Maëva, auxiliaire de puéricultrice partage aujourd’hui son témoignage sur sa pré-éclampsie apparue lors de sa 2ème grossesse (grossesse gémellaire) combinée avec un HELLP syndrome. Comme de trop nombreuses mamans, elle met l’accent sur le manque d’informations à la maternité et la méconnaissance de la pré-éclampsie et ses complications par les mamans. Maëva montre aussi les bénéfices de parler de son expérience aussi traumatisante psychologiquement, de se faire aider dans ce domaine et de trouver du soutien auprès de femmes ayant vécu ce type de complications de grossesse. Nous espérons que le fait d’avoir partagé votre témoignage avec nous, vous aura aussi aider à trouver plus de sérénité.
« Je m’appelle Maëva, je suis là maman de Thaïs, un jeune garçon qui aura bientôt 6 ans et d’Elyna et Nélya, des jumelles de 23 mois.
J’ai fait un HELLP syndrome au moment de la naissance de mes filles.
Pour mon fils aîné ma grossesse s’était plutôt bien passée, j’ai eu des petites complications au moment de l’accouchement mais rien de bien grave et aucun rapport avec la pré-éclampsie.
Quand avec mon compagnon nous avons décidé de lancer le 2ème bébé, nous étions en projet maison, je suis tombée enceinte deux mois après notre emménagement, soit au bout de 15 mois. Lorsque la sage-femme nous a annoncé qu’il y avait deux bébés, nous nous sommes regardés et nous étions bouleversés mais heureux.
J’ai dû être suivie par un gynécologue, car qui dit grossesse gémellaire dit grossesse plus à risques. Dès le 1er trimestre, j’ai fait du diabète gestationnel, j’ai rencontré les professionnels qu’il fallait, je surveillais mes taux, et je gérais très bien, je faisais en même temps de l’hyperthyroïdie sans nécessité de traitement, par contre du repos, du repos, j’ai été arrêtée tout de suite.
Aucun professionnel ne m’a expliqué que je cumulais des facteurs à risques pour la pré-éclampsie : grossesse gémellaire, diabète gestationnel, hypertension dans ma famille. Cela dit durant toute ma grossesse ma tension et ma protéinurie étaient normales. Mes filles n’étaient pas des gros bébés. L’une grossissait plus difficilement, mais mon gynécologue ne s’alarmait pas, il n’y avait pas de cassure dans sa courbe, il fallait que je me repose un maximum pour favoriser les échanges maman-bébés.
Accouchement prévu fin août, il fait très chaud cet été, je commence à faire de la rétention d’eau, je prends plus rapidement du poids, je suis migraineuse de base et avec tout ça j’enchaîne les maux de tête.
Un soir j’angoisse, je peine à respirer, c’est la première fois que ça m’arrive, je suis fatiguée, j’ai mal à la tête, quelque chose ne va pas, j’appelle la maternité, c’est une première pour moi, j’ai peur de passer pour une cruche, la personne me demande si j’ai la sensation de voir des mouches voler, ça n’est pas le cas, elle me dit qu’avec la canicule, la fatigue, la fin de grossesse, c’est normal, mais je peux quand même venir si je veux, cela dit c’est sûrement rien d’inquiétant. Je n’irai pas, j’ai pris l’air dans mon jardin, j’ai réussi à me calmer puis à m’endormir.
Quelques jours plus tard, le 12 août, mon ventre me pèse énormément, j’ai la sensation d’avoir du mal à respirer pleinement, ça ne va pas tarder à arriver. Le soir venu, je n’arrive pas à dormir, j’ai le sentiment que mes filles me broient les côtes, je m’entoure de coussins, d’oreillers, je change 1000 fois de position, rien à faire, rien ne me soulage. Je m’endors par épisode, réveillée par cette gêne, je pousse sur mon ventre, elles vont finir par me casser les côtes. Au petit matin, la poche des eaux se rompt. Je réveille mon compagnon. Nous déposons mon fils chez ma belle-sœur puis direction la maternité.
J’explique la situation, tension un peu plus haute que d’habitude 13/8, on dira que c’est l’émotion, on me demande de faire recueil d’urines pour la protéinurie mais aucune goutte de pipi ne veut sortir donc pas de test. On m’installe en salle de naissance, je suis à 4cm, je commence à avoir vraiment très mal, à ce moment-là je pense que ce ne sont que les contractions mais avec le recul, j’avais cette fameuse barre épigastrique.
La péridurale me soulage, je suis à dilatation complète, le bloc est prêt.
Je donnerai naissance à Elyna à 15h01 suivie de Nélya à 15h04, grand moment de fierté, j’ai poussé comme une chef, j’ai pu les voir quelques secondes, elles vont bien.
Les choses se sont gâtées pour moi après la sortie de mes filles et de mon conjoint du bloc. J’ai fait une hémorragie. Massage utérin, révision utérine, injection en intraveineuse d’un produit pendant 6h pour dilater mes vaisseaux afin de stopper l’hémorragie. Parallèlement ma tension augmentait de plus en plus jusqu’à atteindre 19/11, j’avais de la fièvre et le teint jaune. La peur s’installe de plus dans le regard de mon compagnon, je le vois, je suis terrorisée, et incapable de parler. J’ai l’impression que l’équipe médicale n’est pas aussi inquiète que nous. On me conseille de me reposer, mes filles sont prises en charge, mais impossible de dormir. Si je ferme les yeux, pour moi c’est fini, et je ne peux pas abandonner mes enfants, je ne peux pas ne pas les voir grandir. Après avoir alerté l’équipe médicale que je me sentais très mal, un médecin m’a injecté en intraveineuse un anti-hypertenseur, que je garderai plusieurs jours. Le médicament fait effet, ma tension redescend autour de 15/9. Après des heures passées en salle de naissance, on nous a montées en chambre, avec mes filles et mon compagnon. Pour me rassurer, je me suis dit que c’était signe que je n’étais plus en danger.
Malgré tout cette nuit-là, j’ai à peine réussi à dormir, réveillée par les sursauts que je faisais en m’endormant, car dormir c’est accepter de perdre le contrôle. Le lendemain le choc quand je me suis vue en photo. J’étais gonflée de partout, et encore bien jaune. J’arrivais tout juste à donner les biberons assise dans mon lit, plus de force, sondée, et perfusée, c’est dans cet état qu’une soignante est venue m’annoncer qu’on allait m’emmener en fauteuil roulant passer une échographie du foie et des reins, pour vérifier qu’il n’y ait pas de dégâts. Rassurant ! Quand l’heure fût venu, le temps m’a semblé très long avant que l’échographe me dise qu’il ne voyait rien d’inquiétant et pendant ce temps j’ai loupé la première rencontre de mon fils aîné avec ses petites sœurs. J’ai eu des bilans sanguins et urinaires très réguliers car mes résultats n’étaient pas bons.
Une gynécologue est entrée dans notre chambre le 3ème jour pour m’annoncer que j’avais fait un HELLP syndrome. Je sortais de la douche, je commençais à me sentir mieux, à retrouver des forces, et là le temps s’arrête. Elle ne prend pas le temps de m’expliquer de façon humaine ce qu’il s’est passé, pour moi c’est un charabia médical, heureusement ou malheureusement ces mots me font écho. Je suis auxiliaire de puéricultrice et durant ma formation nous avions abordé la grossesse et quelques-unes des complications rencontrées dont la pré-éclampsie.
Le soir quand la nuit tombe j’angoisse. La gynécologue me dit que je vais mieux, que les choses rentrent dans l’ordre pour moi mais que je dois me préserver car il y arrive qu’il y ait des rechutes. J’ai peur, suis-je encore en danger ? Je veux rentrer chez moi, retrouver mon fils, ma maison, ma chambre, mon lit avec mon homme à mes côtés.
Je sortirai à J7, une semaine après mon accouchement, sans savoir ce qui c’était véritablement passé à mon accouchement, car la sage-femme qui a préparé ma sortie m’a dit avoir lu mon dossier, et qu’il n’était pas mentionné que j’avais fait un HELLP syndrome encore moins une pré-éclampsie, juste une tension un peu élevée. Incompréhension totale, qui croire ? Je suis perdue, angoissée, en colère. Suite à différents avis médicaux, et différentes procédures, le chef de service de l’hôpital où j’ai accouché m’a confirmé que j’avais bien fait un HELLP syndrome, il s’est excusé de l’incompréhension qu’il y a pu avoir.
Mon histoire est très longue, et tout ce flou, ce non-dit a largement contribué aux répercussions psychologiques que je vis maintenant.
J’ai la chance d’avoir été au bon endroit au bon moment, que mes filles soient nées en bonne santé, de ne pas avoir eu de séquelles physiques, malheureusement sur le plan émotionnel, ça m’a traumatisée.
J’ai essayé différentes choses pour m’aider à aller mieux, quelques séances d’EMDR m’ont permis de digérer un peu mon accouchement, la psychologue que j’ai rencontré m’a fait faire de la cohérence cardiaque que je ne pratique que trop rarement, mais je vais vraiment tâcher de m’y mettre.
J’ai rencontré d’autres femmes, d’autres mamans qui ont fait un HELLP syndrome et ça m’a fait un bien fou de réaliser que je n’étais pas seule, d’échanger sur nos histoires, nos connaissances sur le sujet,…
Et effectivement à partir de ce moment-là, je me suis dit que je devais en parler, pour me libérer, pour accepter ce qu’il s’était passé, pour avancer.
Donc, à qui veut entendre mon histoire, je la raconte, et dans 99,9% des cas quand je dis que j’ai fait un HELLP syndrome, on me dit un quoi ?? Connaît pas ?? »