G. fait partie de ces mamans qui n’ont pas été prises au sérieux, qui n’ont pas été écoutées et suivies comme il faut. Elle a finalement pu être prise en charge de justesse alors que la pré-éclampsie dégénérait en éclampsie avec HELLP syndrome. Elle a pu mener deux grossesses d’après (une avec une légère récidive et une sans aucun signe de pré-éclampsie). N’hésitez pas à insister si quelque chose vous semble anormal pendant la grossesse !
« Je suis tombée enceinte très rapidement, pour notre plus grand bonheur, en août 2016. Mais très vite, une énorme fatigue m’a paralysée. Je ne faisais que dormir, dormir en permanence. Lorsque je me levais le matin pour aller au travail, je pouvais être sûre de somnoler à moitié sur l’autoroute trois quarts d’heure plus tard. Des travaux ont eu lieu chez moi et je me rappelle m’être endormie près de la disqueuse qui fendait le carrelage. J’ai fini par être arrêtée vers cinq mois de grossesse parce que ma fatigue me rendait la vie impossible. Dans mon entourage, on me taquinait souvent : j’étais celle qui s’écoutait trop, la femme enceinte EST fatiguée, c’est normal, pas la peine de s’arrêter pour ça.
Manque de prise en charge
Ma grossesse a évolué plutôt sereinement, à l’exception de cette fatigue difficile. À 32SA, lors de la dernière échographie, on nous annonce un gros bébé, elle fait 2,5kg. On est soulagés ! On avait tellement peur que cette fatigue annonce un problème ! Mais la semaine suivante, je commence à gonfler. Mon mari me prévient gentiment, puis fermement. Mon visage est bouffi, ce n’est pas normal. Je préviens ma sage-femme, elle n’en fait pas cas mais mon mari insiste, me montre que j’ai les marques de mes chaussons sur les pieds. Je finis par aller prendre ma tension à la pharmacie, un samedi matin tôt : 14/9. La pharmacienne me dit que c’est normal mais par acquis de conscience, je préfère téléphoner à mon médecin traitant. Elle m’expédie immédiatement aux urgences de ma maternité de type III en disant que ce n’est pas normal, surtout corrélé avec ce gonflement.
Aux urgences, l’analyse d’urines ne donne rien. J’oscille entre 14/9 et 15/10. J’attends toute la journée avec mon mari et finalement une sage-femme vient me dire : « L’obstétricien a dû enchaîner les césa d’urgence aujourd’hui. Là il est 18h00, il peut venir vous faire une écho, mais honnêtement, ça ne changera rien. Vous êtes en forme, vous avez juste une tension un peu haute ». Bon. Si ça va, tant mieux. On retourne chez nous, mais je sens bien que mon mari n’est pas serein, surtout que je continue à prendre du poids de façon claire.
Des signes d’alerte
Quatre semaines plus tard, alors que je déjeune chez des amis, une douleur infinie me saisit à plusieurs reprises sous la poitrine. Ça me serre d’abord et ça explose. Je n’ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Je me dis que je dois être en train d’accoucher mais je me rappelle aussi que toute ma grossesse, on m’a reproché de trop m’écouter. Alors je rentre en voiture chez moi pour me reposer. À la maison, ça ne va pas, je pleure de douleur, je ne tiens plus debout, je vomis, je n’arrive plus à uriner et j’ai la diarrhée en même temps. Je n’ose pas appeler ma mère parce que j’ai peur qu’elle s’inquiète, je n’ose pas appeler mon mari au travail parce que j’ai peur de le déranger pour rien. J’appelle alors ma sage-femme à qui je décris en pleurant mes symptômes. Elle me dit qu’il n’y a rien de grave et que si ce n’est pas passé le soir, il faut peut-être que j’aille à la maternité vérifier tout ça. À la limite je peux prendre un Spasfon™. Je m’écoute donc trop, une nouvelle fois… Recroquevillée au sol, je finis par appeler mon mari qui quitte son travail et arrive à la maison à 18h00. Lorsqu’il arrive, je suis convaincue que je vais accoucher et mourir en accouchant tant je me sens mal. Il me conduit immédiatement à la maternité, je vomis en pleurant durant le trajet.
Lorsque j’arrive, je suis prise en charge tout de suite, ma tête est un pass immédiat. Je réussis à uriner, quelques gouttes couleur Ice Tea™. On me dira qu’il y avait 3+ sur la barre d’analyses. Ma tension est de 19/11. Ma prise de sang est désastreuse, mes plaquettes sont basses, mes cellules hépatiques délirent complètement.
L’obstétricienne de garde vient me voir, elle m’explique que je fais une pré-éclampsie sévère et un HELLP syndrome, elle m’explique en quoi ça consiste, elle m’explique ce que sont mes perfusions : un anti vomitif, du sulfate de magnésium, du Loxen™. Elle m’explique que notre bébé va naître ce soir. Je suis à la fois bouleversée par cette nouvelle et sereine de me savoir prise en charge. L’obstétricienne m’explique aussi que la césarienne par anesthésie générale me pend au nez mais je réagis bien à la tension (on me dira plusieurs fois par la suite que d’après mes prises de sang, j’aurais dû être dans le coma…), ma fille va bien pour l’instant et surtout le travail a commencé. Je m’accroche à cette perspective, je veux accoucher par voie basse.
L’incompréhension
Le travail est rapide, très rapide et l’ocytocine le rend très douloureux. Je délire complètement, la péri ne fonctionne pas. Je me vois dans une grotte, il y a sans cesse trois ou quatre soignants avec mon mari et moi. Vient un moment où ma fille commence à ne plus pouvoir suivre et où moi aussi je commence à sombrer. Le rapport d’accouchement indique « éclampsie », je n’arrive pas à savoir si j’ai eu des convulsions. Les forceps achèvent l’accouchement. Ma fille fait 2,5kg, le placenta est hypotrophe. Elle n’a pas grandi depuis les 32SA. Ça fait cinq semaines et demi.
Je suis chouchoutée par tous mais je reste hagarde, à la fois devant ces soignants qui me disent que je suis un cas de manuel de médecine et qui me félicitent d’avoir tenu le coup, devant ceux qui me disent que c’est incompréhensible et que mes constantes étaient si désastreuses que j’aurais dû aller en réa, devant nos familles qui sont paralysées devant ce bébé de 45cm et de 2,5kg alors qu’on nous annonçait un gros bébé, devant ma sage-femme surtout qui a haussé les épaules et a dit « ça arrive » quand je lui ai parlé de sa négligence.
Le lien avec ma fille a été très difficile. Je me sentais coupable de la voir si petite, coupable de n’avoir pas compris, coupable de ne pas m’être écoutée, coupable de tout, mauvaise mère avant même d’avoir accouché finalement.
J’en ai voulu à toutes ces femmes qui accouchent si facilement, sans douleur, d’un beau bébé de 3,7kg. Je sais maintenant que mon parcours est enviable comparé à tant de femmes qui ont perdu leur bébé mais j’aurais été incapable de le voir sur le moment.
Mes deux grossesses suivantes ont été très rapprochées. La dernière s’est faite sans la moindre trace de pré-éclampsie. Mon bébé, dodu, potelé est né à 41SA, comme une bombe après une heure de travail seulement. Je souhaite une naissance comme celle-ci à toutes les mamans lionnes que nous sommes. Ces naissances suivantes m’ont permis de retrouver confiance en moi et de me sentir meilleure maman, pour tous, de me rendre compte que je n’y étais pour rien. »
Cet article a 2 commentaires
Bonjour et merci pour ce témoignage.
Avez-vous pris un traitement préventif pour les autres grossesses ?
J’ai aussi eu un HELLP pour mon premier.
Merci beaucoup.
Bonjour, je suis la modératrice du site. Il est recommandé par le collège national des gynécologues obstétriciens de France de prendre de l’aspirine à faible dose systématiquement après une prééclampsie. Il est aussi recommandé de faire une visite preconceptionnelle avant toute future grossesse. Le médecin vous expliquera quand comment l’aspirine.