« Je m’appelle Christine et j’ai 37 ans. J’ai accouché d’un petit Diogo le 17 février 2023 en césarienne d’urgence « code rouge » pour une RCIU (retard de croissance intra utérine) à 37 SA due à une pré-éclampsie à la maternité de l’hôpital d’Argenteuil.
Tout a commencé au moment où j’apprends que je suis enceinte. Il s’agit d’une 3ème grossesse et d’un 3éme bébé. Mais au fond de moi, et je n’arrive pas à y trouver de justification, un pressentiment, je sens que cette grossesse ne se déroulera pas comme les autres et que quelque chose ne va pas aller.
J’essaie de profiter de cette dernière grossesse tant bien que mal, malgré ce pressentiment qui est toujours là. Mes analyses sont parfaites, rien à signaler. Lors de ma 2ème échographie, mon gynécologue me dit que mon placenta n’avait pas beaucoup bougé, qu’il n’était pas trop remonté et que par conséquent, si j’avais besoin d’aller à l’hôpital pour des saignement ou autre, il fallait que je mentionne cette suspicion de « placenta prævia ». Mes analyses étant bonnes, il me dit de ne pas m’inquiéter, mais en cas de doute, qu’il fallait que je me dirige vers la maternité. Les longs voyages m’étaient déconseillés mais je pouvais continuer à vivre ma petite vie tranquillement.
Vient le moment de ma 3ème échographie et là, mon placenta est toujours au même endroit. Il avait à peine bougé. Les échanges de flux entre bébé et le placenta étaient bons et mes analyses étaient « parfaites ». À la suite de cela, il a souhaité faire une échographie de contrôle à l’hôpital avec l’équipe de médecins afin d’avoir leur avis. Ils ne se décident pas trop et disent que cela peut encore bouger et on me parle d’une possible césarienne. Et ça, pour moi, ce n’était pas envisageable. Je bloque. Je comprends les mamans qui en veulent une mais pour moi, c’était un non catégorique. Ce n’était pas, pour moi, un accouchement. C’était une intervention chirurgicale où on m’enlève mon bébé. Dans ma tête j’ai vraiment bloqué sur ça.
Je m’inscris aux cours de préparation à l’accouchement et au fur et à mesure des échanges, je viens à parler de mes « potentiels » soucis à cause du placement du placenta et de cette césarienne non souhaitée qui me faisait coucou au loin. La sage-femme me propose des cours de sophrologie afin de me détendre et voir si cette solution serait mieux accueillie.
Je rentre chez moi, et deux heures après ce cours, la sage-femme me rappelle et me dit que je ne peux pas être suivie dans le circuit normal et que je serai prise en charge par le service de parentologie en individuel, car elle pensait qu’il y avait quelque chose derrière. Je fais plusieurs séances avec elle, ça me fait du bien, mais cette césarienne ne m’allait toujours pas. Je n’arrivais pas à m’y faire. Bien entendu, s’il fallait sauver la vie de mon bébé, c’était un oui mais m’avouer que mon corps, pour mon dernier bébé, n’arrivait pas à finir comme il le faut, c’était un échec.
Vient mon dernier rdv de suivi à l’hôpital, 1 mois avant le terme. Tout était bon. Les urines, la prise de sang, la tension, le rythme du bébé. Tout était OK. Je demande à la sage-femme si je pouvais avoir un contrôle intermédiaire avant le terme pour me rassurer avec cette histoire de placenta. Elle me dit oui et me dit même ça va les aiguiller pour l’issue de ma grossesse.
Le rendez-vous est pris pour le 17 février 2023. Ce jour-là, je m’en souviendrai toujours, je me sentais sereine et je sentais que j’étais là où je devais être. C’est une sensation étrange. Je me dirige vers la sage-femme qui doit me faire l’échographie. Cela devait être assez rapide. Mais en fait cela n’a pas du tout été le cas. Au bout de 30 min, son visage change d’expression. Elle me demande si je connaissais l’estimation du poids de naissance. Je lui dis oui, entre 3kg et 3kg200. Là elle fronce les sourcils. Je lui demande s’il y a un souci et elle me dit : « Je ne trouve pas la même chose. Je suis plus vers les 2kg400 à terme » (c’est-à-dire presque 3 semaines plus tard). Là, je commence à stresser un peu mais je me dis, quoi qu’il en soit, je suis à l’hôpital. Je suis bien. Elle me dit que la poche des eaux est petite mais que ça va avec un petit bébé (« petit bébé, petite poche » m’a-t-elle dit). Elle m’envoie aux urgences pour faire un monitoring pour avoir le rythme cardiaque du bébé sur 1h.
J’arrive aux urgences, et on me demande de faire pipi dans le petit pot et on m’installe pour le monitoring. Pendant les 10 premières minutes, tout allait bien… J’ai commencé à avoir des contractions et le bébé avait du mal à récupérer. Elles sont venues à 4-5 sage-femmes pour voir les données et elles décident de me poser un cathéter et de me prélever pas mal de tubes. Là j’ai su que c’était foutu… Le monitoring continue et bébé avait à peu près récupéré. On m’envoie en salle d’attente, je dois refaire pipi dans le pot et je constate que ma culotte est humide. Je ne m’affole pas, je pensais que cela était dû à l’échographie que j’avais faite avant. Là, commence réellement les contractions. Il était presque 15h00. Elles étaient proches mais avec un peu d’irrégularités. Je préviens les sage-femmes qui m’informent que mes résultats ne vont pas trop tarder, et elles me donnent du Spasfon™ et un Doliprane™.
16h30, on m’appelle pour faire une échographie très urgente pour une suspicion de cassure de croissance de mon bébé. Je tombe sur la gynécologue de garde qui m’avait déjà fait le contrôle après ma 3ème échographie. Je lui demande si je peux aller faire pipi juste avant, elle me dit oui. Je constate des saignements et elle me dit : « Ah… ». Un « Ah » pas rassurant mais elle était gentille, prévenante et se voulait rassurante. Elle pose à peine la sonde de l’échographe sur mon ventre et elle me dit : « Mais vous avez déjà perdu les eaux ». Je lui réponds dans la plus grande confusion : « Ah oui ? Depuis quand ? Parce que ce matin, tout était ok quand je suis arrivée et je ne suis pas sortie de l’hôpital ». Elle regarde les différents comptes-rendus de mon dossier et me dit que je ne sortirai pas de l’hôpital et que papa devait venir vite. Elle m’informe de ce qui va se passer. Je vais faire un nouveau monitoring pour voir comment bébé supporte les contractions et mettre le travail en route et si ça ne lui plaisait pas, qu’elle allait être obligée de tout déclencher pour ne pas mettre en risque bébé. À ce moment-là, je ne savais pas qu’elle parlait d’une césarienne.
17h00, je redescends, mon mari arrive entre temps. Et là, tout se bouscule et tout va très vite. On m’ausculte pour confirmer la perte des eaux en même temps que le monitoring, et bébé ne va pas bien. Il ne récupère pas du tout et il allait passer en souffrance cardiaque. Mais je reste relativement zen, complètement dans un autre monde. Je reçois les informations mais mon cerveau ne les traite pas. Comme s’il me protégeait. L’équipe médicale décide de m’installer en salle d’accouchement. J’étais dilatée à 2 et pour bébé ça n’allait pas. La sage-femme fait le monitoring ; la gynécologue, l’échographie. Elles échangent un regard et elles se tournent vers les autres personnes dans la salle (elles devaient être une dizaine en tout), et elles disent les mots qui m’ont totalement éteinte : « Code rouge, code rouge ». En un instant, je vois une dizaine de personnes arriver en plus de celles qui étaient déjà là.
Elles expliquent à mon mari qu’elles doivent m’emmener au bloc pour une césarienne en urgence car bébé n’était pas bien du tout. En entendant ces mots, mon cerveau s’est verrouillé et j’étais là sans être là. On m’emmène, je vois mon mari les larmes aux yeux. J’ai essayé de lui parler mais je n’y arrivais pas. Je ne me rendais pas compte de ce qui se passait. Les sage-femmes m’informent de ce qui va se passer, que je vais devoir subir une césarienne pour sauver mon bébé. La seule chose que j’arrivais à dire c’était : « D’accord ». On me place sur la table du bloc, l’anesthésiste m’informe que la rachianesthésie était impossible et que j’allais avoir une anesthésie générale pour que ce soit plus rapide. Je réponds : « D’accord ». C’était la seule chose que j’arrivais à dire. Je les sentais m’attacher, me badigeonner de produit désinfectant pour l’opération. Ils me placent le masque, et je suis toujours là, réveillée. Une dame me caresse le visage et me dit : « Ne vous inquiétez pas, ça va aller ». Je lui réponds : « D’accord ». J’entends quelqu’un d’autre qui crie : « Mais elle ne dort pas encore ! ». Et là, tout s’éteint.
Je me réveille en salle de réveil avec un pansement de contention. On m’informe que mon bébé va bien, mais qu’il était très petit et que ce n’était pas « normal » pour un bébé presque à terme. Elles me disent que mon fils est né à 1,750kg pour 44 cm à 17h45 mais qu’il allait bien, qu’il avait pleuré en sortant. Et là, mon cerveau se remet à fonctionner. Tout s’emballe dans ma tête. Pourquoi ? Comment on a pu en arriver là ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que j’ai mal fait ? La gynécologue vient me voir et prononce ces mots : « Nous soupçonnons une pré-éclampsie ». Et elles me disent : « Vous l’avez échappé belle. Le bloc vous attendait depuis votre premier monitoring ce matin, on attendait d’avoir vos résultats ».
Je remonte dans le service après un moment compliqué en salle de réveil (l’après-césarienne était horrible pour moi). En discutant avec l’équipe de parentologie qui venait me voir tous les jours, on constate que toutes les inquiétudes que j’avais depuis le début étaient en fait l’instinct maternel qui venait de nous sauver la vie. Mon placenta était parti en analyse. Les résultats sont arrivés 2 mois après et la sentence est tombée : pré-éclampsie confirmée, hématome rétro placentaire (HRP), thrombose placentaire, infarctus du placenta et j’avais 1/3 du placenta qui était HS.
Les médecins et sage-femmes ne savent pas comment, et n’ont pas compris comment j’ai pu faire une pré-éclampsie sans symptômes. Ils ont écouté mes inquiétudes concernant la césarienne et j’ai été prise au sérieux. Pour mon suivi post-césarienne, la gynécologue m’a dit : « Vous savez, des cas presque similaires, j’en ai vu quelques-uns mais vous, vous êtes un mystère pour moi ».
Mon fils n’a eu aucunes séquelles. Et il est en pleine forme aujourd’hui. Je suis toujours profondément touchée et blessée par cette césarienne et je le serai toujours, je pense. C’était mon dernier bébé et ça c’est fini comme ça. Ce n’était pas mon souhait mais elle nous a sauvé la vie. Je remercie, du fond du cœur, toutes les personnes qui se sont occupées de nous à la maternité de l’hôpital d’Argenteuil. Ce sont des personnes exceptionnelles et des équipes en or. »