Grossesse gémellaire, éclampsie avec HELLP syndrome (Sarah)

Nous partageons le témoignage de Sarah. Enceinte de jumeaux, elle a connu une pré-éclampsie qui a dégénéré en éclampsie après 5 semaines d’hospitalisation en maternité de niveau 3 qui a permis de mener la grossesse le plus loin possible pour bébés et maman. L’éclampsie est une aggravation de la pré-éclampsie qui se caractérise par des convulsions. La pré-éclampsie/éclampsie en post partum reste rare et peut arriver jusqu’à plusieurs semaines après accouchement (4 semaines et dans de très rares cas jusqu’à 6 semaines). Il est bon de rappeler que les grossesses multiples sont plus à surveiller car elles peuvent être sujettes à pré-éclampsie. Il est aussi important d’être suivie pendant les premières semaines après accouchement. Nous remercions Sarah pour son témoignage et lui souhaitons le meilleur avec ses petits.

« Tout d’abord merci pour la création de cette asso. Concernant mon histoire, enceinte de jumeaux, tout a « basculé » cet été, le 14 août lors d’une « banale » visite chez le remplaçant de ma gynécologue afin de vérifier que ma fille continuait bien de grandir car elle présentait un retard de croissance.

J’avais fait des examens sanguins supplémentaires car ma protéinurie était légèrement au-dessus de la norme. J’avais demandé à ma gynécologue les risques liés à ces résultats, et elle m’avait parlé de la toxémie gravidique (l’autre nom) mais en regardant sur internet je m’étais dit que ce n’était probablement pas cela puisque je n’avais pas d’autre symptôme à ce stade.

Après une échographie complète, le gynécologue m’annonce donc « vous allez être transférée en urgence en maternité niveau 3 ». Je n’ai évidemment pas tout de suite compris que je partais sans avoir préparé de quoi dormir, et que je ne rentrerais chez moi qu’une fois que j’aurais accouché. J’étais enceinte de…6 mois. Aucun de mes bébés ne dépassait 700g.

Ce jour-là, c’est le « doppler en reverse flow de J2 » qui a été l’élément déclencheur, c’est-à-dire que mon placenta n’alimentait plus correctement ma fille ce qui pouvait expliquer son retard de croissance. 22h00, me voilà̀ transférée à Port Royal par ambulance, après avoir attendu en salle de naissance tout l’après-midi qu’une maternité niveau 3 ait de la place pour moi. J’ai le droit à toute une batterie d’examens : prise de sang, analyse d’urines, monitoring, échographies ; et l’interne m’annonce « on va vous injecter des corticoïdes pour aider au développement des poumons de vos bébés car ils peuvent naître du jour au lendemain ». Mais.. je suis à peine à 27SA et ce sont des jumeaux, des mini poids…

Un combat commence donc, chaque jour de gagné est une grande victoire pour les jumeaux. C’est toute une analyse de la balance à chaque instant qui commence : le but est de garder les bébés à l’intérieur le plus longtemps possible, mais encore faut-il qu’ils soient toujours bien à l’intérieur, qu’ils continuent de grossir et que mon état ne soit pas totalement dégradé.

Bref un vrai travail d’équilibriste ! Un suivi très très précis est donc mis en place, trois prises de tension par jour, deux monitorings par jour, protéinurie et prise de sang tous les deux jours, échographie chaque semaine et une de « croissance » toutes les deux semaines..

Je comprends que tout est probablement lié : la prééclampsie, une maladie placentaire, le cordon ombilical mal irrigué car défaillance du placenta…  la seule façon d’en guérir est d’évacuer ce placenta donc d’accoucher… donc de les faire naître « trop tôt ».

Je vais rester 5 semaines avec cette « routine », au début j’ai espoir de sortir, car tout est stable, même les Dopplers puis finalement petit à petit tout se dégrade. A chaque sortie « prévue », finalement il y a quelque chose qui se dégrade. Les symptômes de la prééclampsie arrivent petit à petit… mais je tiens bon. Protéines élevées dans les urines, tension qui monte mais qui reste correcte, mais bilan sanguin qui dégringole, œdème qui apparaît. Des hauts, des bas, des frayeurs dont une descente en salle de naissance un après-midi quand le cœur de ma fille a fortement ralenti. Grand soulagement lorsqu’on dépasse le stade de la très grande prématurité…puis la grande prématurité.

Pendant deux jours je me sentais très lourde, j’avais du mal à me déplacer, des contractions plus fortes, de la rétention d’eau, l’impression que mon fils mettait des énormes coups de pied dans les côtes… et une nuit, à 32SA les douleurs aux côtes sont devenues intenables malgré les médicaments, donc j’appelle l’équipe de nuit, ma tension était à 17, j’avais la barre épigastrique. Ce devait être la douleur que j’avais depuis deux jours. Plus de doute j’avais donc tous les symptômes.

Les examens sanguins confirment que mes reins sont entrain de lâcher. Je descends donc en urgence en salle de naissance à 3h00 du matin, les cœurs des bébés sont stables je suis perfusée avec je ne sais quel médicament qui me fait baisser ma tension, mon mari est là, la douleur s’estompe puis l’équipe médicale diminue la dose de médicament, et à 5h00 ma tension est à 19, j’ai froid, je convulse, le rythme du cœur de ma fille baisse, je sens que ce n’est plus possible, c’est la crise d’éclampsie (avec le HELLP syndrome en plus) le code rouge est lancé, ils vont procéder à une césarienne d’urgence… tout va très vite et me voilà au bloc.

Par chance mon mari peut nous rejoindre une fois la rachi posée. J1, mon fils sort, pleure, respire et la sage-femme nous le présente, un premier bisou un regard, puis la sage-femme court l’amener en réa. S’en suit la sortie de J2, ma fille, qui pleure et respire également, un bisou, un regard et elle part aussi avec la 2ème sage-femme.

Puis une grande fatigue, l’opération se termine et je ne me réveille que vers 14h00, mon mari est là et me montre les photos de nos petits bouts. Je n’ai pu voir nos jumeaux qu’à 21h00, pour une multitude de raisons. Nous avons beaucoup de chance, ils n’ont fait que deux jours de réa et sont descendus en neonat, donc c’est que tout allait bien, nous a-t-on dit.

Ils seront transférés dans une autre néonatalogie, deux semaines après, puis mon fils sortira un mois après et ma fille connaîtra une 3ème néonatalogie et sortira deux semaines plus tard.

Durant mes six semaines (je suis restée 5 jours après la césarienne) à Port Royal, toute l’équipe de sages-femmes, d’infirmières, de gynécologues a été aux petits soins avec moi, et j’ai pu mieux comprendre cette maladie, appréhender la prématurité. Régulièrement pédiatres et psychologues venaient me voir afin que je puisse poser toutes mes questions.

Le plus dur est d’attendre ce point de non-retour où la balance penche du côté du risque de maintenir les bébés à l’intérieur, de savoir qu’ils vont naître alors qu’ils ne sont pas prêts.

Avec du recul, j’ai vraiment eu de la chance que ma gynécologue ait tout de suite cerner le problème, et que son collègue m’ait transférée à Port Royal. Je sais que d’autres n’ont pas été diagnostiquées à temps. »

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