Anne-Lise a vécu deux pré-éclampsies et la perte d’un bébé. Elle a pu bénéficier d’un bon suivi même si la pré-éclampsie a récidivé lors de la grossesse d’après.
« Je m’appelle Anne-Lise, j’ai 34 ans, je suis la maman de Léon 3 ans et demi, Louis bientôt 4 semaines, et mam’ange de Paul né sans vie à 20 semaines.
Nous sommes en juin 2019, quelques semaines après avoir décidé de construire notre famille, nous apprenons que je suis enceinte. C’est le premier bébé des deux côtés de nos familles, cette nouvelle nous réjouit et réjouit nos proches. Notre bébé est attendu pour fin février 2020.
Très rapidement je sens que quelque chose ne va pas. Une de mes meilleures amies et future marraine de notre bébé a le même terme que moi, je vois bien que je n’ai pas la même forme qu’elle.
Après ne pas avoir pris de poids pendant 5 mois, je prends 8kg en 15 jours.
Ma sage-femme pense à un diabète gestationnel. Le test s’avère positif.
Le soir du réveillon de Noël, je développe un zona, une infection à la suite d’un examen gynéco, j’ai depuis plusieurs semaines un fond de mal de tête quasi permanent. Je suis épuisée…
À 35SA ma tension augmente, Notre bébé est en siège, il n’y a pas beaucoup de liquide et mon ventre est très tendu, j’enchaîne les séances d’acupuncture, d’ostéopathe. Rien n’y fait ! Je suis effrayée à l’idée de faire une VME, mais je finis sur les conseils de ma sage-femme par tenter.
La VME est programmée le matin, à 36SA+6, mon cœur s’emballe, je vomis à plusieurs reprises, la gynécologue doit arrêter la manœuvre et bébé reprend aussitôt sa position. Elle nous dit qu’elle n’y arrivera pas, et nous repartons avec une date de césarienne programmée.
Lors de la VME la sage-femme m’informe que mes protéines, trois jours plus tôt, étaient un peu élevées et me demande de refaire un échantillon d’urines. J’oublie… Elle me rattrape dans le couloir pour que je le fasse.
L’après-midi même, au réveil de la sieste, je reçois un appel, on m’informe que je dois me rendre à la maternité. On est vendredi soir, je prends mon agenda et propose de venir lundi. Quand j’entends au bout du fil : c’est maintenant, on vous attend !
Je pars à pied, sans conjoint, ni valise… Je pense à un petit contrôle avant de rentrer chez moi.
Arrivée sur place, on me parle de la pré-éclampsie. Aussitôt je me souviens d’un RDV quelques semaines plus tôt où ma sage-femme m’en avait parlé. Je me souviens surtout le moment où elle m’explique que ça touche 2 à 5% des femmes et que c’est là que je décroche, je n’écoute plus, la conversation est un brouhaha car je me dis que 2 à 5% des femmes ce n’est rien, et surtout que ça ne sera pas moi…
On m’hospitalise dans la foulée, on me dit dans un premier temps que c’est pour 24h (on a réservé un restaurant le lendemain soir, dans le déni, je pense que je pourrais y aller…). Cinq minutes plus tard, c’est pour 48h (je pense toujours pouvoir aller au restaurant avec une autorisation de sortie…) et quand je monte en chambre, j’apprends que je resterai jusqu’à l’accouchement. Je passerai ma nuit à pleurer sans réaliser la gravité de la situation. À ce moment, je pleure d’épuisement, j’ai un sentiment d’acharnement et je me demande quand est-ce que tout ça va s’arrêter. Le tensiomètre et le monitoring m’accompagneront durant des heures.
Le lendemain matin, samedi 25 janvier 2020, le gynécologue de garde et la sage-femme entrent dans ma chambre et m’informent que notre santé est en jeu et que : « nous devons mettre un terme à la grossesse ». J’associe cette phrase aussitôt à une interruption médicale de grossesse, je pense qu’il n’y aura pas de bébé. Je suis seule, effondrée, jusqu’à ce que le gynécologue reprenne et me dise que je suis à 37SA, que bébé est sorti de la prématurité et ira bien.
À cet instant, je veux que notre bébé soit là, qu’il puisse être pris en charge si besoin. Je m’apaise en attendant l’arrivée du papa.
Notre petit Léon pousse son premier cri à 16h54, dans un bloc rempli d’une équipe rassurante et bienveillante. Il mesure 47,5cm et pèse 2,780kg. Malgré la situation c’est l’un des plus beaux moments de notre vie.
Alors qu’on pense que tout est terminé, je ferais un HELLP syndrome en post-partum. Mon foie est touché, mes plaquettes chutes puis remontent pour atteindre trois fois le taux requis, l’hypertension me suivra pendant 7 mois.
J’ai rencontré le néphrologue, fais les examens génétiques prescrits mais ils ne révèleront rien.
Octobre 2021, nous envisageons d’agrandir la famille. Comme convenu après mon accouchement, j’ai un rdv pré-conceptionnel où l’on m’explique la prise en charge par un gynécologue spécialisé en grossesse à risque, la prise d’aspirine, l’importance d’être suivie et d’accoucher dans une maternité de type III.
En novembre, je suis enceinte. La grossesse s’arrête spontanément début janvier.
En février, je suis de nouveau enceinte, notre petit Paul naîtra sans vie des suites d’une IMG à 20 semaines. S’en suivent plusieurs mois de deuil, d’acceptation et de reconstruction.
Le 25 novembre, je me surprends à être épuisée, à difficilement garder les yeux ouverts au retour de la pause déjeuner. Je décide de faire un test précoce et je découvre que je suis de nouveau enceinte.
Cette grossesse sera anxiogène, j’aurai énormément de mal à me rassurer, à relativiser, à croire que cette fois tout ira bien…
Je suis suivie par l’équipe du DAN (diagnostic anténatal), je bénéficie d’échographies supplémentaires, d’examens réguliers. Je me sens en sécurité. De 10SA à 36SA, je suis sous aspirine, et à compter de 32SA j’ai un monitoring et prise de tension chaque semaine, et protéinurie deux fois par semaine.
C’est le marathon des RDV, mais tout est rassurant. Je caresse l’espoir de vivre un accouchement « normal ».
Le 13 juillet 2023, monitoring parfait, tension parfaite, protéinurie correcte.
Le 14 juillet 2023, nous passons la journée et la soirée chez des amis. Mes pieds, mollets, doigts gonflent à vue d’œil, ils sont douloureux. Même après 3h dans une bassine d’eau avec des glaçons, je ne suis pas soulagée. Je n’ai pas mis mes bas et pense que c’est la cause. Pourtant sensibilisée aux symptômes, je ne pense pas à des œdèmes dus à une potentielle pré-éclampsie. Depuis le début, mes yeux sont rivés sur ma tension, ma protéinurie et j’occulte les autres symptômes.
Le 15 juillet, je vais au laboratoire faire ma protéinurie, je ne me sens pas de conduire et demande à mon conjoint de me déposer.
C’est l’après-midi que commence le remake de mon premier accouchement. Une nouvelle fois je suis réveillée de la sieste par un appel. On me demande de me rendre aux urgences gynéco. Ma protéinurie a augmenté, ma tension est haute, j’aurais un bilan hépatique à mon arrivée qui commence à être modifié.
Le gynécologue et la sage-femme entrent dans ma chambre et m’informent qu’on va partir au bloc. Je n’ai pas de réaction, ce qui les surprend, ils veulent donc m’expliquer la situation, ce qu’est la pré-éclampsie, les risques. Je les arrête… Je connais déjà trop bien ce qu’ils ont à me dire.
J’étais prête, c’était une fatalité pour moi. J’ai eu beau espérer que ça soit différent cette fois, je gardais dans un coin de ma tête qu’on pouvait revivre cette situation.
Notre petit Louis vient compléter notre famille le 15 juillet 2023 à 20h32, à 36SA+5. Il mesure 48cm et pèse 2,940kg, il est en pleine forme et sera pris en charge en unité kangourou pour une surveillance plus rapprochée du fait qu’il soit né avant 37SA.
De mon côté, la tension vacille un peu pendant une semaine, mais il n’y aura aucune complication grave.
Je suis la page de l’association depuis 2020, mais je souhaitais connaître la fin de notre histoire avant de témoigner.
Même si bien sûr j’aurais aimé un autre dénouement, je me sens chanceuse d’avoir été aussi bien suivie, accompagnée et prise en charge… Je suis certaine que c’est ce qui a permis d’éviter les complications lors de cette deuxième pré-éclampsie.
Merci, à l’équipe de la maternité de Cherbourg, à ma gynécologue, et ma sage-femme Manon.
Merci à l’association de nous rappeler régulièrement les symptômes qui doivent alerter. »