Sandrine sentait bien que quelque chose n’allait pas mais elle n’a pas été assez écoutée et on lui a dit à plusieurs reprises de consulter un psychologue… Elle est retournée malgré tout aux urgences, ce qui leur a sauvé la vie à elle et sa fille alors qu’elle faisait une pré-éclampsie très précoce à 6 mois de grossesse.
« Avec mon mari, nous avions pris la décision de vouloir un enfant, comme tous jeunes mariés. J’ai mis un an avant de tomber enceinte. J’ai fini par tomber enceinte quand nous venions d’apprendre que nous étions touchés par une épidémie et que nous allions subir le premier confinement. Mes pensées n’étaient plus vraiment dans l’attente d’un bébé jusqu’au jour où je me suis sentie très très fatiguée.
Effectivement, après un test, c’était positif et j’étais donc bien enceinte. Mais deux jours après j’ai eu des saignements et j’ai fait une fausse couche précoce. J’ai eu vraiment mal mais mon mari et moi avons continuer d’essayer sans nous prendre la tête.
Deux mois après, au mois de juin, même fatigue mais j’étais dans l’angoisse, la surprise et l’excitation. Malgré plusieurs symptômes, j’ai voulu attendre avant de faire un test. Première semaine de retard de règles, j’ai préféré attendre encore car j’ai des cycles différents et longs à chaque fois. Deuxième semaine de retard de règles, extrêmement fatiguée et des envies alimentaires particulières que je n’avais pas avant, mais j’avais peur de faire un test et de revivre la même déception en refaisant une fausse couche. Pourtant je le sentais. Avec mon mari, nous prenions nos précautions, j’évitais de trop bouger. Jusqu’à la troisième semaine. En plein après-midi au mois de juin, je me suis dit : « Maintenant c’est bon, va acheter un test ». À peine fait, la première barre apparaît et s’en suit illico presto la deuxième barre. Mon trésor est là ! Je m’occupe donc de prendre RDV avec une gynécologue.
Je faisais mon suivi à l’hôpital. Tout était normal. Mais arrivée à 5 mois de grossesse, j’ai commencé à avoir de violents maux de tête. J’ai même commencé à voir flou et du noir avec l’œil gauche. Mais malgré cela, je m’étais dit que peut-être c’était normal. Je m’étais rendue aux urgences trois fois car au 5ème mois de grossesse, plus le temps passait et moins je sentais bébé bouger alors que pour moi cela aurait dû être l’inverse. Mais à chaque échographie aux urgences, le bébé bougeait. On me disait que c’était normal et on me conseillait d’aller voir un psychologue si j’étais trop stressée. Je suis retournée aux urgences une fois de plus car je sentais à nouveau que mon bébé ne répondait plus aux petites stimulations comme avant et j’avais de gros problèmes pour respirer. Cela m’empêchait de dormir car ma respiration était coupée. Je me réveillais avec de violents maux de tête. Mes mains et poignets gonflaient petit à petit. Mais il n’y avait rien d’autre, pas d’hypertension, pas de protéinurie élevée. Pourtant les examens que je faisais en laboratoire montraient que les protéines augmentaient doucement mais l’hôpital me disait que cela ne voulait rien dire car les résultats ne sont pas pris en compte de la même manière selon leurs calculs…
Pour les échographies, tout était normal apparemment mais j’avais le droit à des regards de travers quand j’expliquais ce que je ressentais et on me laissait repartir en me disant d’aller consulter un psychologue de l’hôpital.
À 28SA, j’étais de plus en plus mal mais apparemment c’était « normal »… Le seul problème, c’était ma fille que je ne sentais plus du tout malgré tout ce que je faisais pour essayer de la stimuler en mangeant du chocolat ou un fruit par exemple. Pendant deux jours, elle ne réagissait vraiment pas et je commençais sérieusement à gonfler au niveau du bas du dos, des mains, des pieds. Je faisais beaucoup d’hypoglycémie malgré ce que je mangeais pour remonter mon taux de sucre et malgré cela je ne sentais toujours pas bébé réagir dans mon ventre et, moi aussi je me sentais mal. J’ai longuement hésité avant de retourner aux urgences, cela devenait même agaçant pour mon mari vu qu’à chaque fois on repartait avec des prospectus pour aller voir un psychologue. Mais cette fois-ci, je me suis dit qu’il valait mieux y aller encore une fois pour rien quitte à passer encore pour une jeune femme lourde.
J’arrive aux urgences. À 21h30, personne à ce moment-là donc direction toilettes pour le recueil d’urines et je suis ensuite emmenée dans le cabinet de la sage-femme. Tension à 17, j’avais pris 11kg en trois semaines. Ils m’ont donc gardée mais sans rien m’expliquer. Les sages-femmes m’ont installée dans le service grossesse pathologique. Je ne savais pas ce qui se passait. Mes jambes se sont mises à gonfler. L’infirmière m’a dit de me reposer et elle est repartie, me laissant la nuit sans être sous surveillance.
Le lendemain à 8h30, un interne est venu me poser des questions sur mes symptômes. La gynécologue est arrivée à 9h00 et a commencé à parler à la sage-femme. Je ne comprenais pas ce qui se passait. La sage-femme s’est assise à côté de moi sur le lit et m’a tenu la main pour me rassurer peut-être, mais les mots qu’elle a ensuite dits m’ont anéantie. « Nous devons sortir votre fille, elle est en danger et vous aussi ». J’ai dû appeler mon mari pour lui dire et qu’il vienne au plus vite. La sage-femme est restée auprès de moi car à ce moment-là, le monde venait de s’écrouler à mes pieds. La dernière phrase que j’ai dite était : « Vous ne pouvez pas sortir mon bébé, elle va mourir ».
Mon mari est arrivé, mort d’inquiétude. Il a sûrement pris des risques pour arriver aussi vite à l’hôpital. La sage-femme était toujours à mes côtés à me tenir la main. Elle et l’interne étaient devant la porte, restée ouverte, pour lui expliquer ce qui allait se passer. Cela a été très rapide. La gynécologue passait des coups de téléphone pour me faire descendre au bloc. Ils ont posé une dernière question à mon mari pour savoir s’il trouvait que mon visage avait gonflé. Il a répondu « oui ». La gynécologue nous avait expliqué qu’elle avait vu une femme mourir devant elle lors d’une éclampsie…donc il n’y avait plus de temps à perdre. Moi j’étais sans voix et j’avais l’impression de ne plus être dans mon corps.
Je me suis laissée guider par le personnel soignant sans un mot. Je suis restée dans une salle de travail où une autre gynécologue venait contrôler mon état. Honnêtement je me souviens d’à peu près tout mais j’étais à 10km de mon corps. Mon mari était à côté de moi mais j’avais l’impression qu’il était tout au fond de la pièce. Ils m’ont injecté les produits pour la maturation des poumons de bébé. Un médecin est venu me voir pour m’expliquer qu’il était le pédiatre de réanimation qui allait s’occuper de ma fille. Je le regardais, toujours sans voix. Je lui ai répondu : « D’accord, merci » comme s’il n’y avait plus d’espoir. J’étais vraiment abattue. Je suis emmenée au bloc car le cœur de bébé n’allait plus bien et mes examens n’étaient pas bons. Une fois au bloc, tout a été vite et assez traumatisant. Mais la chose dont je me souviens très bien c’est le petit cri de ma petite fille, d’un poids plume de 880g. Je n’ai pas pu la voir. Tout a été très vite mais je l’ai entendu.
Quand je suis remontée en chambre, après de longues heures, je me suis forcée à me lever doucement malgré la césarienne toute fraîche mais il fallait absolument que j’aille voir ma fille qui était au service de néonatalogie deux étages plus bas. J’avais tellement peur de la rencontrer. Je ne savais pas à quoi m’attendre d’un bébé né à 6 mois de grossesse. Quand on a soulevé la housse de son incubateur et que j’ai aperçu cette petite poupée si parfaite et petite, mon cœur s’est fendu et je suis tombée amoureuse d’elle immédiatement.
Je suis restée une semaine à l’hôpital près de ma fille et tout est revenu à la normale sauf pour les protéines et la tension pour lesquelles j’ai continué à être suivie. J’ai un traitement pour l’hypertension. Après cela s’en sont suivis un long parcours et des péripéties au service de néonatalogie pendant cinq mois. Je ne remercierai jamais assez tout le personnel du service.
Ma princesse, ma bataille, ma guerrière, tu grandis et je suis si fière de toi. Cela n’est qu’un souvenir très sombre mais c’est notre histoire. Je vous remercie d’avoir lu mon témoignage et je remercie l’association d’exister car avant que cela ne m’arrive, je ne connaissais rien de la pré-éclampsie. Grâce à vous, les choses vont bouger et vous avez tout mon soutien. »