Ambre a perdu son petit ange Inès, qui souffrait d’une maladie cardiaque et pour qui la prématurité due à une pré-éclampsie sévère a eu de graves conséquences. Elle a su se relever et mener une seconde grossesse, gémellaire cette fois avec récidive de pré-éclampsie mais prise en charge à temps.
« L’histoire d’Inès, c’est l’histoire d’une battante. D’une petite fille qui a un grand cœur, un cœur de lionne. Et il paraît qu’elle tient ça de sa mère.
Inès est l’enfant de l’amour. Très vite dans notre relation, nous avons parlé enfants. J’ai arrêté la pilule et Inès s’est tout de suite agrippée à moi. Au début, je vivais ma grossesse sur des charbons ardents. J’avais peur de ce maudit premier trimestre, j’avais peur de la prise de sang qui allait analyser les moindres chromosomes. Je voyais ces moments comme des étapes clés à passer. Puis, il y a eu l’écho de la 23ème semaine. Le silence du gynéco, les sourcils froncés et la sentence : elle a un problème au cœur. Se sont enchaînés ensuite le rdv précipité d’échographie cardio-morphologique et le diagnostic : elle a la maladie d’Ebstein. Elle touche 1% des enfants cardiaques, une rareté dont nous nous serions tellement passés. Puis, nous avons été pris en charge aux Cliniques Universitaires Saint Luc. A la question quant à savoir si nous envisagions une IMG, nous en avons posé une autre, celle de savoir si on pouvait la sauver. Oui, une opération existe. Oui, elle peut réussir, comme elle peut échouer. Nous avons alors décidé de lui donner toutes ses chances et de poursuivre vaille que vaille cette grossesse. Les mois d’après ont été ponctués de visites mensuelles et ensuite bimensuelles dans cet hôpital.
Moi, de mon côté, j’allais physiquement bien. Pas de diabète, pas de tension, tout allait bien. Je prenais soin de moi et de mon bébé. Puis, Vers la 34ème semaine, j’ai commencé à avoir mal au niveau de l’estomac. Une douleur qui me lançait dans le dos. Ce n’est que plus tard que j’ai appris que ce symptôme s’appelle une barre épigastrique, tout comme j’ai appris ce que sont la pré-éclampsie et le HELLP syndrome. J’ai traîné ma pré-éclampsie pendant une semaine. Tout d’abord, nous avons appelé le médecin de garde. Pour lui, j’avais des aigreurs d’estomac. Quelques jours plus tard, j’avais rendez-vous aux cliniques Saint Luc. J’ai expliqué que depuis des jours je ne savais pas manger correctement sans vomir, j’avais cette douleur qui me tordait pendant la nuit et je me sentais fébrile. Ils m’ont fait une analyse d’urines et de sang. Je suis repartie et ce sont les résultats qui sont tombés deux jours plus tard qui m’ont sauvé la vie. Ce même jour, ils m’ont fait un monitoring. La maladie d’Inès s’aggravait. Je suis rentrée chez moi complètement défaite. Durant cette nuit, les douleurs, très fortes, ont repris. J’avais la tête qui tournait, je vomissais, j’avais mal, si mal. J’ai dit cette phrase terrible à mon mari : « On est en train de mourir, mon ventre est un cercueil, il faut la sortir de là. » Je n’aurais jamais pu si bien dire. Rapidement, nous sommes partis à l’hôpital de proximité. Là, j’y ai vu la plus terrible des sages-femmes. Pour elle, j’exagérais, je faisais une crise d’anxiété et je devais me calmer car mon bébé ressentait tout ce que je ressentais. Elle ne m’a pas examinée et n’a pas appelé de gynécologue, j’ai gentiment été mise dehors. Le lendemain, mon état s’était encore aggravé. Je suis allée chez mon gynécologue en urgence et je suis revenue chez moi avec une armada de médicaments contre les aigreurs d’estomac et…des somnifères. Oui, des somnifères… !
Ce n’est que le vendredi matin, six jours après les premiers symptômes que nous avons enfin été pris en charge. Je me lève de cette nuit brumeuse causée par les somnifères que, oui, j’avais pris car j’étais au bout du rouleau et je ne réfléchissais plus, on faisait si confiance aux médecins. Je me lève et je vois six appels en absence de l’hôpital Saint Luc. Je les contacte et on me dit, sur un ton calme mais strict, de venir immédiatement, de dire mon nom à l’accueil du service maternité et que je suis attendue. Quand je suis arrivée, cela a pris à peine une demi-heure pour que je me retrouve en tenue d’opération avec 15 médecins autour de moi. Je faisais une pré-éclampsie avec HELLP syndrome. On a dû m’expliquer ce que cela était, et j’ai remarqué que tous les symptômes cités, je les avais sans cesse depuis 6 jours. J’allais être opérée en urgence et par anesthésie générale car je ne supporterai pas une anesthésie locale. Il fallait aller vite car j’étais loin, très loin. Je n’avais plus que 10 000 plaquettes, mon foie était en train de lâcher ainsi que mes globules rouges. Ma fille se débattait dans mon ventre, elle qui avait déjà son cœur si malade. Puis, les médecins pédiatriques sont arrivés. Ils nous ont dit qu’Inès pouvait ne pas survivre car on rajoutait une prématurité à ses poumons qui étaient déjà très compressés par son grand cœur. Mon mari allait peut-être devoir l’accompagner dans la mort pendant que je serai au bloc.
Nous sommes partis en salle d’opération. La gynécologue m’a demandé si j’étais prête, j’ai répondu que je n’avais pas le choix que de leur faire confiance. Je n’avais pas peur de mourir, j’avais peur exclusivement pour Inès. Avant d’être endormie, pendant qu’on me passait une poche de plaquettes pures avant de m’anesthésier et m’ouvrir, j’ai pensé si fort que si l’une d’entre nous devait y rester, je voulais que ce soit moi. Quand je suis revenue à moi, j’ai directement prononcé son nom. Elle avait respiré. Elle avait même hurlé avant d’être totalement sortie de mon ventre. Ma guerrière, mon héroïne, ma lionne. Puis, j’ai dit le prénom de mon mari. Il est arrivé avec une tête si fatiguée et si heureux que l’issue ne nous ait pas été fatale. Il a eu si peur de nous perdre toutes les deux.
Ma convalescence a été longue. Les médecins m’ont dit que je suis passée par la petite porte. J’ai dû faire de nombreux examens en hématologie et en néphrologie. J’ai dû surveiller ma tension, ma remontée de plaquettes, mon bien-être en général. Encore maintenant, je ne suis pas au top de ma forme.
Inès, quant à elle, est restée près de nous pendant deux semaines. Elle a été opérée mais son corps n’a pas supporté les suites de l’opération cardiaque. Le plan d’opération à la base était qu’elle devait naître par voie basse et être opérée dans les trois jours qui suivaient sa naissance. J’en suis arrivée à me dire que rien n’arrive pas hasard. Je n’ai aucuns antécédents familiaux, pas de diabète, pas de problème de tension. Rien ne laissait présager l’issue de cette grossesse. Néanmoins, cette maladie m’a permis de passer quinze jours auprès de cette merveilleuse personne qu’est Inès, une petite fille qui donnerait du courage à n’importe qui et qui s’est battue pour passer du temps auprès de nous.
Au moment du témoignage, j’étais bien au fait que ma grossesse suivante serait très surveillée. Tout d’abord, en matière de maladie cardiaque, mais aussi en tant que grossesse à risque. Je savais qu’un traitement serait d’application ainsi qu’une surveillance accrue de ma tension. Néanmoins, je restais positive. La maternité m’avait donné deux gifles et envoyée au tapis. Je m’étais relevée, et je n’allais pas me laisser faire. C’est mon caractère, celui que j’ai donné à ma fille. Je comptais bien me réconcilier avec la maternité et je savais que cela se passerait bien car, là, tout près de moi, une âme splendide veille sur nous.
Depuis, j’ai eu des jumeaux qui ont 5 mois aujourd’hui. J’ai de nouveau eu une pré-éclampsie malgré la prise d’aspirine mais heureusement prise en charge à temps cette fois-ci. J’ai accouché à 35SA+6 (j’insiste sur le +6 😉). Les premiers symptômes se sont manifestés avant. J’ai fait des aller-retours à l’hôpital, moult prises de sang et j’ai fini hospitalisée sous surveillance. Quand j’ai commencé à avoir la barre épigastrique, on les a directement sortis. J’ai fait ensuite une grosse hémorragie, j’ai dû être transfusée et ils m’ont gardée une semaine à l’hôpital. Finalement, tout se termine bien avec mes deux bébés en bonne santé et moi qui m’en suis sortie, avec beaucoup de repos pour m’en remettre. »