Pré-éclampsie post-partum et traumatisme (Pauline)

Pauline a trouvé la force aujourd’hui de partager avec nous son expérience de la pré-éclampsie, un témoignage bouleversant…qui parlera à la plupart d’entre nous, quelle que soit notre propre expérience de cette pathologie de grossesse. Pauline a vécu une pré-éclampsie post-partum 10 jours après avoir donné naissance à son petit garçon – cas assez rare mais la pré-éclampsie peut survenir jusqu’à 6 semaines après l’accouchement – et 17 mois après, elle doit encore tenter de comprendre pourquoi cela lui est arrivé avec des examens complémentaires. Nous envoyons à Pauline plein de bonnes ondes pour trouver les réponses à ses questions, et la remercions. Nous sommes heureuses que notre groupe ait pu vous apporter du soutien !

« Bonjour à toutes. Vous n’imaginez pas à quel point rejoindre ce groupe et lire vos témoignages m’ont été précieux. J’ai systématiquement eu les larmes aux yeux en lisant vos mots et me suis chaque fois dit à quel point vous étiez courageuses de partager vos histoires. Grâce à vous ce soir, j’ai pris la décision de témoigner moi aussi. Apporter ma pierre à l’édifice pour peut-être permettre à des mamans de se retrouver dans mon histoire, de comprendre ce qui leur arrive et de leur dire qu’elles ne sont pas seules dans ce qu’elles ressentent. Parce qu’avant vous, je me suis sentie très seule. Et très désemparée. Et très triste. Et en colère aussi. Et pourtant cela fait presque 15 mois que cela est arrivé [témoignage novembre 2020] …

D’ailleurs, je ne me suis même pas présentée que je suis déjà en train de pleurer… Je m’appelle Pauline, je suis maman d’un petit garçon de 15 mois. J’ai fait une pré-éclampsie post partum à J+10 après accouchement. Généralement quand je prononce cette phrase, je reçois en réponse un « c’est rarissime » si j’ai devant moi une personne appartenant au milieu médical ou un « tu n’as vraiment pas de chance » dans les autres cas. Et cela me renvoie à ce sentiment de faire figure d’exception. Cela me renvoie à ma solitude. Rien ne laissait présager que j’étais susceptible d’être victime d’une pré-éclampsie. Pas de problème de tension pendant la grossesse, des analyses correctes tout au long des neuf mois, un accouchement par césarienne très bien vécu. Après avoir passé 8 jours à la maternité, j’étais rentrée chez moi avec mon bébé et mon mari. J’étais tellement heureuse. Une nouvelle vie commençait avec ce premier bébé.

Le jour suivant, en pleine nuit, je me suis sentie étrange, j’avais des palpitations. Je sentais que quelque chose n’allait pas. Dès l’ouverture du secrétariat, j’ai donc pris rendez-vous chez mon médecin généraliste. Quand elle a pris ma tension, elle a tout de suite interrompu la consultation : « Là c’est très sérieux, il faut aller tout de suite aux urgences ! « . Elle a directement appelé l’hôpital pour leur annoncer que j’arrivais et ma maman, qui m’accompagnait, m’a conduite là-bas. Aux urgences on m’a prise en charge tout de suite et on m’a expliqué ce que j’avais. Je faisais une pré-éclampsie post partum. « C’est une complication de la grossesse » m’a dit l’urgentiste. Je ne comprenais pas « une complication de l’accouchement ? « , ai-je demandé. Il m’a répondu que non, que généralement la pré-éclampsie arrivait pendant la grossesse pas après, que là c’était un cas très rare. Je me souviens avoir pensé que j’étais rassurée que mon bébé soit à la maison, je ne sais pas comment j’aurais réagi s’il avait encore été dans mon ventre. J’aurais eu tellement peur pour lui à ce moment-là. Je préférais que ça m’arrive à moi seule et pas à nous deux.

J’ai regardé le moniteur de tension : 180/110. J’ai demandé : « Qu’est-ce qu’on doit faire, Docteur ?  » Et le médecin, un peu embêté m’a dit : « Et bien généralement on fait accoucher les patientes… mais vous… c’est déjà fait… ». Il avait l’air très embêté en disant cela. J’ai commencé à avoir vraiment peur. Peur d’être là toute seule. Peur qu’on ne puisse rien pour moi. Peur de mourir là maintenant. Peur de ne pas pouvoir connaître mon bébé plus de 9 jours. Peur de laisser mon mari veuf alors qu’il me croyait encore chez le médecin généraliste car je ne l’avais pas prévenu. Peur de cette foutue pré-éclampsie que je ne connaissais pas il y a une demi-heure à peine et qui chamboulait ma vie à un point que je n’imaginais pas. Peur de cette maladie que je ne comprenais même pas. Peur de l’angoisse des soignants quand ils me regardaient. Peur de ce moniteur de tension dont les valeurs ne baissaient pas malgré les traitements dispensés par le pousse-seringue.

Au bout de trois jours en soins intensifs, ma situation a été stabilisée. L’équipe soignante a vraiment été très professionnelle et très gentille avec moi. Ils m’ont littéralement sauvé la vie, je leur en suis à jamais reconnaissante. Je suis restée en observation quelques jours de plus dans un service où mon bébé a pu être hébergé à mes côtés. Je suis sortie en pleine forme et j’ai pensé que tout cela était dernière moi. Pourtant il n’en était rien.

Durant les mois qui ont suivi, j’ai revécu en boucle cette journée. Je me suis repassée le film des centaines de fois. J’en ai fait des cauchemars. Je passais en revue tous les détails de cette journée et toutes les options qui m’avaient conduite chez le médecin puis à l’hôpital ce jour-là. Je me disais que si j’avais fait telle ou telle chose différemment ce jour-là, je serais peut-être morte. Cette idée de mort imminente ne m’a pas quittée pendant des mois. Elle m’a beaucoup tourmentée. Elle semblait même m’éloigner de mon entourage, de mon mari et même parfois de mon bébé… Je me sentais prisonnière de cette journée, de ce qui m’était arrivé. La nouvelle vie que j’imaginais commencer à trois avec mon bébé, je la commençais en fait à quatre. Avec un personnage prépondérant, qui prenait toute la place : le souvenir de ma pré-éclampsie et de cette journée horrible. Et en même temps que je m’enfermais dans cet événement, je m’en voulais aussi de ne pas arriver à passer à autre chose. De ne pas arriver à penser à autre chose. Pourquoi n’arrivais-je pas à tourner la page alors que tout était terminé ? Pourquoi est-ce que dès lors que mon corps était guéri, mon esprit, lui, restait systématiquement bloqué sur cette journée, incapable d’avancer ? Cela ne me ressemblait pas, j’avais l’impression d’être quelqu’un d’autre. J’avais l’impression de vivre dorénavant avec la présence constante de la pré-éclampsie. Tout ce que je vivais, je le vivais par le prisme de cette expérience. Tout me renvoyait à la pré-éclampsie. Je me suis sentie égocentrique, anormale, égoïste, de penser encore et encore à ce jour, à ce que j’avais vécu. Je me suis sentie mauvaise mère, mauvaise épouse, de ne pas arriver à surmonter cette épreuve alors même que les personnes que j’aimais plus que tout étaient là, auprès de moi et me tendaient les bras pour me sortir de ce marasme dans lequel je m’étais embourbée.

Et un jour (il n’y a pas si longtemps que cela), je me prends par la main, je fais une recherche et je tombe sur le groupe. Le premier post que je lis fait état de femmes ayant ces « flashbacks » que j’ai moi-même depuis des mois. Et je retrouve, au fil de mes lectures, des choses que je vis, que je ressens… Et là j’arrête de me sentir seule. J’arrête de me sentir anormale. Je comprends que la pré-éclampsie, en plus de nous atteindre dans nos corps, peut parfois meurtrir aussi nos âmes. Je comprends qu’il faudra travailler, parler, m’exprimer sur ces blessures invisibles pour les soigner. Et même si je commence à peine ma démarche et que je pense qu’il me faudra un peu de temps pour tout réparer et vraiment me libérer de toute cette peur, je me sens plus légère de savoir que je ne suis pas seule. »

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Cet article a 3 commentaires

  1. Charlène

    Coucou

    J’ai fais une pre éclampsie +AVC en post partum

    Si tu veux qu’on échange avec plaisir

    1. GrossesseSante

      Bonjour, pour échanger et discuter avec les personnes qui nous ont confié leur histoire, merci de nous retrouver sur nos pages Facebook et Instagram, à bientôt

  2. Ribac

    Bonjour,
    J’ai fait une pré eclampsie 4 semaines apres mon accouchement. 9 mois après j’ai toujours ces moments où je me repasse les scènes dans ma tête. J’en ai un peu honte et je n’en parle pas car j’ai peur de ne pas être comprise ou de passer pour quelqu’un qui râle un peu trop. Sans parler de la peur d’un 2eme enfant que je me suis toujours imaginée avoir. Tout comme cette personne, le corps médical me dit que c’est rare. Lorsque je vais à l’hôpital pour un énième rdv, j’entends toujours  » aaahh c’était vous la pré eclampsie post partum a 4 semaines ». Bon courage à toute pour la guérison psychologique après la guerison corporelle !

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