« 27SA. Les migraines avaient commencé une dizaine de jours avant. Fortes et intenses. Les comprimés de Doliprane 1000™ ne faisaient aucun effet… Déjà un peu sujette au mal de tête avant ma grossesse, je ne me suis pas vraiment inquiétée, accusant les hormones de me jouer un sale tour malgré le torticolis naissant. J’étais tout de même confiante pour mon bébé car tous les précédents examens étaient très bons, mais agacée pour ma santé mentale car je me sentais à ce moment-là dans un corps meurtri d’une personne de 90 ans, très fatiguée. Je suis même allée à la pharmacie pour m’acheter une minerve que je portais la nuit et un peu le jour en parallèle de quelques séances de kinésithérapie que j’avais déjà réservées en amont. Mais rien ne faisait passer cette douleur…
C’est lorsque j’ai commencé à avoir le souffle coupé, une douleur horizontale, nouvelle, juste au-dessus de la poitrine, que j’ai décidé de prendre au sérieux mon état et j’étais très loin d’imaginer que celui-ci, à cet instant précis, faisait également souffrir mon enfant.
J’hésite donc à me rendre aux urgences – ouvertes en journée – de la clinique située à côté de chez moi. Mais trop fatiguée, je n’en ai pas eu la force.
Le lendemain, après une énième nuit blanche et douloureuse, je téléphone aux urgences de ma maternité pour demander conseil. Mais, prise de court par l’infirmière qui me répond d’un air débordé qu’ils ne reçoivent pas les patientes sans urgence, je raccrochais encore plus désœuvrée. Suivant mon instinct, j’ai réussi à décaler sous 24h mon premier rendez-vous de préparation à l’accouchement, me rassurant que sur place, je pourrai demander au corps médical un « médicament miracle » pour améliorer mon état.
28SA. Le jour J de mon rendez-vous, on contrôle, comme à chaque visite, ma tension et celle-ci oscille entre 17 et 18. La sage-femme me demande si je suis venue à pied et je confirme. En effet, l’effort augmente un peu la tension mais quelques minutes plus tard, rien n’avait changé. Elle appelle mon gynécologue qui est de garde ce jour-là aux urgences et, un test urinaire plus tard, il me demanda de le rejoindre. Les protéinuries et une tension à 19 confirment son diagnostic : pré-éclampsie.
Une quoi ? Alors que justement je prenais tous les soirs mon sachet d’Aspegic™ nourrisson. Certes, j’avais déjà vaguement entendu ce mot qui fâche mais 2 semaines plus tôt tout allait bien ! Ma grossesse était très suivie à cause de mon âge avancé et tous les résultats des deux côtés étaient bons. Mon gynécologue était étonné de la tournure que prenaient les choses, commençant à m’expliquer qu’il me gardait en observation pour la nuit afin de faire descendre la tension et surveiller mon bébé par monitoring, qu’on me posa d’ailleurs immédiatement. Et quelle joie d’entendre le cœur de mon fils battre au milieu de tant d’incompréhensions.
Pas de panique. J’appelle mon conjoint pour lui annoncer que je ne rentre pas tout de suite et lui demander s’il peut me ramener un petit sac avec des affaires pour la nuit. Entre temps, les résultats de ma prise de sang tombent ! « Madame, le SAMU vient vous chercher dans l’heure pour vous emmener à la maternité de Port Royal (niveau III). Vous avez de grandes chances d’accoucher ce soir ».
« Mais non ! Mon compagnon arrive et j’ai confiance en vous, Docteur ». Hélas, il ne pouvait me garder ici car la maternité n’était pas équipée pour accueillir un grand prématuré. Un quoi ? Deuxième mot qui fâche. Le futur papa entre à ce moment-là et je lui annonce, la gorge nouée, que je vais sûrement accoucher ce soir, mais pas ici, dans quelques heures à Port Royal, que le bébé va bien mais pas moi…mais ça va aller car je suis de nature optimiste.
On me fait une première injection de corticoïdes pour la maturation des poumons de mon fils, puis je pars, seule, dans la nuit, en civière, à 100 à l’heure aux côtés du SAMU. Direction Port Royal. J’ai cru que j’allais accoucher dans le camion tellement celui-ci roulait vite…jouant ainsi la carte de l’humour à bord. Je n’avais jamais été transportée en urgence. C’est alors que je prenais conscience de la gravité de la situation…car il a fallu à peine 10 minutes pour rejoindre le 14ème depuis le 12ème.
Finalement je n’ai pas accouché le soir même de mon arrivée mais 8 jours plus tard. 8 jours à espérer rentrer chez moi avec mon bébé bien au chaud dans mon ventre, 8 jours sous surveillance médicale avec monitoring, tensiomètre et tests urinaires plusieurs fois par jour. J’étais à peine à 6 mois de grossesse. Ces rendez-vous rythmaient mes journées et mes nuits et me rassuraient sur ma prise en charge au sein des quatre murs monotones de ma chambre d’hôpital, la dernière échographie de mon fils accrochée près de mon lit avec une paire de chaussons de naissance… Car oui, je savais que malgré tout, il me serait difficile d’atteindre mon terme.
Mais le plus dur était les nuits car les infirmières venaient me voir entre minuit et 1h00 puis 5h00 et 7h00. Le réveil de 5h00 piquait puisque c’était le rendez-vous de ma prise de sang quotidienne. Tout était ainsi sous contrôle. La tension ne descendait pas vraiment mais était stabilisée par quatre médicaments (le maximum donné pour la tension). Mon bébé allait bien malgré un léger retard de croissance. On gagnait du temps et chaque jour était une victoire supplémentaire.
29SA+1 : le 22 février 2023
Une journée qui avait débuté normalement. Une amie venue me voir l’après-midi et un pic de tension autour de 18. Je me souviens encore lui avoir dit que j’allais me faire gronder par les infirmières si celle-ci ne descendait pas. Mais après deux soirées passées aux urgences peu de temps avant, je préférais me convaincre qu’on allait encore me donner un bon shot par intraveineuse et tout irait bien. Mais cette fois, mon fils montrait au monitoring une souffrance fœtale et malgré le énième shot administré, ma tension ne baissait pas.
Code rouge : césarienne en urgence, direction le bloc opératoire où, nombreux, ils m’expliquent, me rassurent, mais j’ai du mal à entendre toutes ces voix qui me parlent en même temps… On me pose la rachianesthésie, on me place un « rideau bleu » devant mon visage, et mon conjoint prévenu 1/2h plus tôt par téléphone, arrive. À peine 3 minutes plus tard, notre bébé poids plume poussa son premier cri à 19h13.
Comme « il allait bien », j’ai pu le voir quelques secondes dans les bras d’une autre, car je n’avais pas le droit de le prendre contre moi. Trop fragile, trop petit…trop prématuré. Mon conjoint a suivi notre petit warrior jusqu’à la salle des premiers soins pour nouveau-nés pendant qu’on terminait de me recoudre. Puis jusqu’à sa nouvelle chambre en réanimation néonatale où il restera en couveuse puis en lit chauffant pendant trois semaines avant d’être transféré dans un autre hôpital.
Après plus de 4h en salle réveil, je suis remontée dans ma chambre située dans le service grossesses pathologiques. Je ne pouvais pas être admise comme les autres mamans dans une chambre en maternité avec mon bébé à mes côtés… Je n’ai pu aller voir mon fils que 24h plus tard. Ce petit être qui pesait à peine plus d’1kg dormait paisiblement dans sa couveuse, recouverte d’un linge pour le protéger de la lumière et du bruit des machines qui le reliaient à la vie. Il ne respirait pas seul et était alimenté par une sonde. Plusieurs capteurs le maintenaient sous surveillance médicale. Mais il allait bien et n’avait pas été réanimé. Il devait juste terminer sa croissance en dehors de mon ventre. C’est ainsi qu’il passa 100 jours au total à l’hôpital.
De mon côté, je suis sortie 6 jours après mon accouchement, soit 13 jours après mon hospitalisation, avec un seul médicament pour la tension – contre 4 à l’hôpital – que j’ai stoppé 6 mois plus tard. Aujourd’hui mon fils a deux âges : l’âge corrigé qui correspond à la date de mon terme initial et l’âge réel de sa naissance. Le 22 octobre, il a eu 8 mois et pèse désormais 8kg. Il est en pleine forme malgré une petite dysplasie bronchopulmonaire liée au fait d’avoir gardé l’oxygène trop longtemps. »