Retard de diagnostic et HELLP syndrome (Audrey M.)

Audrey partage aujourd’hui son vécu de la pré-éclampsie avec un retard de diagnostic et n’a pas été assez écoutée… Elle sera prise en charge en urgence avec HELLP syndrome. Elle parle aussi de l’impact psychologique. Merci à Audrey que nous embrassons fort.

« J’ai mis longtemps à prendre la décision d’écrire ce témoignage, le temps de tenter de digérer et d’essayer de comprendre ce qui s’était passé. Trois mois ont passé et je ressens énormément de colère. En lisant tous nos témoignages, j’ai le sentiment qu’une chose concorde fréquemment : « on ne m’a pas écoutée, on ne m’a pas prise au sérieux ».

Mon histoire est semblable à la vôtre et c’est révoltant de voir qu’autant de femmes subissent l’inécoute du corps médical.

Ma grossesse débute en février, toutes les analyses sont bonnes, le développement de mon petit poids est optimum, et la vie continue. Mais cette grossesse s’annonce chargée, très chargée. Au programme deux déménagements, changement de région, achat immobilier, travaux. Je suis totalement stressée. J’ai peur de ne pas avoir le temps de préparer, visualiser, et matérialiser l’arrivée de ce tout petit bébé. Et en effet je n’ai pas eu de temps.

Le 16 octobre tout bascule, je suis pliée en deux à cause d’une douleur sous la poitrine, sous les côtes. Je n’arrive pas à la définir autrement qu’en imaginant une barre. Je contacte mon compagnon. Après quatre heures et un bain, les douleurs se calment, « fausse alerte ».

Les jours passent et le 18 octobre, rebelotte, je prends mon mal en patience, sept heures de douleurs. Je me décide à aller voir mon médecin et j’ai le droit à la belle réponse : « Ce sont les maux de grossesse ça, madame, c’est sûrement le bébé qui appuie sur votre estomac, il est placé haut. » Je m’étais renseignée, j’avais constaté que l’un des symptômes de la pré-éclampsie était cette fameuse barre épigastrique mais je n’ai aucun autre symptôme alors je pars bredouille, et je ne me doute pas de la gravité de la situation. Mon médecin non plus. 

Je ne suis pas de nature à forcer l’écoute alors je prends sur moi. Les jours et les douleurs épigastriques s’enchaînent et s’intensifient.

La souffrance devient mon quotidien je décide d’aller découvrir l’ostéopathie de grossesse pour tenter de calmer les choses : « En effet, bébé comprime une vertèbre d’où vos douleurs, maintenant ça devrait aller mieux ». 

Mais rien ne change. Cinq, six, sept heures de douleurs par jour. Toujours la même douleur, au même endroit. J’en deviens malade, j’ai peur de m’endormir et d’être réveillée avec cette douleur. J’ai peur d’effectuer l’action qui la déclenchera. J’ai peur de tout. La nuit, au petit matin, le jour, rien n’est régulier, rien n’est anticipable. Je suis totalement épuisée. 

Et le 28 octobre à 4h00, c’est reparti. Bain, Spasfon©, attente. Mon quotidien depuis déjà presque 10 jours. Mais je ne supporte plus cette douleur, je n’arrive plus à endurer cette souffrance. J’appelle mon conjoint qui ne pourra arriver qu’en début d’après-midi. Mais c’est insoutenable, j’appelle donc ma chère maman qui m’amènera à la maternité. 

Entre temps je suis prise de vomissements. J’espère que c’est le jour J, je ne veux plus, je n’en peux plus. 

À la maternité, on m’annonce que je suis déjà ouverte à 3, je n’ai même pas senti les contractions. Elles sont totalement effacées par la douleur épigastrique. Les vomissements s’intensifient, je pars en salle de naissance.

Mon conjoint me rejoint enfin. Mais mon petit poids ne supporte pas les contractions, il est en souffrance. On m’administre un produit pour calmer les contractions : vomissements. On administre enfin la péridurale : vomissements. Le temps passe un peu plus calmement, il est 16h00, j’ai enfin le corps anesthésié, je suis soulagée. Mais le travail n’avance plus donc on m’administre un produit pour accélérer le travail : vomissements. 

On m’annonce que l’on attend la descente de bébé et qu’on commencera la poussée. Je suis soulagée et totalement enjouée de cette suite qui s’améliore. Mais 10 minutes après j’ai 8 personnes qui arrivent en trombe dans la salle de naissance. Je continue à vomir, 2,3,5 fois. On m’annonce que le rythme cardiaque de bébé s’affaisse et qu’il doit sortir maintenant. On m’annonce que l’on va « m’aider ». 

Le syndrome HELLP vient de se déclencher. Mes organes me lâchent au pire moment. Je n’ai plus aucune idée de ce qui se passe et je subis la pire douleur que j’ai pu expérimenter. 

La gynécologue a inséré les forceps et en effet bébé est placé haut. J’ai cette sensation d’écartèlement et elle tire de toute ses forces alors que je leur supplie d’arrêter. Les secondes deviennent des heures, je ne fais que hurler et subir. Forceps, ventouses, épisiotomie, la totale.

Bébé est là, bébé va bien, bébé va vivre. Mais maman va mal.On me dit que mon tout petit sera en maternité pendant que je serai en soins intensifs. On me parle de la pré-éclampsie, du syndrome HELLP, de l’état de mes plaquettes, de mon foie, de ma tension. Je ne comprends rien, juste qu’ils vont me séparer d’eux. Mais une sage-femme compatissante se battra pour nous, encore merci à elle. 

S’en suit les joies du post accouchement. Tension toute les demi-heures, bilans sanguins alors que je n’ai plus de veines disponibles, sondes par-dessus l’épisiotomie sans anesthésiant, rétention urinaire, montée de lait. Je me retrouve avec une main glacée, une crise hémorroïdaire et des feuilles de choux sur chaque mamelon…le kiff. Et après tout ça, il fallait encore se battre. Se battre pour avoir un suivi psychologique, se battre pour qu’on nous explique ce qui s’était passé, se battre pour avoir les analyses sanguines. 

Je suis désemparée par ce que j’ai et ce que vous avez vécu. Mais battons-nous, battons-nous pour les prochaines mamans, battons-nous pour qu’elles soient sensibilisées, battons-nous pour sauver ces petits bébés. Ils rentrent bien trop durement dans « la vie ». »

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