Elodie a vécu une pré-éclampsie tardive lors de sa 2ème grossesse. Elle n’avait pas d’antécédents. Elle parle de la culpabilité que l’on a, pour la plupart, ressentie et de la séparation difficile à vivre pendant son hospitalisation où elle n’a pas bénéficié de soutien psychologique. Il n’est jamais trop tard pour en parler et vous n’êtes pas seules.
« Alors que ma première grossesse s’est super bien passée, sans aucun soucis avec accouchement à terme, j’ai fait une pré-éclampsie lors de ma deuxième grossesse en février 2022 pendant mon dernier mois de grossesse. J’avais pris 15kg en à peine quinze jours sans m’en rendre compte.
Des résultats inquiétants
Comme tous les mois, je suis allée faire ma prise de sang et test urinaire. Dans l’après-midi, le laboratoire m’appelle pour me dire que j’ai des protéines dans les urines mais que je ne dois pas m’inquiéter, que le taux n’est pas élevé et que je verrai cela avec ma sage-femme.
Le jeudi 10 février, j’ai l’échographie des 9 mois à l’hôpital. À l’échographie, tout va bien. Elle estime ma fille à 2,500kg puis on me demande de me peser. J’avais pris 8kg en trois jours mais je me disais que ce n’était rien, c’est la fin de grossesse. J’avais pris 4kg depuis le début. Elle regarde mes résultats et prend ma tension : j’avais 14/7. Elle m’envoie en contrôle d’urgence à la maternité pour monitoring, contrôle de la tension, test urinaire et prise de sang. Tout va bien pour ma fille et ma tension varie entre 13 et 15. On me fait sortir et me dit de revenir le lendemain après-midi pour un nouveau contrôle.
Le vendredi après-midi, j’y retourne avec mon compagnon. Ma tension est de nouveau entre 13 et 15. On me demande si j’ai des mouches devant les yeux, une barre au ventre, migraine et acouphènes, mais je n’avais rien de tout cela à part un peu mal à la tête. La sage-femme part voir le gynécologue de garde pour voir ce qu’elle doit faire. Il me prescrit un cachet contre la tension et me dit de revenir contrôler le dimanche matin.
Tout a basculé le samedi. Je me lève avec une migraine donc je prends un doliprane et me couche un peu. Je dois rester forte et debout car je devais m’occuper de mon fils de 20 mois. Plus la journée avançait, plus j’avais mal à la tête. J’appelle donc mon compagnon en pleurant pour qu’il rentre car cela n’allait pas du tout. Il rentre vers 19h00 avec un tensiomètre. Il prend ma tension et là, j’avais 18/5 ! On appelle mes parents, dépose le petit et on part à la maternité. En laissant mon fils, j’ai eu peur de ne plus jamais le revoir…
On arrive à 20h30, on me prend en charge et m’hospitalise. On me fait un test urinaire (j’avais toujours des protéines dans les urines), une prise de sang, un test PCR à cause du Covid et on me prend la tension. J’étais à 20… Notre vie a basculé en une seconde car le gynécologue de garde a décidé de faire une césarienne d’urgence. Nous n’étions vraiment pas prêts… Mon compagnon n’a pas eu le droit d’y assister alors qu’à ce moment-là j’avais besoin de lui.
Une séparation difficile
Ma fille est née avec un poids de 2,075kg. Elle a été placée sous oxygène mais sinon elle allait bien. J’ai pu la voir et lui faire un bisou. Une fois ma fille sortie, ma tension est redescendue à 11. Ils finissent la césarienne, me recousent et on m’emmène en salle de réveil. J’y reste deux heures et la tension est de nouveau à 15-16. Deux heures après je descends en chambre, je vois ma fille 10 minutes et on me ramène dans ma chambre pour me reposer. Vu que ma fille avait besoin d’oxygène, ils l’avaient emmenée en pédiatrie à l’étage au-dessus.
Mon séjour à la maternité de cet hôpital s’est mal passé. J’avais une sonde urinaire et une perfusion pour le médicament pour la tension (j’avais encore 15 de tension). Je suis restée couchée pendant 4 jours, ils ne m’ont pas levée ni lavée. J’avais l’impression d’être sale. Soit disant le service était plein et toutes les chambres occupées alors ils n’avaient pas le temps. Ils m’ont amené ma fille 20 minutes le dimanche soir et le lundi soir j’y suis allée 30 min avec mon compagnon.
Ma tension ne baissait malheureusement pas car ma fille n’était pas avec moi en chambre et je m’en voulais tellement de ce qui s’était passé. Un soir, une sage-femme m’a dit de pleurer un bon coup, de ne pas retenir mes émotions car plus je culpabilisais pour ma fille en me disant que cela était de ma faute et qu’on étaient passées à côté de la mort, plus ma tension restait élevée à 16/5, ce qui était dangereux pour moi à ce moment-là. En regardant une photo de ma fille et en pensant à mon fils, je me suis dit qu’ils avaient besoin de leur maman et que j’allais me battre pour eux. À ce moment-là, j’ai lâché toutes les émotions négatives que j’avais en moi et je me suis reprise en main.
Le mardi matin, on a vécu une nouvelle épreuve. À 7h00, le pédiatre qui s’occupait de ma fille est venu m’informer qu’elle avait désaturé et, qu’elle ne pouvait plus rester dans cet hôpital et devait être admise en néonatalogie. Ce pédiatre a tout fait pour que j’ai le petit-déjeuner tout de suite pour que je puisse passer du temps avec ma fille avant qu’elle ne parte. À 7h30, j’ai appelé les sage-femmes pour qu’elle m’amènent auprès de ma fille mais elles m’ont dit que ce n’était pas possible car elles devaient faire le tour du service d’abord. J’ai sonné plusieurs fois et elles ne m’ont fait monter qu’à 9h20. Je n’ai pu la voir que cinq minutes avant qu’elle ne soit transférée dans cet autre hôpital car le Samu venait d’arriver pour l’y amener. J’étais anéantie, je pleurais et n’avais pas le moral. Heureusement, j’ai pu être transférée dans le même hôpital qu’elle dans l’après-midi.
Dans le nouvel hôpital, ma tension est redescendue. Je pouvais marcher, me doucher, m’occuper enfin de ma fille, lui donner le biberon, changer sa couche… Le vendredi, je suis sortie de l’hôpital sans ma fille. Cela a été un vrai déchirement même si j’allais revoir mon fils alors que tous les jours je pleurais de ne pas être avec lui mais que je le voyais en appel vidéo grâce à ma mère.
Avec mon compagnon, on faisait 45 min de route tous les jours pour aller voir notre guerrière. Elle s’est battue, prenait du poids de jour en jour et essayait de respirer seule sans oxygène. Elle est restée une semaine sans moi à l’hôpital et on a pu la ramener à la maison 12 jours après sa naissance. Le suivi dans le deuxième hôpital par les médecins était au top. Ils m’ont fait faire des échographies pour voir si le foie avait été touché et comme j’avais une thrombose au bras.
Malheureusement, le côté psychologique n’a pas du tout été pris en charge. Je n’ai vu personne. Cette expérience m’a marquée à jamais et j’en pleure encore quelques fois même si ma fille est en parfaite santé, comme le disent les personnes de mon entourage qui ne savent pas par quoi je suis passée. »