Agathe a vécu une pré-éclampsie à sa deuxième grossesse compliquée d’un HELLP syndrome et d’une hémorragie de la délivrance. Elle ne se pensait pas à risque pourtant. Tout cela l’a beaucoup traumatisée et reste encore très présent aujourd’hui.
« Tout a commencé lors des vacances de la Toussaint, l’année dernière. J’ai passé quelques jours en Touraine chez mes parents avec mon fils de 4 ans, mon mari lui devait rester travailler à Paris.
En arrivant, j’ai dit à ma mère (sage-femme en libéral) que je ne me sentais pas bien depuis plusieurs jours (maux de tête importants, fatigue extrême, œdèmes). J’étais enceinte de 7 mois.
Ma mère, avec son expertise, a tout de suite réagi en me prenant la tension, en me faisant un monitoring et une bandelette urinaire pour détecter la présence de protéines. Je cochais toutes les cases d’une potentielle pré-éclampsie : tension à 15 ou plus, protéinurie… Elle a appelé l’hôpital pour que je puisse faire un check up plus complet. On m’a demandé de venir au plus vite.
Prise en charge
Aux urgences maternité, la gynécologue a été très claire dès le début. Mes analyses confirmaient une pré-éclampsie, je devais rester hospitalisée, surveillée comme du lait sur le feu et je n’allais pas repartir de cet hôpital sans ma fille… C’était très loin du plan initial puisque je devais accoucher à Paris…
Cela a duré deux semaines, deux semaines extrêmement angoissantes durant lesquelles je pensais beaucoup à la mort. J’avais compris que la pré-éclampsie était extrêmement sournoise et dangereuse. J’avais cette peur intense de mourir, de laisser derrière moi ma famille et surtout mon petit garçon de 4 ans. Il venait me rendre visite tous les après-midis avec mon mari et c’était un crève-cœur lorsqu’ils repartaient en fin de journée, de m’imaginer que c’était peut-être la dernière fois que je les voyais. Je me sentais très mal. J’avais un mauvais pressentiment.
Mon bébé lui allait bien heureusement… Les deux monitorings par jour, les échographies ne montraient aucun signe de souffrance fœtale.
Déclenchement et complications
Mais mon état empirait de jour en jour. Mes reins étaient en souffrance, avec un taux très anormalement élevé de protéines, ma tension ne descendait pas en dessous de 14, avec des pics à 18, parfois au réveil, malgré la prise de traitements hypotenseurs. Ma tête était comme dans un étau, les antalgiques ne me soulageaient pas, j’avais des mouches devant les yeux. J’ai perdu 5kg d’œdèmes…
La gynécologue qui me suivait a été tout à fait honnête avec moi quant aux risques encourus par la pré-éclampsie et m’a confié ne pas être totalement sereine au vu de mon état clinique.
Nous arrivions à un point de non-retour. Le seul traitement de cette maladie étant la naissance. Il a donc été décidé de provoquer l’accouchement à 35SA, engendrant la prématurité de mon bébé.
Malheureusement, le déclenchement n’a pas fonctionné. Avec le recul je me dis que faire naître un bébé 1 mois et demi avant, ça n’a rien de naturel. Ma fille n’était tout simplement pas prête à sortir, malgré toutes les hormones injectées.
48h plus tard et après un nouveau bilan sang catastrophique, il a été décidé de me faire une césarienne en urgence, qui s’est très mal passée. J’ai pu voir ma petite crevette quelques minutes seulement avant qu’ils l’emmènent…
J’ai fait une première hémorragie, les plaquettes avaient en effet chuté brutalement. J’ai appris plus tard que je faisais un HELLP syndrome.
Puis en salle de réveil, j’ai fait une seconde hémorragie, massive cette fois-ci. Mon utérus ne se serait pas contracté pour arrêter les saignements de l’accouchement.
Les sage-femmes et la gynécologue de garde m’ont massée, massée, m’appuyant sur le ventre, tout juste recousu pour essayer de stopper l’hémorragie. C’est finalement la pose d’un ballon in utero, le bakri qui a mis fin au calvaire en contrôlant cette hémorragie de la délivrance. C’était mon ultime chance de m’en sortir.
J’ai perdu 3,5 litres de sang. L’organisme en contient plus ou moins 5 litres… J’ai été transfusée, dans l’extrême urgence puisqu’ils n’avaient plus assez de poches, étant O négatif, les réserves n’étaient pas suffisantes…
Ce sauvetage s’est fait devant mon mari et notre petite fille dans ses bras. Il a voulu rester auprès de moi tout le long malgré la gravité de la situation. Il a été extraordinaire.
A ce moment-là, les sensations étaient très étranges : je me sentais partir, mon corps était comme détaché de ce qui se passait, j’étais vidée, éteinte, immobile, paralysée, à la merci du personnel soignant qui, à l’opposé, était si fébrile, affairé et donnant tout pour tenter de me sauver la vie.
J’ai pensé tellement fort à ma famille à ce moment-là, tout en me concentrant sur ma respiration, dès le tout début de l’accouchement jusqu’à ce qu’ils aient maîtrisé l’urgence… Sans cela, je crois que j’aurais sombré.
Un réél traumatisme
Après cela, j’ai fait une crise de tétanie, les émotions sans doute m’ont tétanisée pendant de longues minutes… Et je me souviens avoir eu extrêmement froid, sans doute lié au fait que je me sois littéralement vidée de mon sang…
J’ai passé trois jours en soins intensifs pendant que ma fille attendait patiemment avec son papa dans ma chambre de maternité. Elle allait bien, pesait 2,2kg, n’a même pas eu besoin de couveuse, une championne !
On venait me l’amener pour que je puisse l’allaiter (malgré les mises en garde concernant de possibles difficultés de succion liées à la prématurité et au fait que je sois trop faible à cause de l’hémorragie, et pourtant j’ai réussi à l’allaiter, j’en suis si fière !)
On est restées à la maternité, encore une semaine après la naissance pour être sûrs que tout rentrait dans l’ordre.
J’ai eu du mal à partir, à quitter cet environnement, malgré les épreuves, à quitter ces soignants incroyables. On a partagé ensemble cette histoire. Ils sont dans mon vécu, leur bienveillance m’a beaucoup réconfortée… Ils nous ont sauvé, ma fille et moi. Ce sont des héros.
Cela fait maintenant presque 8 mois que j’ai accouché. J’y pense encore tous les jours.
J’ai l’impression de ne pas réussir à passer à autre chose, je me sens très souvent submergée par les émotions… Le fait d’avoir été confrontée à l’éventualité de sa propre mort laisse des traces…
J’ai peur que cela récidive lors d’une prochaine grossesse, les risques sont réels. J’ai peur de ne pas réussir à dépasser mes peurs et de devoir renoncer à ce projet d’avoir un 3ème enfant un jour…
Je me questionne, pourquoi moi ? A priori, je n’avais pas de facteur de risque, je suis un cas atypique selon les médecins.
Je culpabilise beaucoup, pour ma fille qui était aux premières loges de cette extrême angoisse que je n’arrivais pas à maîtriser…
Je culpabilise qu’elle soit née trop tôt, comme si je l’avais ôtée de son cocon.
Je culpabilise d’avoir tant inquiété ma famille, mon mari, mon fils.
Je suis en colère d’avoir l’impression que cette fin de grossesse, interrompue qui nous a été volée, même si tout cela était évidemment pour notre survie.
Et d’un autre côté, je mesure tellement cette chance que nous avons d’être là toutes les deux, tous les quatre maintenant. Nous avons eu dès le départ, je crois, une bonne étoile au-dessus de nos têtes. »