Anaïs partage son expérience d’une pré-éclampsie sévère à 30SA accompagnée d’un HELLP syndrome, avec un suivi en néphrologie et cardiologie presqu’un an après son accouchement. Elle ne connaissait pas les signes de la pré-éclampsie mais savait qu’elle avait des symptômes anormaux pour une grossesse (barre épigastrique, maux de tête, tension, œdèmes), mais n’a pas assez été écoutée. Elle aura heureusement quand même été transférée en maternité pour grossesse pathologique 24h avant la césarienne. Nous souhaitons à Anaïs de se remettre vite de cette épreuve et une belle continuation !
« Je m’appelle Anaïs et j’ai 21 ans (20 ans pendant ma grossesse). J’étais enceinte de deux mois quand j’ai appris ma grossesse, mon terme était prévu pour le 12 novembre 2019. J’ai toujours été malade pendant ma grossesse, surtout le premier trimestre je pensais que c’était normal, j’étais toujours au lit, très fatiguée, toujours en train de vomir, impossible pour moi de manger. Puis ont suivis les maux de tête et de ventre très rapidement. J’étais suivie par une gynécologue à l’hôpital et une sage-femme en libéral. Je rêvais déjà d’un bel accouchement. Avec mon conjoint, on s’imaginait déjà plusieurs scénarios mais le scénario a vite tourné au drame.
J’étais toujours malade, et les maux de tête devenaient insupportables, mes pieds étaient déjà très enflés alors que je commençais seulement mon deuxième trimestre. Je ne me souviens pas d’un seul jour où je me sentais bien pendant ma grossesse mais j’acceptais tout pour bébé. Tout a commencé à mon échographie du 2ème trimestre où la gynécologue s’est alarmée. Je prenais beaucoup de poids très vite, j’avais beau dire que je mangeais très peu, je me faisais taper sur les doigts et on me parlait de diabète gestationnel. J’ai subi un harcèlement contre moi-même… Ne pas grossir de peur que ma gynécologue me tape sur les doigts. Nous faisons l’échographie. Très heureuse avec mon conjoint pour m’accompagner et là, une première frayeur commence. On me dit que bébé est beaucoup trop petit et qu’il ne pèse que 360g. On me dit qu’il faut aller d’urgence dans un autre hôpital pour une écho approfondie. Je pleure, j’ai peur…c’est mon premier bébé. Je voulais juste connaître le sexe et au final je suis transférée à 23SA. Ma tension grimpe, tous les jours je suis de plus en plus mal et fais des malaises. Ma sage-femme dit que ma tension n’est pas bonne, qu’elle reste à 17. Plusieurs fois encore, je parle de mes symptômes mais personne ne m’entend… Je m’angoisse. Bilan écho approfondi, j’ai des notchs utérins. Elle me parle d’hypertension mais rien de plus. Je suis encore perdue, j’essaye de manger énormément pensant que ça va aider bébé à grossir. À l’écho cependant, on apprend que c’est un petit garçon qui va très vite arriver dans nos vies…
Arrivée à 28SA je vais de plus en plus mal, j’en parle à ma mère, elle me dit que ce n’est pas normal, qu’elle n’avait jamais vu une femme enceinte dans cet état : je gonfle à vue d’œil, mon visage se transforme. J’ai l’impression d’être un ballon d’eau. Mais la canicule n’aidait pas. Je ne dors plus, j’ai une barre à l’estomac, j’ai très mal, j’ai très mal à la tête, je n’arrive plus à rentrer dans mes chaussures ni dans mes chaussettes. J’appelle l’hôpital d’urgence, j’arrive aux urgences : analyse des urines et prise de sang pas très bonnes. Tension qui monte jusqu’à 19 mais qui redescendra pendant les quatre heures d’hospitalisation. Je reviendrai une semaine plus tard où on me demandera un bilan urinaire sur 24h. Encore une fois je parle de tous mes symptômes mais personne ne me dit rien. Le dernier week-end arrive…
Je pleure dans les bras de ma mère, je n’y arrive plus, je ne peux plus tenir je sens que je vais mourir. Le mardi, je vais chercher mes analyses d’urines et pars aux urgences. On m’hospitalise sans rien me dire. Dans les couloirs, j’entends que mon taux de protéines dans les urines est beaucoup trop élevé et que bébé ne va pas bien du tout sur le monito. Je vois passer ma gynécologue, je regarde mon conjoint et me met à pleurer. J’ai compris rien ne va plus… Elle m’emmène dans son bureau et là c’est le choc total. On m’annonce la maladie, on m’annonce qu’on va me retirer mon fils d’urgence. Je perds espoir, je perds le contrôle, je n’écoute plus je suis sous le choc. Je pleure, je tremble et encore une fois, aucune compassion de la part de ma gynécologue qui demande à me maîtriser pour ma T3. Elle me dira simplement qu’elle trouve encore mon bébé trop petit et m’envoie en maternité pour grossesse pathologique. J’ai déjà une chambre. Je suis seule et je tremble, mon conjoint annonce la nouvelle à mes parents. J’ai juste dit à ma mère de venir sans expliquer pourquoi. Elle rentre et pleure, mon père a les larmes aux yeux. Je pleure, je commence à réaliser que je ne finirai jamais cette grossesse. Je ne sais même pas ce que me réserve l’avenir, je suis perdue, personne ne m’explique. On ne me dit même pas où va être transféré mon fils, rien. J’enchaîne les prises de sang, les bilans urinaires et monito, je resterai 24h à jeun. Je suis fatiguée, les médecins n’arrêtent pas de venir m’expliquer la maladie mais je n’écoute pas, je ne suis pas en état de parler. On me donne un plateau repas le soir, on me dit que l’anesthésiste a dit que ce n’était pas pour ce soir… Je mange, me douche, très heureuse de passer encore une nuit avec mon bébé.
Je sors de la douche et c’est le drame : des médecins viennent me chercher en urgence, on m’installe dans mon lit et on m’emmène en salle de pré-travail. Je pleure, j’ai peur, je leur demande d’attendre, de me laisser mon bébé mais personne ne m’écoute. Mon conjoint se précipite pour prévenir nos parents. On me met des perfusions, je tremble tout du long, je suis tétanisée. Mon conjoint restera seul dans une pièce pendant plus de quatre heures. Je pars en césarienne d’urgence, une vingtaine de personnes autour de moi, j’aperçois une couveuse bleue au loin. On me pose la rachi et, c’est parti. Dix minutes après mon bébé est né, il est 23h31. Je ne l’entends pas crier ni pleurer, je hurle pendant de longues secondes. On me le montre…il est si petit mais si beau avec ses cheveux… On me félicite, mais je ne suis pas heureuse… Je ne le vois que cinq secondes, le temps de lui déposer un baiser… Il fait 1,200kg pour 37cm. Il part en néonatologie, je ne le verrai que le lendemain.
Nous sommes le 28 août 2019 et pour la première fois je deviens maman mais je ne me sens pas comme telle… Son hospitalisation durera trois mois et il sortira avec l’oxygène. Quant à moi, je resterai hospitalisée pendant plus de 15 jours avec des injections de Lovenox® plusieurs semaines – ma tension n’était toujours pas bonne ni le taux de protéines. On me dit que j’ai fait aussi un HELLP syndrome. Après une hospitalisation très fatigante et des prises de sang à gogo, je réalise que je pars de l’hôpital sans mon fils…encore une séparation très difficile.
Il m’aura fallu plusieurs mois pour me remettre de cette pathologie après beaucoup d’examens. Je suis traumatisée de mon suivi et de mon accouchement et maintenant je lutte pour que cette pathologie de grossesse soit connue, que mes proches et mes connaissances en parlent. Je veux que le monde sache que cette pathologie peut arriver à n’importe qui et surtout n’importe quand. Je suis suivie par une néphrologue et une cardiologue ainsi qu’une psychologue. Aujourd’hui, mon fils a bientôt 11 mois et il me rend très heureuse. Nous sommes des guerriers, des battants et un jour, je prendrai ma revanche sur cette pathologie. »