Pré-éclampsie sévère sans aucun signe

Diane connaît bien la pré-éclampsie en tant que sage-femme, mais celle qu’elle a eue est passée pourtant inaperçue. Elle a cependant eu une bonne intuition. Tout s’est accéléré en peu de temps sans réel signe précurseur et compliqué par un HELLP syndrome. Elle nous parle également de dépression post-partum et de ses craintes quant à une future grossesse.

« Je voudrai témoigner de mon histoire car même en tant que professionnelle, cette pathologie est passée inaperçue.

Je m’appelle Diane, je suis sage-femme depuis 12 ans. Je tombe enceinte en décembre 2021 et l’apprends en janvier 2022, le jour de l’anniversaire de nos 1 an avec mon conjoint. Quelle joie ! Ma grossesse se passe au mieux, mis à part un petit décollement au 1er trimestre (vu à l’échographie mais sans aucun symptôme) et une infection au Covid dans la foulée. Je suis arrêtée assez tôt car les nausées me mettent à plat et je subis les gardes de 12h et principalement les nuits… Je continue la danse jusqu’à 6 mois et demi de grossesse, mais il est temps que l’année se termine car la fatigue commence à se faire sentir !

Rien d’anormal

Nous sommes en juillet 2022, la canicule est bien là ! Les nausées refont surface, je vomis de temps en temps (moi qui ne vomis jamais !). Je fais quand même contrôler ma tension un lendemain de vomissement : 10/6, c’est parfait. Pendant la grossesse, il vaut mieux avoir une tension basse que haute ! Mi-juillet, écho T3 : petit bébé mais doppler normaux et nous ne sommes pas de gros gabarits avec son papa ! Fin juillet, je revois ma collègue sage-femme : une première tension élevée (comme à chaque RDV, mais la seconde est toujours parfaite !). La protéinurie est très basse, parfait ! Dernier RDV avant la dernière ligne droite : le 4 août ! Idem pour la tension, tout va pour le mieux à part la chaleur qui me fatigue ! Je prévois de faire mon dernier bilan (protéinurie et bilan anesthésie) le 11. La protéinurie est toujours très basse, les plaquettes ont baissé mais sont toujours dans les normes.

Parce que je trouve que ce dernier mois « lâchée » dans la nature sans surveillance n’est pas très sécure (à ce moment-là je pense vraiment à de la tension qui pourrait survenir ce dernier mois), je programme un rdv supplémentaire le 31 août avec ma collègue pour « vérifier mon col » (car j’ai pour projet d’essayer d’accoucher sans péridurale…).

Dernier mois

Ce jour-là, tout va bien, nous sommes à 39SA+3, j’ai pris 6,7kg depuis le début de la grossesse. J’ai peut-être les pieds qui gonflent un chouillat depuis 2-3 jours mais il n’y a que moi qui le remarque car je connais mon corps, je fais bien rire mes collègues qui ne voient effectivement rien à l’œil nu ! Et en pleine canicule, rien d’alarmant ! Première tension, comme d’habitude élevée, mais cette fois-ci les suivantes le sont tout autant… Mince ! Direction la maternité pour faire un monitoring, dinamap et bilan. Les tensions ne sont pas catastrophiques mais au-dessus de la norme. En attendant les résultats de mon bilan, je rentre à la maison avec un anti-hypertenseur mais le gynéco aimerait que j’accouche dans les 4-5 jours. Il parle de déclenchement dans 48h (le vendredi). Je contacte donc une sage-femme acupunctrice pour tout tenter afin que le travail se mette en route le plus naturellement possible avant vendredi.

Plus tard dans l’après-midi, les résultats tombent : la protéinurie est positive, les plaquettes sont à la limite et l’acide urique a flambé : je fais une pré-éclampsie ! Je communique les résultats au gynéco qui me conseille de venir faire contrôler ma tenson le lendemain, en attendant de revenir le vendredi pour le probable déclenchement et me conseille le repos ++.

Ma collègue sage-femme me donne donc RDV à la maternité le lendemain à 10h00 pour un « simple contrôle » (c’est ce que je pense à ce moment-là !). Jeudi matin donc, je me lève. Jusqu’ici tout va bien, je passe un coup de téléphone à ma maman. À 9h30, toujours en pyjama à la table du petit-déjeuner, je me rends compte que je vais finir par être en retard et j’avale d’une traite mon bol de tisane de framboisier pour aider à la mise en route du travail ! Et là, une douleur à l’estomac se manifeste. Mais je ne m’inquiète pas : deux jours plus tôt, j’ai également vite avalé une tasse de tisane qui m’a donné envie de vomir, j’ai vomi et tout est rentré dans l’ordre ! Mais cette fois, devant prendre la voiture pour me rendre à mon RDV, il ne va pas falloir que je vomisse donc je me retiens.

Tout s’accélère…

Arrivée à la maternité (je suis venue sans aucune valise, car pour moi, il ne se passera rien aujourd’hui ! J’ai d’ailleurs dit à mon conjoint d’aller au travail), la douleur à l’estomac s’est encore aggravée. Ma collègue me prend la tension en tournant l’appareil de manière à ce que je ne la vois pas et je sens que ma douleur l’inquiète : « Montre-moi exactement où tu as mal ». J’ai vraiment de plus en plus mal devant et dans le dos et je vois bien ce qui l’inquiète, elle qui voit mes tensions. « Je sais à quoi tu penses [ndlr, la barre épigastrique], mais je t’assure que ce n’est pas ça, c’est à cause de ma tisane que j’ai bue trop vite. Dès que j’aurai vomi ou que ça sera descendu, ça ira mieux… ».

En tant que sage-femme, je connais très bien ce symptôme de barre épigastrique et je sais à quoi il fait référence, mais non, pour moi il ne s’agit pas de ça à ce moment-là ! Je vais aux WC, en espérant pouvoir évacuer cette fichue tisane mais rien n’y fait : j’ai vraiment très mal et ne trouve aucune position pour me soulager. Je croise la gynécologue de garde qui semble inquiète, ainsi que toutes mes collèges présentes ce jour-là, mais je reste focalisée sur cette tisane ! Ma collègue, venue juste pour un RDV, part se mettre en tenue, elle comprend que les choses vont s’accélérer (j’ai 18/11 de tension et une barre épigastrique). Elle me pique pour un bilan, qui s’est bien dégradé en 24h : les plaquettes ont encore chuté, et les enzymes hépatiques ont flambé. Je fais une pré-éclampsie sévère compliquée d’un HELLP syndrome.

L’anesthésiste me fait une perfusion de sulfate de magnésium : ma douleur cesse dans les 5min qui suivent ! Ah, je commence à me rendre à l’évidence (déni, bonjour !) : finalement, ce n’était peut-être pas la tisane mais bien la barre épigastrique !! Les tensions restent élevées. Le gynécologue qui s’occupe de moi (un ami) décide de me déclencher pour me laisser une chance d’accoucher par voie basse. L’anesthésiste décide de me poser le cathéter de péridurale « au cas où »… Je vois mon projet d’accoucher le plus naturellement possible s’envoler mais je fais confiance à mes collègues, je les ai choisis pour ça après tout ! Et puis les résultats du bilan suivant tombent : tout s’est encore beaucoup dégradé en l’espace de 4h seulement ! Plus le temps d’attendre : une césarienne code rouge est décidée d’emblée (bébé, lui, se porte toujours à merveille ! Tant mieux !).

J’ai peur, je pleure, peur d’avoir mal ! Je sens mes jambes et bouge mes orteils et je sais que ce n’est pas normal. L’anesthésiste me dit de ne pas m’inquiéter. La césarienne commence : je souffre mais je refuse que l’anesthésiste m’endorme malgré tout car la seule chose que je peux encore maîtriser de mon projet, c’est de pouvoir découvrir le sexe de mon bébé en même temps que mon conjoint ! Je souffre donc, mais je peux honorer ce souhait. Il est 17h27, le 1er septembre, lorsque je découvre enfin avec mon conjoint que nous venons d’avoir un petit garçon, Isaac ! Il se porte comme un charme, moi je pense que le plus dur est passé et que tout va s’arranger maintenant (après la suture qui m’aura fait tout autant mal !).

Une surveillance rapprochée

Le gynécologue demande quand même à refaire un bilan de contrôle à 21h00. C’est une autre collègue qui vient me donner les résultats qui ne sont pas bons. Les plaquettes continuent de chuter. Elle se met à pleurer en me disant qu’il est question de me transférer en réanimation dans un établissement de type III (nous sommes dans un type I). Je sens son inquiétude. Et là, je me dis, ok je vais mourir. On va me transférer, je vais donc partir et ne jamais revenir. Je vais laisser mon conjoint et notre petit garçon, je ne les reverrai pas… Finalement, parce que je suis cliniquement bien, j’urine bien et suis consciente, ils décident de ne pas me transférer. Et là, j’ai le sentiment qu’on « joue avec ma vie ». Finalement, la suite leur a donné raison, je n’ai pas fait de complications qui auraient nécessité d’être en réa. Mais cette nuit-là, j’ai lutté pour ne pas dormir car j’étais persuadée que si je m’endormais, je ne me réveillerai pas ou alors avec l’équipe qui s’affole autour de moi car je fais une crise d’éclampsie…Parfois, ça a du bon de ne pas être du métier ! Le gynécologue et l’anesthésiste sont donc restés à mon chevet de nombreuses heures avant que je sombre d’épuisement.

Les jours qui ont suivi, j’ai dû saigner à l’intérieur car un hématome gigantesque est apparu et j’ai fait une anémie sévère. Les tensions sont restées hautes puis labiles quelques jours sous traitement, avant que je puisse définitivement stopper le Loxen™ au bout d’un mois.

L’après…

Aujourd’hui, tout va bien biologiquement (malgré une rétention placentaire qui s’est évacuée spontanément trois mois après) mais psychologiquement c’est plus compliqué. J’essaye de me sortir d’une dépression du post-partum encore quatre mois après…

Je ne cesse de me dire que si je n’étais revenue que le vendredi comme initialement décidé (ou si je n’avais pas rajouté ce RDV avec ma collègue « pour vérifier mon col »), je ne pense pas que je serai encore là aujourd’hui pour témoigner… Je trouve totalement fou d’avoir fait une pré-éclampsie sévère sans aucun signe, en ayant pris si peu de poids et des œdèmes quasi inexistants (même en pleine canicule !) et que tout ait flambé aussi rapidement. Ça fait froid dans le dos…

Depuis le jour de la naissance de mon fils, il n’y a pas un jour où je ne songe pas au souhait de lui offrir un petit frère ou une petite sœur mais je ne sais pas si cette envie saura dépasser la peur d’une récidive et la peur d’y rester… »

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Cette publication a un commentaire

  1. Leroux

    Votre histoire ressemble tellement à la mienne!! Pré éclampsie sévère également.. tout à « peter » du jrs au lendemain.

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