Pré-éclampsie : Mettre mon corps à si rudes épreuves

Découvrez le témoignage de Morgane qui a eu une pré-éclampsie précoce et sévère. Morgane vient de donner naissance à son 2ème garçon à un terme plus avancé malgré une pré-éclampsie et un diagnostic de maladie auto-immune. Plein de bonheur à la jolie famille.

« Je suis Morgane, j’ai aujourd’hui 38 ans et je fais de l’hypertension artérielle chronique depuis l’âge de 16 ans.

En 2020, pendant le confinement, avec mon amoureux, nous avons tous les deux 35 ans et décidons d’avoir un enfant. Nous avons la chance que je tombe enceinte dès le premier cycle ! Bonheur ! On se dit qu’un suivi peu médicalisé conviendrait parfaitement, c’est-à-dire médecin généraliste + sage-femme + les 3 échos obligatoires. À aucun moment, mon hypertension ne m’inquiète, mon médecin modifie simplement mon traitement pour que celui-ci soit adapté à la grossesse.

Les 5 premiers mois se passent très bien, je suis dans une forme olympique, juste fatiguée par mon travail saisonnier donc intense et physique. J’ai mes premiers rendez-vous avec ma sage-femme qui prend donc connaissance de mon HTA chronique et connue, elle insiste sur le fait qu’il faut que je sois suivie par un obstétricien et/ou cardiologue. J’entends, tente quelques démarches en vain (pas de dispos) et mon généraliste ne s’alarme pas, ce qui m’arrange, soyons honnête… Les vacances arrivent, nous partons dans le Sud mais je ne supporte pas du tout la chaleur. Je suis à 22/23 SA, mes jambes et mon visage gonflent, je suis essoufflée, épuisée, et maux de tête à répétition…

On rentre, je prends rdv avec le généraliste de famille (le médecin traitant étant absent) qui me connaît et m’envoie aussitôt aux urgences et me prend un rdv avec un obstétricien du CH en urgence qui, lui-même, appelle un cardiologue spécialisé grossesse/hypertension. Tout va très vite (en 2 semaines). L’équipe nous explique les risques. Nous avons du mal à comprendre, c’est trop soudain. Ce sont finalement les mots du cardiologue qui font le plus écho. Nous comprenons que la grossesse peut s’arrêter à tout moment pour me sauver. En parallèle, nous constatons un RCIU pour notre bébé…

Une semaine après notre entretien avec le cardiologue, je suis à 27 SA, un samedi soir chez nos amis, des maux de tête violents arrivent, je me sens mal, et une barre se manifeste sous la poitrine. Nous partons calmement mais rapidement. L’hôpital est 5 minutes de là, le tensiomètre qui était dans la voiture depuis une semaine s’emballe et affiche un 230/120 ou quelque chose du genre. Je suis immédiatement prise en charge aux urgences. Ça ne loupe pas, je fais une pré-éclampsie. Mes récents passages à l’hôpital ont été salvateurs car un dossier existait sur mon cas. Nous devons être transférés dans un hôpital de type III. Nous demandons : « On part quand ? Demain ? Ou on attend lundi ? » Réponse de la gynécologue : « Ah non, vous partez dans 15 min, vous allez accoucher cette nuit… » Douche froide. Nous sommes envahis par la panique, la peur, l’incompréhension, l’impuissance. Avant le départ, je reçois une première injection de corticoïdes pour maturer les poumons du bébé. Nous arrivons une heure après à l’hôpital de Saint Brieuc. L’équipe réussit à me stabiliser. Je n’accoucherai pas cette nuit-là.

Le lendemain, on nous organise une visite de la néonatalogie. Nous rencontrons plusieurs professionnels qui nous expliquent et nous préparent en douceur à la (très grande) prématurité. Nous commençons à mieux comprendre. Et nous comprenons qu’il va falloir que nous soyons soudés, endurants, bienveillants et attentifs l’un envers l’autre, et dans la communication. Nous avons également la chance d’être accompagnés par une psychologue.

Mercredi 7 octobre, 20h30. Je suis à 27+5 SA. Après le dîner, mon état se détériore en quelques minutes : pré-éclampsie sévère. La gynécologue de garde arrive dans la chambre, me prend les mains et les sert tendrement. Elle se penche à mon oreille et me murmure qu’il est temps de rencontrer notre bébé, que tout va bien se passer. Avec le futur papa, nous pleurons en silence, d’inquiétude et de joie. Nous sommes perdus et nous nous laissons donc guider par l’incroyable équipe. Césarienne code rouge. Ils nous expliquent dans les moindres détails les événements qui vont suivre. Tout était exact sauf une chose : nous avons entendu notre bébé crier 3 fois pour notre plus grand bonheur alors que ce n’était pas prévu au programme ! 22h35 : Briac est né, il pèse 845g. Il est immédiatement pris en charge et part avec son papa. On me dirige vers la salle de réveil assortie d’une importante surveillance. Mon état s’améliore et se stabilise. Je rencontre notre fils le lendemain. Les souvenirs sont un peu flous, il est tellement petit dans sa couveuse, branché de partout, son papa qui s’en occupe tellement bien. J’observe. Je ferais notre premier peau-à-peau le lendemain, environ 36h après l’accouchement. C’est là que tout déraille.

Briac contre ma poitrine, je me sens très mal, je ressens les douleurs de la pré-éclampsie x10. Cette barre épigastrique me coupe le corps en deux, je n’arrive plus à respirer. Je me décide enfin à appuyer sur le bouton rouge (j’ai attendu 15-20 minutes, ne voulant pas déranger mon bébé). Il était temps, j’étais heureusement allongée quand j’ai perdu connaissance et le personnel médical a pu s’occuper de notre fils (son papa était parti le déclarer à la mairie). Je suis transférée dans un autre service. Ce sera la seule fois où nous percevrons de l’inquiétude et de l’agitation de la part des médecins, nombreux dans cette petite pièce. Verdict : HELLP SYNDROME. Ce serait a priori le foie qui serait atteint. Écho en urgence : bonne nouvelle, aucun hématome ne s’est formé autour du foie. Je pars ensuite en réanimation puis soins intensifs pendant presque 4 jours. Lit anti-escarres, sonde urinaire, nourrie, lavée par le personnel. Je peine à retrouver des forces, les plaquettes ne remontent pas du tout. Les médecins paraissent inquiets.

Pendant ce temps-là, en néonat, mon amoureux devient recordman du peau-à-peau, et s’occupe merveilleusement bien de notre bébé. Les puéricultrices mettent tout en place pour soutenir notre combat. Elles m’amènent des photos de mes hommes pour stimuler ma lactation et créer le lien. Elle « forment » les infirmiers/-ères au tire-lait que je suis incapable d’utiliser moi-même. Tout le monde prend la mission à cœur. Les photos sont accrochées partout, on me détend par des massages, un peu de musique douce, ils me mettent en place les téterelles du tire-lait. Et quelques heures plus tard, la magie opère, le lait arrive. Va alors débuter de nombreux allers-retours de glacières ! Sans toutes ces personnes, je n’aurais jamais eu le bonheur d’allaiter notre fils pendant 9 mois… Quatre jours plus tard, mes plaquettes remontent, je retourne à la maternité. Mon pronostic vital n’est plus engagé. Et je rencontre vraiment mon petit bébé, la vraie rencontre. Cette inoubliable sensation de son minuscule corps contre mon torse, je « reconnais » mon bébé, quelque chose nous traverse, et je l’aime inconditionnellement… Je sais que son papa a compris ce moment en nous regardant. Nous étions tellement vulnérables à cet instant, et c’est pourtant là que notre trio, notre noyau familial est né, accompagné d’une grande force, et beaucoup d’amour. Sans oublier la présence discrète mais imperturbable de cette merveilleuse équipe médicale.

C’est un autre combat qui nous attend, le marathon de la prématurité, la poursuite de la grossesse à l’extérieur de mon ventre. Les montagnes russes émotionnelles. Le parcours de Briac a été long mais sans complications. 7 semaines en réanimation, 4 semaines en soins intensifs, 2 semaines en chambre kangourou. Puis 3 semaines en néonat dans l’hôpital près de notre domicile puis 3 semaines de HAD (hospitalisation à domicile). L’autonomie respiratoire et alimentaire a été tardive mais réussie. Nous devons surveiller la croissance de Briac qui évolue doucement mais sûrement. Nous sommes suivis régulièrement par le Camsp qui espace les rendez-vous et les suspend au bout d’un an et demi car notre petit garçon va très bien ! À 2 ans et demi, il développe des troubles de l’oralité alimentaire. Il arrive qu’il ne mange qu’un yaourt et un biscuit par jour. Nous sommes évidemment très inquiets et surtout démunis… Le Camsp nous trouve une super orthophoniste qui, en deux mois, améliore considérablement son rapport à l’alimentation. Il accepte de goûter d’autres aliments, il est toujours un peu difficile mais mange comme un ogre. 

Il vient d’avoir 3 ans et est rentré en petite section. Tout se passe bien, il a déjà énormément progressé dans le langage, l’autonomie, la sociabilité. Avec un peu de recul, nous trouvons notre histoire merveilleuse, et nous sommes immensément fiers de notre Briac. Et de nous aussi. 

Je voulais écrire notre histoire, d’une part parce que je n’ai jamais eu l’occasion de partager le parcours d’une femme HTA chronique, ce que j’aurais souhaité afin d’anticiper et de me garantir un meilleur suivi. Cela aurait sûrement éviter de mettre mon corps à si rudes épreuves et d’imposer ce parcours long et douloureux à notre bébé. D’autre part, parce que son papa et moi sommes infiniment reconnaissants de l’accompagnement, la bienveillance, l’humanité, la patience et la compétence du personnel médical. Quels que soient la fonction, le service, l’hôpital, chaque personne qui a participé à notre parcours, tout ceci a apporté sa pierre à l’édifice. Que ce soit médicalement mais aussi pour nous aider à devenir de (bons ?) parents, nous préserver psychologiquement, nous donner une confiance presque inébranlable en la vie. 

Enfin, nous remercions le système médical français. Nous n’oublierons jamais que notre survie à Briac et moi-même a coûté des dizaines de milliers d’euros et pourtant nous n’avons jamais été inquiétés de cet aspect financier. Sur certains continents, nous aurions été endettés à vie, sur d’autres, nous n’aurions sûrement pas survécu…  Alors merci ! »

Partagez cet article !

Laisser un commentaire