cela a été très dur à accepter, je culpabilisais. J’ai réussi à faire du peau à peau avec Mila le lendemain de l’accouchement. C’était tellement magique. Le lundi 3 juin après-midi, Mila a eu une perforation digestive qui a eu de graves répercussions sur le plan respiratoire où elle a été mise sous ventilation à haute fréquence. J’ai pu aller la voir en lit le soir où je suis restée 1h30 avec ma main sur elle. Son état était stable. Je voulais garder espoir. Le lendemain, j’y suis allée au moment de ses soins. Je lui ai parlé, mis ma main sur elle pendant que l’infirmière s’occupait d’elle. Là, elle me dit que Mila a ouvert ses yeux quand elle a entendu ma voix, qu’elle ne l’avait pas fait le matin. J’étais si heureuse. J’ai rencontré les pédiatres pour parler de la dégradation de son état de santé… Au vu de son terme et de son poids, une chirurgie digestive ne semblait pas raisonnable en cas de récidive de perforation. Ils ne savaient pas non plus les conséquences sur le développement moteur du fait de son petit périmètre crânien. Sa situation était précaire mais toujours stable. Nous avons à nouveau échangé sur le fait que je ne voulais pas d’acharnement thérapeutique. Le plus important pour moi c’était que Mila ne souffre pas. Même si j’étais consciente de tout cela, c’était dur à encaisser. Le soir, j’ai à nouveau fait du peau à peau. Je lui ai dit qu’on était deux battantes, j’ai chantonné des berceuses que j’avais l’habitude de lui chanter le soir quand elle était encore dans mon ventre. Le mercredi 5 juin, j’ai appelé comme tous les matins après ses soins pour prendre des nouvelles de la nuit et redire que j’allais venir aux soins de 14h00, et là, l’impenssable est arrivé. Le pédiatre m’a dit que ce serait bien de venir maintenant, d’appeler même mes parents car l’état de Mila s’était détérioré et qu’il n’y avait plus rien à faire. Je me suis éffondrée seule dans ma chambre. J’ai appelé ma mère en pleurs. Elle est arrivée peu de temps après et nous sommes allées ensemble voir Mila. L’infirmière m’a expliqué que son état s’était dégradé avec une nouvelle perforation digestive, qu’il y avait du sang dans sa trachée, qu’elle a fait une hémorragie pulmonaire… Elle a installé Mila en peau à peau contre moi et quelques heures après, elle s’est envolée des suites d’une défaillance multi-viscérale. J’ai hurlé de douleur. C’était la fin.
Tout au long de mon hospitalisation, le personnel soignant n’arrêtait pas de dire que j’étais courageuse, forte, combattive mais là j’étais plus qu’anéantie. C’était si injuste et cruel, pourquoi moi ? Ma vie s’effondrait… Je suis sortie de l’hôpital le 18 juin. J’ai longtemps culpabilsé et encore maintenant,de ne pas être rentrée plus tôt à l’hôpital même si tous les gynécologues m’ont dit et me le redisent encore que cela n’aurait rien changé à l’issue dramatique. Deux mois après, je n’ai gardé aucunes séquelles physiques mais je suis morte de l’intérieur, mon coeur est brisé. On me l’a arrachée. Voilà l’histoire de mon miracle éphémère. »