Angéline a eu une pré-éclampsie sévère à 31SA+5. Elle avait des œdèmes aux jambes, une douleur vive en haut de l’estomac (barre épigastrique). Comme beaucoup d’entre nous, elle a ressenti cette culpabilité de ne pas avoir réussi à garder bébé au chaud, et a décidé de se faire aider pour digérer cette épreuve de la prématurité.
« Je m’appelle Angéline, j’ai 30 ans et je suis l’heureuse maman d’un petit Charly né le 19 février 2022.
En août 2021, au bout d’un an et demi d’essai, mon test de grossesse est positif. Après un début de grossesse semé de quelques embûches, bébé est bien accroché et ma grossesse se poursuit normalement.
Le 10 février 2022, je vais chez ma sage-femme pour ma consultation mensuelle, ma tension est normale. Je lui indique que j’ai les jambes gonflées et que je dois porter les chaussettes de mon conjoint pour être moins serrée. Elle me répond que c’est normal. Elle me met en arrêt de travail car je suis trop fatiguée.
Des signes d’alerte
Une semaine plus tard, je fais ma prise de sang et mon analyse d’urines. Je reçois les résultats quelques heures plus tard, je vois que la protéinurie est un peu élevée mais je ne m’inquiète pas. Je ne sais pas du tout ce que c’est… J’en discute avec des amies et l’une d’elle me dit que je devrais peut-être appeler ma sage-femme quand même. Ce que je fais, je lui laisse un message vocal. Quand je raccroche, je m’aperçois qu’on a essayé de me joindre. J’écoute le message : c’est mon médecin généraliste qui me dit que le laboratoire l’a appelée, que mes résultats d’analyses ne sont pas bons. Vu qu’elle ne suit pas ma grossesse, elle me dit de voir avec ma sage-femme. Celle-ci me rappelle et me dit de passer chercher une ordonnance pour faire une protéinurie sur 24h dès le lendemain. Ma sage-femme ne semble pas inquiète, d’après elle si ma tension était bonne une semaine avant, il n’y a pas de raison que cela ait changé. Je lui fais confiance et repars donc avec mon ordonnance.
Mon médecin généraliste me rappelle pour prendre des nouvelles et me demande si ma sage-femme a pris ma tension, je lui réponds que non. Elle me demande de venir, elle veut m’examiner. Mon conjoint m’emmène, nous arrivons à son cabinet, elle prend ma tension : 18. On patiente un peu, elle reprend ma tension, un bras, puis l’autre, toujours au-dessus de 18. Elle trouve que mes jambes sont gonflées. Je lui dis que j’ai une douleur vive en haut de l’estomac. Elle me dit que je dois me rendre à la maternité.
Nous arrivons à l’hôpital, monitoring et échographie, bébé va bien. On prend ma tension en continu. Elle ne descend pas. Je refais des analyses d’urines. Au bout d’une ou deux heures de surveillance, on m’explique que je dois être hospitalisée (je suis à 31SA+5), on me parle de pré-éclampsie, on me fait une première injection pour aider à maturer les poumons de mon bébé.
La première nuit passe, je ne dors pas, je n’ai pas mal mais je ne vais pas bien. La journée suivante, on continue à m’examiner, analyse d’urines sur 24h, prise de sang, prise de tension, celle-ci ne baisse pas malgré les traitements. Je bois beaucoup d’eau mais je n’évacue presque rien, on me pèse, j’ai pris 6 kilos en une semaine ! Le soir, on m’injecte de nouveau ce produit pour les poumons de mon bébé.
Urgence vitale
La seconde nuit, plus rien ne va, je ne ressens pas de douleur, je ne saurai l’expliquer mais je vais très mal. J’appelle les infirmières, plusieurs fois, on finit par me transférer en salle de travail pour me surveiller de plus près. La prise de tension devient un enfer, j’ai mal à chaque fois que le brassard serre mon bras. Dans la salle d’à côté, une maman donne naissance à son enfant, je l’entends, je me sens seule, mes larmes coulent car je réalise que je ne vivrai pas ce moment. Vers 05h00, une sage-femme me fait un point d’acupuncture pour m’aider à dormir, on me ramène dans ma chambre, je tombe de fatigue, je n’avais pas fermé l’œil depuis deux jours. Une heure plus tard, je suis réveillée par une infirmière qui entre dans ma chambre pour enlever mon pot d’eau, elle me dit : »Vous êtes à jeun aujourd’hui ». S’en suit les médecins, qui entrent à leur tour. On m’explique que j’ai plusieurs organes en détresse, je dois appeler mon conjoint pour qu’il vienne, il faut interrompre ma grossesse car je fais une pré-éclampsie sévère. Je suis à 32SA.
À ce moment-là, tout s’enchaîne, je n’ai pas le temps de vraiment réaliser, on me prépare pour ma césarienne, je passe devant le miroir dans la salle de bain, je me regarde une dernière fois enceinte, je caresse mon ventre, je dois être forte pour mon bébé.
Me voilà dans cette salle d’opération, mon conjoint à côté de moi, les minutes sont longues. On finit par entendre le premier cri de notre enfant, on est soulagés. À peine le temps de le voir quelques instants, il est transféré en néonatalogie, mon conjoint part avec lui. Quant à moi, je suis transférée en salle de réveil.
Prématurité et sentiment de culpabilité
Charly a été hospitalisé un mois et demi. Personne n’est préparé à traverser cette épreuve. Voir son enfant si petit, si fragile, une sonde naso-gastrique pour l’alimenter, de l’oxygène, des perfusions, branché de partout. Les machines qui se mettent à sonner, les infirmières qui arrivent en courant pour stimuler notre bébé qui fait des apnées. La peur de le perdre à chaque instant, la culpabilité de ne pas avoir pu le garder dans mon ventre plus longtemps. Malgré tout, notre fils était en bonne santé, il se battait pour grandir, chaque jour on le voyait progresser et on était très fiers de lui. Cette épreuve nous a donné une immense leçon de vie.
Quant à moi, je suis restée 10 jours à l’hôpital, ma tension a eu du mal à se stabiliser, on m’a expliqué que j’étais en urgence vitale avant la naissance de mon fils et que je devais me laisser du temps pour aller mieux. Je suis finalement sortie avec un traitement contre l’hypertension, cinq Trandate™ et un Loxen™ par jour. Psychologiquement, j’ai eu beaucoup plus de mal à me remettre, j’ai énormément culpabilisé, je m’en suis voulue, j’estimais que c’était ma faute si mon fils devait traverser tout cela. Je pleurais chaque jour et j’allais de plus en plus mal. J’ai fini par prendre la décision d’aller voir une amie kinésiologue, qui m’a beaucoup apporté. Aujourd’hui je vais mieux, j’ai accepté ce qui s’est passé. Il restera toujours un manque au fond de moi, mais je suis reconnaissante que mon fils soit là et en bonne santé.
Je ne remercierai jamais assez mon médecin généraliste et toutes les équipes du CHRU qui ont su faire face à l’urgence et qui nous ont sauvés mon bébé et moi. Et également mon conjoint qui m’a soutenue psychologiquement et physiquement, même si c’était difficile pour lui aussi. »