Le témoignage de Laura nous rappelle l’importance du suivi en post partum. Six jours après son accouchement déclenché pour pré-éclampsie, elle a fait une pré-éclampsie post partum. La pré-éclampsie peut survenir dans de rares cas jusqu’à 4 à 6 semaines après l’accouchement mais peu le savent encore. Merci à Laura pour son témoignage important.
« Je m’appelle Laura. J’ai 33 ans et je vis en Suisse. Je suis maman depuis maintenant 1 an et demi d’une petite fille nommée Eva. Voici mon histoire. Tout a commencé le 27 octobre 2019. Après 4 ans d’essais, mon test de grossesse était positif. Notre joie était immense, la famille allait s’agrandir… Mais je n’étais pas prête pour la suite…
Lors de mon 3ème mois de grossesse, on m’a diagnostiqué un diabète gestationnel. J’ai été suivie par une diabétologue qui m’avait demandé de faire des contrôles 4-5 fois par jour et jusqu’à la fin de la grossesse… Le 4ème mois, un traitement pour la thyroïde est venu s’ajouter à la liste alors que je n’avais pas non plus d’antécédents. Mais jusque-là, « tout va bien », des petits soucis qui peuvent arriver pendant une grossesse.
Le 7ème mois arrive. Je vais au rendez-vous chez la gynécologue, je fais un test urinaire et je vois le stress dans le cabinet. Je ne comprends pas trop. Ma gynécologue me demande comment je me sens, si j’ai des maux de tête ou si ma vue a changé, et je réponds que non. Elle me dit qu’elle doit appeler l’hôpital pour que j’aille faire un contrôle d’urgence car il y a des protéines dans mes urines et elle veut être sûre que son examen est correct… Elle téléphone à la salle d’accouchement et on me dit de me rendre tout de suite là-bas…
Sur le chemin, j’avertis le papa que je dois aller à l’hôpital et que je le tiens au courant des détails. Une fois arrivée, prise en charge rapide, appareil pour la tension, monitoring pour bébé et sonde urinaire pour une urine stérile. J’envoie des messages à ma maman en lui disant que je suis à l’hôpital pour des examens parce que j’ai des protéines dans les urines. Elle ne comprend pas non plus l’urgence.
Trois heures après, je sors et, les seules indications que j’ai sont de contrôler certains symptômes comme maux de tête, mouches noires dans la vue, barre au niveau du cœur mais pas les œdèmes car mes jambes étaient déjà bien enflées à 7 mois…
En rentrant, j’appelle ma maman qui, entre-temps, avait fait des recherches. Elle me parle de protéines dans les urines et de pré-éclampsie. Au début, je ne comprends pas trop le lien comme je n’avais pas reçu trop d’informations du milieu médical, tout était vague, comme si on ne voulait pas me stresser davantage.
Le rendez-vous suivant, on me parle de la pré-éclampsie et là, c’est le choc ! Je n’avais jamais entendu parler de cette maladie ! Pourtant j’ai été suivie deux fois par semaine à l’hôpital et une sage-femme venait à la maison 2-3 fois par semaine entre les rendez-vous… Ma grossesse a continué à son rythme sans trop de soucis jusqu’à une semaine avant le terme.
C’était un samedi ensoleillé. Nous avons profité des derniers moments entre amis avant que notre petite arrive. En rentrant, j’explique à mon mari que toute la journée ma vue était vraiment floue – je porte des lunettes de vue et avec celles-ci je ne voyais rien. Il me dit de téléphoner à l’hôpital et de demander si je dois y aller pour un contrôle. Je téléphone et ils me disent de venir immédiatement avec ma valise, au cas où.
Ils m’ont gardée en observation pendant quatre heures puis ont pris la décision de déclencher l’accouchement. Notre petite Eva est née le lundi, à 10h35. Notre bébé était là et en bonne santé. Aucun problème lié au diabète ni à la pré-éclampsie, notre plus grand soulagement. Mon séjour à la maternité était vraiment top. Seul le papa pouvait être présent et j’ai vraiment pu profiter de ma petite pendant ces quelques jours. Le jour de mon départ, la doctoresse vient pour les derniers contrôles et me demande comment je me sens. Je lui explique que mes jambes sont toujours autant enflées, si ce n’est un peu plus et que je sens une douleur étrange au niveau du thorax. Je lui dis mot pour mot : « J’ai l’impression d’avoir fait une série d’abdos en continu ». Je lui demande, comme c’est notre 1er enfant, si ce n’est pas tout simplement la descente d’organes. Elle me répond de ne pas m’inquiéter, que tout allait revenir comme avant dans quelques jours. Sur ce, je sors de la maternité avec son accord.
Arrivée à la maison, les grands-parents et la famille étaient là pour accueillir Eva. Ma maman vient vers moi, me regarde étonnée et me dit qu’elle me trouve encore bien enflée du visage et des jambes. Je lui explique ce que la doctoresse m’avait dit avant la sortie. Elle me regarde bizarrement et me dit de bien surveiller quand même.
La sage-femme est venue tous les jours pour les contrôles de routine pour Eva et, pour moi, un contrôle un peu plus strict vu que la pré-éclampsie peut se déclarer jusqu’à 6 semaines après l’accouchement. Le samedi, ma sage-femme m’annonce qu’elle ne viendra pas le lendemain comme j’allais avoir des visites pour Eva et elle ne voulait pas me surcharger. On se verra comme prévu le lundi. Avant de partir, elle me demande quand même de prendre une tension, le lendemain et de lui envoyer le résultat pour son dossier.
Le dimanche arrive et mes œdèmes étaient toujours plus importants. Je ne pouvais plus plier les jambes tellement elles étaient dures et enflées. La journée passe et vers 18h00 quand tout le monde était parti et que nous étions de nouveau au calme, je m’allonge un instant et je prends ma tension comme demandé par ma sage-femme : 1ère prise, 178/100… Je lui envoie un message audio avec le résultat et lui explique comme je me sens. Elle me demande d’attendre 10-15 minutes, de vraiment me détendre et de refaire une prise… 2ème prise, 178/110. Elle me dit de téléphoner à la salle d’accouchement et de voir ce qu’ils en disent. Ils me demandent de venir mais de passer avant par les urgences pour un contrôle. Avant de partir avec mon mari, j’embrasse ma fille en lui disant que maman allait vite revenir vers elle.
Arrivée aux urgences, l’infirmière qui me prend en charge, fait de grand yeux en me voyant… Elle me fait asseoir, me pose l’appareil pour la tension et en même temps le bracelet pour l’accès aux urgences. Tout s’est passé très vite. Ma tension était montée à 198/110… ! Je me suis retrouvée dans une grande chambre avec mon mari et deux infirmiers qui m’attendaient de pied ferme. Les contrôles commencent : prise de sang, test urinaire, symptômes. J’explique que la douleur au thorax n’est pas partie depuis mon accouchement mais qu’on m’avait dit que tout était ok… Nous sommes arrivés à 21h00 et à 3h00 du matin, un médecin entre et nous dit que je dois partir en soins intensifs parce que je fais une pré-éclampsie post partum. Six jours après…
Tout s’est effondré autour de moi. Mon mari a demandé pour quelle raison je partais en soins intensifs. Ils lui ont expliqué que c’était le seul endroit où il y avait des surveillances en continu car à tout moment je pouvais faire des crises d’épilepsie, des convulsions. Ce sont les derniers mots que mon mari a entendu d’un médecin avant qu’on ne se quitte. Mon séjour aux soins intensifs a commencé, j’étais en état de choc et la pire sensation a été mon ressenti envers Eva… J’avais l’impression de l’avoir abandonnée, ma fille qui était si petite encore… Les infirmières qui étaient là ce soir-là ont été vraiment super avec moi. Quand elles ont vu mon état, une est restée près de moi le temps de faire couler toutes mes larmes avant que je ne m’endorme.
Le lendemain, les contrôles ont recommencé : prises de sang en continu toute la journée – on ne trouve pas facilement mes veines, elles sont très fines et claquent. Le lundi, je me suis réveillée le visage en larmes car je ne savais pas si j’allais revoir ma fille ou pas. Ma tension ne baissait pas. Une infirmière est venue vers moi et m’a suppliée de pleurer un bon coup, de ne pas retenir mes émotions car plus je pensais et culpabilisais pour ma fille, plus mes émotions étaient fortes et plus ma tension augmentait, ce qui pouvait être mortel à ce moment-là pour moi et je n’aurai donc plus jamais revu ma fille. Ce jour-là, j’ai lâché tout ce que j’avais en moi. J’ai regardé une photo de ma fille et dans ma tête, mon objectif était que j’allais me battre pour elle. Elle était devenue ma force, elle ne pouvait pas grandir sans sa maman à ses côtés. Je ne pouvais pas le permettre. Le mardi, j’ai demandé s’il était possible qu’Eva vienne avec son papa pour l’heure de visite autorisée (une heure seulement en raison du Covid). Après discussion, ma demande a été acceptée et j’ai pu serrer ma fille pendant une heure entière ce jour-là. De la voir si bien et en bonne santé m’a fait du bien. J’ai vraiment pu me concentrer sur moi et ma situation… Mon séjour aux soins intensifs était spécial : j’ai eu une équipe près de moi que je ne pourrai jamais assez remercier, j’étais la jeune maman séparée de son nouveau-né.
Après quatre jours aux soins intensifs, je suis passée en maternité. Ma tension avait baissé mais on devait la stabiliser avec des médicaments avant que je puisse rentrer. J’ai demandé plus d’informations sur ce qui m’était arrivé et on m’a dit que la maladie avait attaqué le foie et le pancréas et que ce jour-là, heureusement que j’avais pris ma tension car ils ne savaient pas si je me serais réveillée le lundi matin… Le choc en entendant ces mots… J’ai dit à l´Infirmière que je ne comprenais pas pourquoi cette maladie était encore méconnue à ce jour, c’est une maladie grave qui peut avoir tellement de conséquences et pourtant elle est si tabou ! Elle m’a répondu que c’était une maladie encore peu connue, qu’il y a peu de choses que l’on sait à ce jour.
Je suis restée à l’hôpital une semaine en tout. Quand je suis rentrée à la maison, ma fille avait deux semaines. J’ai raté sa deuxième semaine de vie et je m’en veux encore même si je sais que je n’y suis pour rien mais j’aurai du écouter mon corps et insister de ne pas rentrer ce jour-là où j’avais une mauvaise sensation. Mon suivi a duré 4-5 mois encore avec de lourds traitements pour la tension mais tout est revenu à la normale. Cette expérience m’a beaucoup forgée surtout mon caractère. Je sais que j’ai la force de me battre seule pour mon bien-être mais surtout pour celui de ma fille. Elle a été ma force à ce moment-là et elle le sera toujours… Aujourd’hui, Eva a 1 an et demi et elle est en bonne santé, et moi aussi.
Cette histoire fait partie d’Eva et de moi, et je sais que j’ai un lien exceptionnel avec ma fille. Elle a été là quand j’en avais besoin, elle avait compris que quelque chose n’allait pas pour sa maman : quand je l’avais dans les bras, elle pleurait tout le temps et une fois rentrée à la maison, elle ne pleurait plus pendant les câlins. Il faut écouter son corps mais aussi ses enfants. Ils ont été en nous et ils nous connaissent aussi. Une maman et son bébé ont un lien que personne ne peut expliquer et que personne d’autre ne peut comprendre. Nous avons un bel avenir devant nous maintenant. Voici mon histoire. »